Fréjus l'enjôleuse se pavane,
différentes de ses pittoresques voisines
1- Le centre historique de Fréjus
La ville historique coiffe le sommet d'une colline, d'où la rue principale très commerçante, large et sans trottoirs, zigzague un peu dans sa descente puis fuit à gauche vers le sud puis vers l'est, reprenant le tracé de l'enceinte qui la délimitait dans le passé.
On la découvre, toute nette, de restauration méticuleuse, mais si rigoureusement propre qu'on se prend de nostalgie pour une pincée de nonchalance, de laissez aller.
Le reflet du soleil sur les façades vibre entre les branches vigoureuses des platanes.
Dont on sait par contre à quels excès d'abandon cela peu mener dans d'autres métropoles du sud, Marseille surtout, voire même un peu Nice.
Quelques places bien tenues ouvrent une perspective délibérément très dégagée.
Presque vides de sièges et de bancs, on ne sait si l'on doit cette vacuité organisée à la municipalité, ou au coronavirus qui aurait escamoté les devantures des commerces (sauf les terrasses des cafés, leurs chaises et leurs tables).
Les passants sont rares, semblent même pressés.
Le pittoresque du centre-ville se réclame du sud, cousin de celui des agglomérations, des villes et des villages côtiers depuis le massif des Maures jusqu'en Italie.
Ici il s'expose, s'affirme sur un ton encore authentique, mais assez appuyé, démonstratif, presque péremptoire. "Je vous ordonne de regarder à quel point je leur ressemble".
En sa périphérie immédiate, les bâtiments modernes et bien entretenus qui en sont l'extension ne présentent pas plus d'attrait qu'ailleurs.
Comme un reproche fulminant de l'homme à son dieu.
Au centre, contre l'imposant et massif bâtiment de la mairie à la pimpante façade se dresse la cathédrale St-Léonce que jouxte son cloître et le Musée d'Archéologie.
De la belle et vaste place qui entoure ces édifices, le sévère clocher ancien (13ème siècle) en donjon carré couronné d'une tour octogonale au toit acéré et coloré semble une arme ou un doigt, qui pointe vers le bleu dur du ciel.
Toutes les époques sont identifiables, au moins depuis le paléo-chrétien, le roman, jusqu'à cette belle entrée latérale très Renaissance.
A l'éclat de la pierre ravalée frappée de soleil à l'extérieur répond une obscure et sobre majesté romane à l'intérieur, dans laquelle il est peu probable que l'abbé Sieyès ait officié un jour.
La configuration du cloître, de modeste ampleur, est traditionnelle, harmonieuse, presque austère.
Les évêques de Fréjus savaient vivre : ils fuyaient les torrides étés de la côte pour un peu de fraîcheur dans leur château de Fayence, à moins d'un jour de carrosse vers le nord.
Comme pour d'autres de ces lieux, la touche moderniste se traduit ici par une paroi de verre qui vient "protéger" toute une travée de la galerie supérieure.
Le jardin central et son puits, se suffiraient à eux-mêmes, mais semblent sèchement mis en scène sur un parterre de béton et de gravier.
Elle rehausse la beauté des enfilades de fins piliers jumeaux, et un superbe plafond de bois d'origine (12ème siècle) dans la galerie supérieure.
Le parcours pédagogique racontant les métiers et les arts anciens qui ont contribué en leur temps à l'édification de ce monument est parfait.
2- Colline aurélienne et pins parasols
Depuis l'une des routes côtières, une colline densément boisée des sombres boules de pins parasols d'où émergent les vertes chandelles des ifs laisse deviner sur son sommet une sorte de mystérieux palais.
L'ensemble évoque la Toscane italienne.
En effet vers le nord-est de Fréjus, précisément sur le parcours de l'aqueduc romain, s'ouvre un très vaste parc couvrant une lente pente.
C'est le "parc aurélien", nommé ainsi par ce qu'il se situe, comme Fréjus, sur la Voie Aurélienne.
Pins parasols
Ce qui frappe d'abord ici, comme un décor naturel intense, c'est la forêt d'anciens et vigoureux pins parasols espacés. Ils se découpent avec exactitude sur le versant lent de la colline.
Puissamment décoratifs, ils sont emblématiques de la région.
Le sous-bois nu, à peine encombré de buissons épineux, est tapissé d'aiguille de pins sous lesquelles rampent leurs racines noueuses, comme d'immobiles serpents.
