Sud Thaïlande
4- De tout un peu, et un bout du littoral dans la région de Khao Lak
Khao Lak, plages, poudre de sable
et mer bouilloire...
Sur la côte de Khao Lak, autour de notre hôtel un peu au nord du bourg, les plages paresseuses s'étirent longuement. La sortie d'un ruisseau s'évase et creuse un étroit parcours dans la sable fin.
L'harmonie du sable clair découpé de lagunes retenues par un cordon fin sur l'intense bleu de l'océan, une souche déracinée de cocotiers ou un tronc couché, les jeux de la lumière sur la vase où sont échoués deux ou trois barques de pêcheurs, au loin la courbe douce d'une grande anse, tel est le charme de cette belle côte.
L'autre irrésistible attrait de l'Océan est ici pour Marlène la température de l'eau : un vrai bain de baignoire, peut-être à 33°C? Sensation inédite jamais encore ressentie sous d'autres Tropiques.
D'autres rechercheront en nageant plus au large un peu de fraîcheur dans des courants moins torrides juste un peu plus profonds.
Pour Marlène, c'est le bonheur. Ne dérangeons, ne démentons pas... Carpe Diem, puisque demain sera forcément pire.
Certain(e)s rougissent au plein et très ardent soleil, dans un insupportable auto-rissolement, - "mettre à feu vif ou à température élevée une viande pour en dorer la surface..."- d'où l'on entend presque la graisse grésiller. D'autres rationalisent la cuisson : 5 mn de bain, 5 mn face et 5 minutes pile, jusqu'à ce que le doré soit parfait ; et ne jamais laisser reposer.
Là seulement, le résultat peut être spectaculaire.
Pour nous plus sagement, qui ne sommes pas adeptes des supplices solaires égyptiens ou incas, un peu de bain, puis l'ombre ; il y a beaucoup mieux à faire.
Khao Lak, d'étranges oeuvres sur le sable...
Une observation plus attentive montre que chacune est centrée sur un trou de sable de quelques millimètres de diamètre. De petits crabes rapides, transparents, si rapides qu’on croit voir un fétu léger emporté par le vent sur la sable.
Ce sont eux les artistes.
La marée basse laisse sur le sable d’étranges et fascinants dessins en cercles concentriques partagés en secteurs, qui se modulent à l’infini, parfois même, extraordinaire coïncidence, à l’image d’un palmier.
Mais qu’est-ce qui peut donc créer de telles œuvres spontanées, manifestement sur la partie ferme du sable qui vient d’être libérée par la marée ?
Insaisissables dans la production de leur création, en s’enfonçant dans le sable et dégageant leur trou, ils expulsent de manière parfaitement régulière des grains de sable très formatés (les plus gros crabes expulsent des grains plus grossiers, moins esthétiques) qui s’organisent en variations de figures remarquables au gré des travaux d’enfouissement de l’artiste.
Juxtaposez les artistes, et la plage devient à elle seule une précieuse œuvre d’art, très éphémère.
Les mêmes crabes artistes transportés sur une plage bretonne dessineraient-ils non des palmiers mais des bulots?
Au sud de l'île Koh Yao Noi, on a pu aussi voir à marée basse migrer une très longue cohorte de crabes, transhumant le long d'un fin cordon de sable blanc.
Par centaines, ils se dirigeaient vers une destination mystérieuse, impérieuse et peut-être futile (mais rien n’est futile chez les animaux), contournant sur leur chemin une méduse bleutée translucide, morte au soleil.
L'extrémité du tombolo débouche sur ce bout d'île de farniente et de calme, où l'on ne fait que passer.
Ailleurs à Khao Lak, des jeux de cailloux...
Sur la baie au nord de notre hôtel, de magnifiques rochers gris-bleu, d'autres plus clairs, parfois veinés, polis ou creusés, forment des crêtes ou des arêtes parallèles, semblent prêts à bondir comme un dauphin hors de l'eau, dessinent des sortes de sculptures spontanées sur la pente de sable qui s'appuie sur un front de dense forêt émeraude à l'arrière.
