Sri Lanka, intense sud-ouest,
Hikkaduwa et ses alentours
Après un parcours depuis Paris en deux étapes via l'aéroport de Doha au Qatar (la ligne aérienne était Qatar Airways), voici dans la nuit notre arrivée dans la capitale du Sri Lanka, Colombo, puis notre long transfert vers la grosse bourgade de Hikkaduwa au Sud-Est de la grande île.
L'hôtel que nous avons retenu là sera le point unique d'hébergement de notre séjour d'une dizaine de jours, presque parfaitement situé en bord de l'Océan Indien. Nous serons à une bonne centaine de kilomètres de la capitale, et donc assez loin notamment du centre et de l'ancienne capitale Kandy, et a fortiori du Nord où nous n'irons pas.
Ce choix est assumé.
Et si l'élégante indolence des cocotiers sur la piscine fait rêver au petit matin, on préférera à la piscine la mer tout contre et la plage voisine de sable blond presque roux.
Dans cette période encore déserte de la journée, d'anciennes barques de pêcheurs à balancier attendent les touristes pour la visite des fonds de coraux, à 200 mètres au large.
Le premier chien sri lankais rencontré est étique comme tous ses congénères, mais paisible et respecté comme le sont les animaux ici.
Belle saison avant la Mousson. Sous cette latitude plus proche de l'Equateur que du Tropique du Cancer, les températures diurnes montent allègrement jusqu'à 35°C et stationnent vers 23°C minimum pendant la nuit. Chapeau et crème solaires nécessaires. Ce n'est pas un hasard si, avec une touche de naturelle élégance, beaucoup de sri lankaises, voire des hommes même se protègent de l'ardeur du soleil au moyen d'une ombrelle. Qui pourra bientôt jouer le parapluie à la prochaine chaude averse.
L'immersion dans cette atmosphère semi-équatoriale est immédiate.
Il faut accepter de mouiller la chemise, sans qu'aucun effort soit à faire. La moindre ombre, l'effet rafraîchissant de la climatisation d'où qu'elle vienne sont bienvenus.
Sri Lanka,
trafic trépidant, fluidité tendue
Dans la rue principale qui longe en sinuant la côte, on a immédiatement la sensation d'une circulation qui s'annonce dès que vient le petit matin par les klaxons intempestifs des bus rapides.
Puis qui s'accroît ensuite, entre les voitures toutes modernes, les camions de transport et de travaux, les très nombreux bus, les fameux et innombrables tuk tuks, mobiles comme moustiques, les vélos, les petites motos et parfois même une sorte de gros motoculteur traînant une remorque, au lieu des buffles d'avant.
Entre les coups de klaxon, l'intensité du trafic à certaines heures et la conduite forcément à gauche, héritage de la présence anglaise, on a l'impression d'une circulation trépidante, haletante, avec des dépassements hasardeux et risqués, comme une lutte permanente pour le passage.
Mais tout cela dans une sorte de fluidité, une harmonie tendue répondant à des règles acceptées par tous, et qui ne sont sûrement pas celles du code local de la route.
Après quelques jours de présence ici, tout cela nous paraît presque naturel, sauf un creux à l'estomac au croisement des bus doublant.
Les très nombreuses compagnies privées de bus sont toutes équipées de véhicules robustes, de même gabarit, qui ne diffèrent que par la couleur et le degré apparent de vétusté.
Leur règle d'or semble être d'atteindre au plus vite leurs arrêts, qu'ils ne respectent que pendant quelques secondes à peine.
Ils se "font la bourre" à des tarifs de misère pour quelques roupies (à peine 50 roupies, soit 30 centimes d'euro, pour 15 km par ex). Ils n'hésitent donc pas à doubler voitures et tuk tuks sans scrupule, les harcelant par l'arrière à coups de klaxons furieux et d'appels de phare destinés aussi bien à ceux qu'ils veulent doubler qu'à ceux qu'ils croisent, en face, et qui doivent se ranger rapidement.
Dans cette chorégraphie habituelle, les voitures croisées se dérobent à l'extrême gauche pour les éviter. On suppose que les accidents ne sont pas rares avec de tels "killer buses".