Plus sombres et fantasques que les monotones pins landais, plus élégants que les pins maritimes dont ils reprennent pourtant l'élan figé que leur imprime le mistral au fil des ans, parfois aussi sculptés par la main de l'homme.
Typiques du climat local, il supportent très bien les chaleurs fortes mais aussi le gel jusqu’à -15°C.
Le pin parasol est ici partout. Altier en bord de mer, il peuple aussi les vallons courts et les collines en vagues successives de la petite banlieue nord de Fréjus.
Il agrémente le cadre des villas individuelles et de beaux lotissements estivaux, garantissant discrétion et ombre protectrice à la belle saison, le long d'un réseau de routes suffisamment tortueuses pour être un frein spontané à la vitesse.
la colline aurélienne (ou palladienne)
On trouve d'abord dans le parc quelques arches de l'aqueduc romain et, affleurant juste en amont, son conduit taillé dans la pierre.
Le parc lui-même reste plaisamment à demi-sauvage, entretenu sans excès, et laisse quelques surprises agréables quand on gravit la pente vers le sommet de la colline et qu'on le traverse.
Sous un pont de briques surtout décoratif à l'abandon passait peut-être les jours d'averse un maigre ruisseau depuis longtemps tari.
Ailleurs sur un petit plateau grossièrement délimité, dans une sorte de jardin en pleine terre, s'épanouissent de superbes fleurs en calices à peine rosés, probablement l'amaryllis belladonna (le vrai amaryllis disent les horticulteurs ; pas l'amaryllis d'intérieur) qui fleurit à l'automne.
Là, ils dardent leur pistil et se pavanent.
A côté, en léger surplomb d'un autre jardin sauvage, un bâtiment carré se niche sous les pins, surmonté d'un dôme au sommet duquel s'enfilent les 3 sphères arabo-andalouses habituelles mais que ne surmonte pas le croissant.
Bien clos, quelle est sa fonction?
Les hauts pins parasols s'étirent et miment les romantiques peupliers d'un tableau de Sisley.
Enfin, après avoir franchi quelques passages de buissons très épineux, de volumineux buissons de cactus, aperçu des figuiers de barbarie chargés de fruits, croisé des agaves somptueux, nous voici au sommet du relief, et au pied du palais, nommé le "palais palladien".
Situation parfaite.
Dans le soleil, le bel édifice à galeries et colonnes à l'extérieur aussi bien qu'à l'intérieur, fait resplendir l'or pâle de sa façade.
Un peu comme dans une demeure italienne ou une maison coloniale des Etats du sud américain, il ne manque au tableau qu'une jeune fille sous ombrelle, songeuse et captivée, contemplant le panorama de la vallée au loin.
De l'extérieur, il s'en dégage un charme incomparable, même s'il est cerné, sans recul, par la végétation.
A l'intérieur, le RdC et le très haut 1er étage se distribuent autour d'un hall central par un monumental escalier de marbre, éclairé au nord par d'immenses fenêtres finement décorées, et au sommet par une très vaste baie vitrée horizontale, probablement peu accessible pour les services de nettoyage, où se déploient des motifs végétaux Art Nouveau.
Le site est un lieu d'expositions à l'intérieur et de concert dans le modeste espace extérieur ; en ce moment il s'agit d'une exposition militaire au sujet de la période coloniale française. Le buste d'un ancien général putschiste, Salan, trône au pied de l'escalier.
Quelle origine?
James Hiscutt CROSSMAN, héritier d'un riche brasseur anglais, comme bien d'autres sujets de sa majesté séduit par ce que l'on ne nomme la Côte d'Azur que depuis 1887 (la "French Riviera" outre-Manche), fait construire ce "Château Aurélien" en 1889.
L'autre réalisation en France est dans le Jura.
L'architecte français qui se livre à cette brillante variation est marseillais et se nommait Henri LACREUSETTE.
Le style néo-classique est "palladien" c'est à dire issu des multiples édifices Renaissance du grand architecte italien André Palladio (1508-1580), notamment en Vénétie.
C'est à l'occasion d'héritages successifs, précipités par le gouffre financier de l'ouvrage et le train de vie de ses propriétaires, qu'il finit par échoir en 1913 à une lignée de banquiers, et être alors renommé "Villa Aurélienne".
Pour enfin revenir à la ville de Fréjus en 1988.