Utah,
près de Moab sur Colorado,
des arches de merveille
Utah,
un peu de l'amont du Colorado
Le fleuve Colorado s'écoule et passe sous la 191 juste à la sortie nord de Moab.
Encore modeste, son flux se fait parfois rapide, et sinue entre des parois déjà encaissées.
Large de 20 mètres, à peine torrentueux et déjà bien coloré, le Colorado creusera bien plus en aval son fameux Grand Canyon, après avoir traversé le parc de Canyonlands.
En remontant son lit pendant quelques miles sur la route 128, la vallée pittoresque séduit par son encaissement entre les parois ocres et ses dunes "pétrifiées".
Plus en amont un vaste ranch accueille dans un hôtel de luxe les touristes fortunés, au milieu de prés irrigués, très bien entretenus.
Le village de Castle Valley se déploie à quelques pas, à peine visible, noyé dans la verdure.
La vallée est sillonnée par une route sinueuse qui permet en passant par le massif alpin de La Sal (son sommet à 3877m est enneigé l’hiver) de retourner vers Moab si on le souhaite.
les sommets de La Sal
L’érosion a façonné là aussi des blocs rocheux élevés, ocres, parfois pourpres ou d'un brun cuit sombre, des mesas tabulaires puissantes, ou des pitons semblables à ceux de Monument Valley.
Etonnant de rencontrer, sur cette courte portion touristiquement peu fréquentée, sauf par quelques courageux cyclistes bien hydratés sous l'impitoyable chaleur (une piste leur est dédiée le long de la route) un échantillon aussi complet de paysages représentatifs de la région..., à part les arches.
Utah, fantastique festival des arches
En direction du nord depuis Moab se trouve juste à droite de la route 191 le « Visitor Center » du fameux Parc National des Arches.
Une confortable route monte en lacets sur le plateau, et entre dans les très vastes limites de ce parc.
Elle se dirige du sud vers le nord à travers un relief d’amples cabossages, et parcourt une multitude de sites jusqu’à une impasse finale d’où il faudra à regret revenir.
ici au retour, avec effet "peinture à l'huile"
Les panoramas sont superbes dans leur diversité et les formations géologiques spectaculaires, polymorphes, même en excluant les arches.
Les informations concernant les formations géologiques proviennent des panneaux qui jalonnent le parc.
Dunes "pétrifiées", paysages de mine où la terre prend la couleur de la cendre et se veine aux alentours de bleu-vert sulfate, tours rocheuses au faîte chantourné, roches verticales mille-feuille, un régal.
D’autres panoramas semblables à ceux de « Monument Valley », tous si étranges et pittoresques dans leur splendeur suscitent l'enthousiasme ; ils sont parfois le cadre de films.
Nous n'irons pas dans les mini canyons étroits et tortueux, peu faciles d’accès de « Fiery Furnace ».
On n'y va qu’accompagné d’un ranger dont il faut avoir auparavant réservé le service.
Au « Visitor Center », on nous indique que c’est une « too difficult hike »,... pour nous. Ce que l'on admet volontiers.
Le plus souvent, un peu de marche est nécessaire pour atteindre et contempler les arches sous ce soleil impitoyable dont il faut savoir impérativement se protéger.
On n'oublie pas que le taux d’humidité ne dépasse pas ici 17%, à plus de 35°C malgré l’altitude qui oscille autour de 1700 m.
Dans les hôtels et les villages, de puissants réfrigérateurs parfois extérieurs délivrent gratuitement des glaçons, que l’on emporte dans des sachets de plastique, fourrés ensuite dans une glacière portative.
A l’entrée des pistes de randonnée, des panneaux portent en grands caractères la mention ci-contre : « Heat kills ! ».
Ils rappellent avec insistance les précautions à prendre, que les rangers répètent aux visiteurs.
Ainsi, celui qui veut aller au pied de « Delicate Arch » devra parcourir 2,4 km aller et autant au retour sur une longue, régulière et gigantesque barre rocheuse qui y mène d’un trait, à total découvert.
Pourtant de petits groupes, crâne à l'air, munis d'à peine quelques petites bouteilles, se dirigent vers cette arche.
Bonne chance les inconscients!!