Dans la photo ci-contre, un bus double sur la file de droite alors que la visibilité dans la courbe est réduite. Hormis l'autoroute, cette pratique est fréquente dans ces routes toujours très sinueuses.
Même les voitures doublent en souplesse les tuk tuks peu encombrants, et les effacent dans une magistrale queue de poisson qui ne suscite aucune réaction. L'habitude...
Autrement dit, conduire ici semble un vrai sport à risque, aggravé par nos habitudes de conduite à droite.
La traversée à pied oblige aussi à revoir nos réflexes : regarder à droite d'abord puis à gauche ensuite ne nous est pas naturel. A plusieurs occasions nous devons courir pour avoir manqué à ce principe.
Donc, comme le recommandent tous les guides, pas de location de voiture, même si comme on a pu le constater certains bien téméraires et rares touristes s'y aventurent. Mais la beauté des longues plages sur une mer de rêve ramène sa dose de sérénité.
Sri Lanka,
un peu du bouddhisme
En marchant le long de la route tout en recherchant l'ombre, ou depuis la voiture avec chauffeur-guide avec laquelle nous commençons la visite de la région, nous rencontrons les premiers petits autels d'offrande du rituel bouddhiste, très nombreux partout.
Modestes par rapport aux temples eux aussi nombreux, dont nous verrons quelques merveilles.
L'image ci-contre rassemble en un coup d'oeil l'humble autel aux maigres offrandes et son petit bouddha méditant, la grande bannière aux couleurs du bouddhisme. Et un tuk tuk emblématique (le rickshaw indien) ; ces tricycles se rencontrent par milliers, voire dizaine de milliers jusqu'au plus profond des campagnes, et n'existent plus qu'en version motorisée. Merci le progrès!
Le drapeau bouddhique
C'est curieusement à l'initiative d'un américain franc-maçon et fondateur avec d'autres aux USA de la Société théosophique (principe ancien selon lequel toutes les religions et philosophies possèdent un aspect d'une vérité plus universelle), Henry Steel Olcott, que l'on doit la création du drapeau bouddhique au Sri Lanka. Anecdotiquement, cet américain, forcément anglophobe dans l'air de son temps, fut chargé entre autres de l'enquête sur l'assassinat d'Abraham Lincoln, aux USA encore jeunes.
Passionné par la philosophie bouddhique qu'il adopte en 1880, c'est à son initiative que le drapeau bouddhique est conçu en 1884-85 par le Colombo Comitee.
La bannière devient un signe de reconnaissance du courant nationaliste cinghalais sous domination britannique, lors de la célébration du Vesak (jour de pleine lune où le Bouddha est né, a eu son illumination et est mort) pendant l'année 1885.
Mais ce n'est qu'en 1950 que le drapeau devient, à Colombo, l'emblème officiel de l'ensemble des communautés bouddhiques du monde.
Son symbolisme est le suivant :
- cinq couleurs représentent les cinq sources de perfectionnement indispensables à la pratique bouddhique, le bleu, symbole de la méditation, le jaune pour la « pensée juste », le rouge pour l'énergie spirituelle, le blanc pour la « foi sereine » et le rouge orangé pour l'intelligence. Cette dernière couleur est une synthèse des quatre précédentes, car l'intelligence est considérée comme la synthèse des qualités que ces couleurs symbolisent. Elle est rappelée dans la couleur safran des robes de moines.
La sixième bande verticale, constituée d'une combinaison de bandes rectangulaires des cinq autres couleurs empilées, représente un composé de ces mêmes cinq couleurs du spectre de l'aura du Siddhartha Gautama (le bouddha), mélange de couleurs désigné sous le nom de «l'essence de la lumière» et liée à la "grande joie" ou "félicité".
Ci-contre, lors d'une fête de la pleine lune lors de notre passage dans le grand temple de Kandy.
Sri Lanka sud,
Balapitiya, rivière-lagune
Par la route de la côte, à quelques kilomètres au nord de Hikkaduwa, un pont franchit ici une rivière de modeste largeur qui s'enfonce et s'évase sans s'envaser dans l'intérieur des terres vers l'amont.
