top of page

Prague, quatre époques d'essor artistique

Un foisonnement artistique d’une telle ampleur et d’une telle qualité se nourrit le plus souvent de la convergence entre plusieurs facteurs favorables au cours des époques :

- une euphorie à laquelle mène le retour à la stabilité, à la liberté, souvent après une période d’affliction, de soumission, de pauvreté, de guerre ;

- la disponibilité, la concentration de ressources aux mains d’un pouvoir volontariste, éclairé, soucieux d’asseoir son prestige, le plus souvent en rupture avec le passé;

- l’avènement ou la résurgence d’une identité-phare, d’un patriotisme ou d’une culture étouffés, majoritairement partagés par la population, autour desquels affluent les talents créateurs.

Le cas du baroque est à Prague une sorte de contre-exemple, où la puissance d'un pouvoir brutal applique et impose son art et ses règles au nom de principes religieux servant une ambition politique.

De fait, on peut distinguer là comme dans d’autres grandes métropoles européennes, et au risque de trop simplifier, quatre grandes périodes de l’histoire de la Bohême et de la patrie tchèque, qui sont à l’origine des richesses architecturales de Prague : Moyen-Âge, Renaissance, baroque, Art Nouveau.

Le plein Moyen-Âge

Prague, l'âge d'or du plein Moyen-Âge

Après 200 ans de domination allemande, le royaume de Bohême devient au 12ème siècle un État relativement indépendant au sein du Saint Empire romain germanique, héritier de l’Empire carolingien ; il s’étend même vers le sud jusqu’à l’Adriatique, avec Ottokar II.

Sa prospérité repose aussi au 13ème siècle sur l’exploitation des mines d’argent à Kutná Hora (fragment d'illustration du "Graduel de Kutna Hora" de la fin du 15ème siècle).

Charles IV (Venceslas), 18ème empereur du St Empire romain germanique e, 1346, Tchéquie
fragment d'illustration fin 15ème siècle des mines d'argent de Kutna Hora, Tchéquie

En 1346, par sa filiation, Charles IV (Venceslas avant de devenir Charles) est élu souverain du Saint Empire romain germanique (le 18ème après Charlemagne) ; il prend Prague comme capitale de celui-ci, au détriment de Munich ( ?) ; il devient aussi la même année roi de Bohême.

On remarque que la barbe légère se portait déjà...

Dès lors, sous son impulsion, Prague prend un essor extraordinaire et devient la 3e ville la plus peuplée d'Occident (la 1ère est Paris). Le royaume de Bohême est au faîte de sa puissance. La langue tchèque est utilisée à sa cour, avec Jan Hus en particulier.
Charles IV, grand constructeur, fait édifier le château de Prague... dans sa version forcément médiévale, le pont qui porte aujourd'hui son nom, de nombreuses églises et la première université de l’empire.

Il est considéré comme le fondateur du royaume tchèque.

La Renaissance

Prague à la  Renaissance

Rodolphe II des Habsbourg), 25ème empereur du St Empire romain germanique à Prague, 1592

Rodolphe II

Portrait d'Aachen, 1592

L’autre faste période commence avec le retour des Habsbourg d’Autriche en 1526 qui s’emparent de la Bohême. Le royaume résiste, se soumet successivement et Prague décline.

Mais Rodolphe II, nouvel empereur (le 25ème) du même Saint Empire Romain germanique,  reprend Prague pour capitale.

Piètre guerrier, mauvais administrateur, s’il ne parachève rien des intentions dominatrices des Habsbourg, il est par contre grand amateur des arts et "admirateur de la vie et des femmes" (Wikipedia).

Concernant les arts, sous son règne de 1583 à 1612, c’est un nouvel essor culturel tout empreint de la Renaissance dont Prague bénéficie.

Mais un essor stoppé dès 1620, où la bataille de la Montagne Blanche (50 000 effectifs s'affrontent) étouffe le patriotisme tchèque et ses élites protestantes et engage la fameuse et meurtrière Guerre de Trente Ans qui affecte l’Europe entière.

Elle ruine en tout cas pour trois siècles les espoirs d’indépendance des Etats de Bohême.

Bataille de la Montagne Blanche

Bataille de la Montagne Blanche

L'époque baroque

La période baroque à Prague

Après la reprise en main assez féroce par les Habsbourg, catholiques impériaux contre tchèques protestants, et la fin de la Guerre de Trente Ans clôturée par les traités de Westphalie en 1678, pendant près d’un siècle, l’art baroque de la Contre-Réforme se développe avec toute sa magnificence, son expressivité, usant de tous les beaux subterfuges artistiques (trompe-l’œil…), mais massif et imposant, pendant que l’enseignement et l’administration sont germanisés.