Bien sûr, ce n'est pas l'extraordinaire chaos des rochers polis des Seychelles, là-bas, à l'autre bout de l'Océan Indien. Mais à défaut...
Le sable fin prend une couleur presque rosée.
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Par contre, les chapelets de coquillages et de cailloux qui tentent de décorer quelques arbres du bord de plage ou de grosses souches qui y ont été abandonnées sont d'un effet forcé assez désagréable, dénaturant et artificiel.
Une autre énorme souche nue est à elle seule une autre oeuvre spontanée plus remarquable.
Pourtant, ce sont bien les hôtels qui croient ainsi agrémenter leur bout de plage, alors que l'environnement naturel se suffit largement à lui-même. Assez ridicule et maladroit...
Un petit varan gris -tout de même un mètre de long peut-être-, agile et lent, recherche les insectes et les vers dans les arbres.
Même domestiqué et alimenté par les déchets grappillés ici et là que les touristes abandonnent autour de leur chaise longue, il offre plus d'intérêt et ne manque pas d'en susciter quand on l'aperçoit dans l'ombre, confondu avec la couleur des troncs.
Ou bien ce lézard aux pattes griffues qui maraude autour des petites tables sur les coraux morts, ou encore ce bernard-l'ermite qui crapahute rapidement sur le sable grossier ...
Les beaux arbres au tronc torturé et souvent oblique qui ombragent la plage, larges et épaisses feuilles vernies (qui sait de quel arbre il s'agit?), se chargent de magnifiques efflorescences, délicats bouquets de filaments blancs qui rougissent à leur toute extrémité.
Auparavant ce sont de gros boutons blancs, pressés d'exploser.
Une fois épanouies, elles tombent au sol, emportées par la brise, laissant parfois une sorte de très long pistil.
Ce qui semble être le fruit a la forme d'une grosse poire renversée. Une fois tombé, il brunit en séchant. La partie inférieure est une sorte de bec, moqueur comme un bec de dodo.
Ailleurs d'autres capiteuses fleurs, et l'épanouissement encore discret de flamboyants.
Khao Lak, des pêcheurs discrets et besogneux
Vers un petit cap au sud, peu de visiteurs dans les chemins ombragés par de hautes et royales rangées de palmiers.
Un petit bar accueillant juste au bout du chemin, deux ou trois marcheurs ; après une boisson fraîche sous paillotte, nous retournons en marchant cette fois le long de la plage.
Stratégie de développement touristique raisonnée, effet tardif des destructions du tsunami de 2004?
En tout cas, la côte au nord du bourg de Bang Niang est peu construite, par endroits encore déserte de touristes, et même occupée par des pêcheurs en train de repeindre leur bateau ou d'entretenir leurs filets ou leurs grandes nasses cylindriques.
Plus au nord, une petite route zigzague en retrait, qui est aussi l'un des chemins pour atteindre un refuge en cas d'alarme au tsunami.
Elle longe des bassins naturels donnant par des chenaux sur la mer, et dans lesquels les palmiers se mirent ; l'ombre est bienvenue sous le soleil harassant.
Partout prodigue, la flore tropicale est envahissante.
Chaque maison se protège en effet avec un temple miniature, une maquette de temple édifiée à son entrée, aux vives couleurs, et qui comporte toujours deux parties, avec une petite échelle pour passer de la plus basse à la plus haute.
Symbolisme de l’élévation progressive de l’âme dans la pensée bouddhique ?
Peut-être, mais c'est de fait la "maison des esprits", qui permet de reloger l'esprit du terrain, qui a été perturbé et dérangé quand on a construit la maison. Les offrandes faites ici permettent d'apaiser les esprits et de retrouver la paix.
De petits autels bouddhistes colorés sont placés en avant des rares maisons ; l'un d'eux, assez prétentieux dans sa représentation, protège des intrus avec deux statues de tigres menaçants.
Plus loin une rustique charrette légère à bancs latéraux, sous un abri qui semble être un atelier stockant du bois, est peut-être utilisée pour des cérémonies si l'on en croit la manière dont elle est joliment décorée.