Cette arche, symbole de l'Etat de l'Utah (notamment sur les plaques d'immatriculation des véhicules), nous la verrons depuis un tertre sous un autre angle distant, mais exclusivement grâce à la puissance du zoom de nos appareils (cf le diaporama plus bas).
Le « heat » ne nous aura pas « killed ».
La longue et dure vie d'une arche de grès
Enfouie sous une énorme couche rocheuse, le grès subit une succession de soulèvements-effondrements, qui créent des fissures, des failles, ici d'une hauteur d'environ 90 mètres.
Puis, après que les phénomènes d'érosion aient supprimé la couche rocheuse supérieure, le grès lui-même s'expose au temps, au climat, qui poursuivent sur celui-ci leur long travail d'usure.
Les crevasses s'élargissent lentement, des cloisons rocheuse (les "fins" en anglais"), des dalles verticales se forment.
Les ruissellements (si les pluies sont rares, elles sont violentes) dissolvent le "ciment" qui assure la cohésion du grès. Avec l'effet du gel, le grès s'écaille, s'émiette. Des rochers peuvent s'écrouler et créer une ouverture.
L'érosion augmente les ouvertures, jusqu'à former les arches que l'on voit aujourd'hui.
Puis un jour, inexorablement, elle finit par les détruire par effondrement, après les avoir créées.
On ne voit presque jamais d’arche en fond de canyon ou de vallée.
Mais si c’est le cas, comme pour « Rainbow Bridge National Monument » que nous ne verrons pas à l'amont du lac Powell, elle résulte de l’érosion par la rivière qui passe dessous.
Et l’arche devient pont (« bridge »).
Autrement dit
prenez une haute barre rocheuse d’une épaisseur raisonnable (pas plus de quelques mètres), placée si possible au sommet d’une crête.
Laissez jouer pendant des millions d’années le gel, le vent, la poussière, l’infernale chaleur solaire, la sécheresse, le cycle immuable des saisons et des contractions-dilatations.
Gentiment, du fait des gradients de dureté de la roche, celle-ci se creuse progressivement d’un côté, et peut-être de l’autre de la paroi ; dont l’épaisseur s’amenuise, devient bientôt membrane rocheuse.
Puis les convexités finissent par se rejoindre.
Un matin, un lézard touillant son café, ou un dinosaure flânant par ici, les pattes dans les revers de sa salopette, se dit « y a un truc là ! Hier j'allais au Jurassic Wal Mart, ce trou-là n’y était pas !! » et pour s’assurer vient en tâter les bords du bout de ses griffes.
Une petite fenêtre a fini par se percer où vient siffler le vent.
Le reste est encore affaire de long temps, mais le plus gros est fait.
Pourtant, même juchées sur leur sommet, les arches ont la pudeur des chochottes ou bien la certitude que leur sauvage beauté doit rester confidentielle, à préserver.
Si bien qu’elles n’offrent leur meilleur profil qu’après avoir marché parfois longuement sur des pistes bien aménagées.
Alors, c’est un grand concours.
Chacune des arches ainsi formée veut faire mieux que sa voisine, ici en court tunnel, ailleurs en pont multiple, ou bien isolée sur une immense plateforme rocheuse, ou encore s’associant à une arche voisine jumelle, ou bien encore jetant un immense et très fin arc rocheux d’une remarquable élégance.
La voûte de certaines autres a cependant déjà chu ; il n’en reste que l’ébauche de troncature de part et d’autre (si l'on en croit les spécialistes).
Ailleurs, un rocher fou de quelque 3500 tonnes et de 17 m de haut, le "Balanced Rock", reste en équilibre fragile sur un haut pilier naturel (39 m -17 m = 22 m de haut) qui s’essouffle sans fin à jouer les cariatides.
Un couple de deux jeunes alpinistes est grimpé presque au sommet d’un autre rocher vertical voisin , impressionnant les visiteurs environnants.
Ailleurs encore, de hautes et minces crêtes de roche ocre, comme juxtaposées sur le sol, forment un étroit défilé en gros millefeuille vertical.
Le fond est de sable fin et roux qui pénètre partout et rend aussi glissant certains passages sur la roche sèche et pentue.
Ce millefeuille rocheux recèle une autre arche, étonnante et somptueuse de reflets dorés, sur une pente de sable épais.
Elle semble formée comme le recouvrement protecteur des doigts des deux mains opposées, ou le bécot de deux monstres marins figés.