Puis le baroque vire vers la moitié du 18ème siècle vers une sorte de rococo pragois : un excès du baroque, mais dont il veut se dégager et auquel il veut s’opposer par son caractère frivole, sa légèreté, son élégance ; une sorte de refuge pour la bourgeoisie pragoise, un art de vivre intérieur en réaction aux souffrances endurées successivement par la ville. (LE ROCOCO PRAGOIS (1740-1791) ; sur Radio Prague International en français, 2011).

plein baroque pragois
quand le baroque pragois vire au rococo

« Le rococo est un sentiment social, un style de vie, une certaine atmosphère par laquelle la société du milieu du XVIII siècle réagit à la réalité nouvelle, dure et impitoyable : il y a une sorte de paradoxe entre la vie qui se déroule à l’intérieur des habitations, entre leur décoration intérieure aspirant à plus de légèreté, à plus de liberté, et les catastrophes venant de l’extérieur.

 

Prague a été plusieurs fois assiégée, plusieurs fois conquise, elle a eu à payer des contributions sanglantes, la population a connu la faim, voilà l’image du XVIIIe siècle. » De Václav Ledvinka, directeur des Archives de la ville de Prague.

et celle de l'Art Nouveau

Prague et l'Art Nouveau

Avec le « Printemps des Peuples » dans toute l’Europe et après un nouvel essor du nationalisme tchèque pendant le 19ème siècle, où se côtoient et rivalisent Tchèques, Allemands et Juifs, Prague s’enrichit grâce notamment à la révolution industrielle en Bohême. Les Tchèques sont majoritaires au Conseil municipal en 1861.

C’est alors qu’apparaît l’Art Nouveau, à Prague dès 1891, à l’Exposition du jubilé (100 ans après l’une des 1ères Expositions européenne  industrielles), où le symbolisme du patriotisme tchèque se dégageant de l’emprise austro-hongroise voulait s’affirmer.

printemps, de Mucha

Le "Printemps"

des quatre Saisons

la nature, de Mucha

"La Nature"

Après en avoir été l’initiateur à Paris notamment avec de célèbres affiches (pour le théâtre, pour l'affichage publicitaire de ce temps...) où il représente en la sublimant l’actrice Sarah Bernhardt, son style se propage dans l’architecture, avec ce qui dans cette Europe-là, se nomme la Sécession (« Secese »).

 

De vraies merveilles en résultent à Prague, notamment avec et dans la Maison Municipale.

 

Celle-ci accueille depuis 2018 ses grandes fresques historiques.

D’abord moqué, décrié (style nouille) l’Art Nouveau est ensuite adoré, pour être rejeté un peu après.

"L’âne-art-phabête" se demande finalement s’il n’y a pas une sorte de continuité sous-jacente entre rococo, Art Nouveau et même Art Déco : l’élégance, la délicatesse, la légèreté des motifs décoratifs Art Nouveau ne puisent-ils pas un peu d’inspiration dans le rococo bourgeois pragois ?

 

Et l’extraordinaire déploiement décoratif intérieur d’un grand raffinement de l’Art Nouveau et des matériaux qu’il utilise ne contient-il pas certains prémisses (marquetterie, métallerie, cristalleries,…) du futur Art Déco qui en redressant les courbes et en les dépouillant vient ensuite réagir à ce que certains nomment les excès de l’Art Nouveau ?

Les décorations complexes, mais se calquant sur des figures géométriques régulières sont en effet très fréquentes, là encore comme une préfiguration de l’austérité géométrique industrielle des lignes de l’Art Déco.

L’un des plus fameux promoteurs de l’Art Nouveau et de ses superbes exultations inventives  est Alphonse Mucha, artiste tchèque talentueux qui vient à Paris à la charnière des 19ème et 20ème siècles. Il s’agissait alors de rompre avec tous les canons artistiques et architecturaux antérieurs, notamment avec les académistes et le baroque d’Europe Centrale (illustrant la longue présence « occupante » austro-hongroise et contre-réformiste pendant trois siècles).

Alphone Mucha, créateur de l'Art Nouveau, Prague

Alphonse Mucha,

autoportrait

Lui crée ce style qui exalte et marie, fusionne même l’homme (la femme surtout) et la nature.

Nationaliste convaincu de la grandeur tchèque (ce pays central coincé entre Pologne au nord-est, Allemagne à l’ouest, Autriche au sud et Slovaquie au sud-est), il peint de grandes fresques qui retracent la grandeur du pays.

sarah bernhardt, portrait par Mucha

Sarah Bernhardt

bottom of page