le (trop fameux) château de Prague
Sur une sorte de large crête visible de presque partout, toisant fièrement la Vltava, presqu'arrogants, voici la cathédrale et le château de Prague.
L'ensemble constitue une partie importante du quartier Hradcany.
A l'approche par le nord après le tramway qui y mène (lignes 22 ou 23 qui méandrent la colline par l'est depuis le "Petit Côté"), la foule s'achemine sur quelques dizaines de mètres en direction du sud vers sa large entrée et franchit une robuste guérite de contrôle.
De l'intérieur, l'ensemble est aussi monumental par son périmètre que par la hauteur de la cathédrale St-Guy et la diversité des bâtiments qu'abrite son enceinte.
Autant de foule, curieuse et possessive que sur la Place de la Vieille Ville, mais plus répartie dans divers espaces. Les groupes s'interpellent derrière leur guide, sont fendus par la relève de la garde, tentent de prendre du recul pour capturer la hauteur de la flèche (96 mètres).
Le site a connu depuis sa fondation dans le Haut Moyen Âge bien des avatars, pour voir finalement sa cathédrale achevée en 1929 seulement, alors que sa construction a été initiée en 1344!
De l'ordre de 6 siècles pour elle seule, et de 9 siècles pour le site.
Le Jardin Royal, belle pelouse et superbes Palais Renaissance -la Salle du Jeu de boules et le Belvédère de la Reine Anne- , s'étire au nord du château.
Dans le jardin du Belvédère, une exposition retrace notamment l'époque communiste jusqu'à la la Révolution de Velours de 1989, en passant par le Printemps de Prague de 1968.
Avec en trophée burlesque une Traban trônant au sommet du mur d'entrée.
La façade sud de la cathédrale St-Guy présente des tympans extérieurs en majesté (la Porte d'Or) au pied du clocher baroque, et du sombre hérissement des deux clochers gothiques à l'ouest.
Les grilles au sud-est sont décorées de belles représentations façon Moyen-Âge des métiers anciens.
On y reconnaît cependant dans la représentation des personnages une facture moderne.
Probablement contemporaines, des sculptures décorent les portes voisines, scènes religieuses et/ou historiques
A l'intérieur, la majesté des dimensions frappe d'abord, mais aussi les fresques, un peu à la manière des mosaïques byzantines.
On y trouve de fait une sorte de résumé de la longue période multiséculaire de son édification : décorations du plein Moyen-Âge pittoresques et colorées, fresques explicitement Renaissance, inévitable kitsch de certaines décorations de l'époque baroque, qui jure parfois au milieu de la grandeur gothique qui, même flamboyant, prend alors de la sobriété.
Les vitraux rutilants s'ornent de scènes où prévaut l'Art Nouveau, dans une représentation puissante et presque tourmentée des personnages, mais ailleurs font appel au pointillisme.
A l'est de l'immense cathédrale, presque dans son ombre mais sans en prendre ombrage, la pimpante basilique St-Georges épanouit sa façade baroque aux vives couleurs et pourrait paraître modeste.
Mais son parvis, que délimitent d'autres bâtiments Renaissance d'un côté et une sorte de prétentieuse rotonde à très hautes colonnes de l'autre (l'entrée de ce qui semble être "l'Etablissement des Nobles Dames"), est trop encombré de tentes marchandes à touristes.
Double jeu : cette façade presque rubiconde masque une vaste église romane très vénérable. Ses deux clochers de pierre blanche en arrière-plan trahissent déjà depuis l'extérieur une autre origine.
De fait, fondée en 925, reconstruite en 1142, sa façade rapportée est du 17ème siècle.
En réalité, le volume intérieur est d'une exceptionnelle ampleur, avec ses hautes galeries latérales, et ses nefs portant les traces bien apparentes des motifs religieux du Moyen-Âge.
Juste en retrait en arrière vers le nord-est, voici la trop pittoresque "Ruelle d'Or", dont les maisonnettes datent du 16ème siècle.
Une longue galerie intérieure surélevée a été percée à travers leur enfilade.
La galerie accueille des reproduction d'échoppes anciennes et leur production à la vente, mais présente aussi de nombreuses armures (qui auraient pu inspirer les robots de "Star Wars"), une multitude de heaumes, de casques damasquinés, de lances, de hallebardes, de masses cloutées, d'armes de guerre des plus barbares époques.
On n'ose pas imaginer quelles sanglantes blessures, quelles charpies de corps, quels éclats de muscles, d'os, voire de cervelle, pouvaient provoquer de telles armes, malgré les cottes de maille.
La grande délicatesse des faits d'armes. On savait se divertir en ces temps.
Mais le CLOU du spectacle se tient dans une sinistre tour ronde au bout de la Ruelle d'Or, nommée la Tour Dalibor.
Dans ses cachots, ses oubliettes et ses basses-fosses, au bout d'escaliers torves sont rassemblés des exemples de terribles outils de torture, piloris, haches de bourreau, cages "à la Louis XI", supplice d'étirement avec son cabestan, seau à sanquette...
Marlène en sort pourtant avec le sourire,... peut-être justement soulagée de s'en être extraite.
Revenons vers l'Ancien Palais Royal.
Là, on est surtout frappé par l'immense et majestueuse salle de cérémonie Vladislas.
C'est en effet Vladislas Jagellon (ce laid barbu), roi de Bohême qui la fait construire en 1502.
Juste retour qu'elle porte son nom.
Vladislas est le mari de la Reine Anne de Foix, (hé oui!, après un rapprochement entre Bohême et France pour s'opposer aux Habsbourg qui pointent leur nez et aussi aux Turcs), celle qui donne son nom au Belvédère du Jardin Royal.
Malgré les travaux en cours sur une partie d'échafaudages intérieurs qui ne dissimulent rien, les hautes portes-fenêtres (qui donnent sur le quartier du "Petit Côté") et la vaste voûte nervurée gothique flamboyant avec des prémices Renaissance (on est à la fin du 15ème siècle) sont une splendeur.
On la disait "la plus vaste salle séculière de l'Europe médiévale" (13 m de hauteur, 62 m de long et 15 de large).
Dans les très grandes salles romanes et gothiques bien organisées dans les sous-sols de cet Ancien Palais Royal, et notamment sous la salle Vladislas, des présentations pédagogiques, modernes et aérées racontent avec fluidité la longue histoire du château de Prague et de la Bohême.
Au travers du dédale du palais, on ne peut aussi éviter de remarquer les salles des registres à l’étage, où étaient consignées les délibérations de la Diète.
Car les murs et la voûte du hall d’entrée sont décorés de nombreux blasons bien conservés, avec un bel effet chatoyant mais aussi imposant. Une sorte d'affirmation de pouvoir très explicite.
Juste à l'est de l'Ancien Palais Royal, nous retrouvons "l'Etablissement des Nobles Dames", dont la laide rotonde d'entrée donne sur le parvis de la basilique St-Georges.
Au pas pressé, le témoignage de ces séjours reste banal, à part le baroque de la chapelle... que nous ne verrons pas.
L'ancien édifice Renaissance, érigé par la puissante famille Rosenberg dans le 3ème quart du 16ème siècle, a été réaménagé au 18ème siècle par l'impératrice Marie-Thérèse, pour accueillir trente jeunes filles célibataires nobles désargentées ("pauv' jeunes filles riches") de plus de 24 ans ou dès 18 ans si elles sont orphelines, cela de 1753 jusqu'en 1918.