Là, nous prenons un bateau pour remonter la rivière, nommée Balapitiya, vers de vastes étendues d'eau qui forment effectivement une sorte de grande lagune, où prospèrent d'immenses surfaces de palétuviers (mangrove), le long des rives et des îles.
Avant de parvenir aux vastes eaux de la lagune, attention à la tête en passant sous deux ponts métalliques bas : il faut la baisser au ras du canot pour ne pas être décapité...
Au passage, de pittoresques maisons sur la rive aux pontons desquels sont amarrées des bateaux colorés.
Sur le chemin, et pour quelques roupies de plus, un jeune habitant en pirogue vient présenter un petit singe très propre aux poils soyeux, que naturellement on prend entre les mains pour la photo.
L'avantage ne va pas au vieux primate adipeux à casquette qui le tient dans ses bras, il faut bien l'avouer!!
Mais bien à son petit frère des origines communes, même pas effrayé ; il y aurait pourtant de quoi.
De fait, ce dernier est totalement indifférent, sauf à la discrète récompense de son maître.
Plus loin, ce sont quelques oiseaux du pays qui sèchent leurs plumes ou qui éclairent de leurs couleurs quelques branches.
Le pilote nous fait aussi traverser des tunnels de mangrove, parfaitement dépourvus de moustiques en cette saison, dont les palissades de racines qui s'élèvent et se tendent comme des bras décharnés évoquent... une rampe de lavage de bateau.
Sur la rive, au milieu d'une végétation luxuriante, quelques cabanes de pêcheurs, modestes mais bien entretenues, d'autres demeures plus élaborées, avec étages, peut-être des résidences touristiques.
Juchés sur des pilotis, des postes de pêche au-dessus de l'eau. D'un siège de lianes ou de bois fixé sur une plateforme rudimentaire dont le toit est couvert de feuilles de bananier séchées et tressées en claire-voie, le pêcheur attend patiemment le poisson. Mais là, point de pêcheur.
Puis voici, isolé, un tout petit îlot dont le rocher est coiffé d'un minuscule et ancien temple bouddhique, qui semble désaffecté peut-être, mais encore préservé.
Plus loin, une très longue passerelle pour piétons et cyclistes relie l'île centrale de Madhuwa à la rive. Profil délicat, sur l'eau à peine frisée par une légère brise, où déambulent lentement deux femmes.
Il suffirait d'un couple, d'une capeline ou d'une ombrelle pour croire à une illustration romantique insérée dans un cadre tropical.
Sri Lanka,
... et sur les temples bouddhistes
Par un ponton de bois, nous accostons à une petite colline de cette île. Voici le premier temple d'ampleur de notre séjour, celui de Madhuwa, même s'il est peu cité par les guides.
A l'arrivée, pour visiter un temple, il faut se déchausser, et faire en sorte que les jambes féminines soient décemment couvertes.
En dehors de ceux, parmi les plus considérables, que nous verrons dans la capitale et à Kandy, la plupart des autres ont été aménagés sur des hauteurs calmes, retirées, et inspirant la sérénité. Celui-ci sur son île en est un exemple parfait, puisqu'on ne peut y accéder qu'en bateau ou à pied.
Avec l'oeil de l'ignorant, on y retrouve au moins une statue monumentale du bouddha méditant, ici dans la "position du lotus", une sorte de clocher, en tout cas une structure verticale plus ou moins ouvragée supportant une cloche, un "stûpa" et la représentation sous forme de statues des disciples du bouddha.
La cloche, nous indiquera l'un des guides chauffeurs rencontrés, est là pour informer la population de telle ou telle cérémonie.
Le stûpa est lors de notre passage ceint, ici, de banderoles aux couleurs du drapeau bouddhique.
Le temple bouddhique
Le temple bouddhiste est un lieu de culte, qui renferme un sanctuaire où se trouve au moins une représentation du Bouddha méditant. Dans l'acception bouddhiste, "méditation" signifie "développement mental" pour atteindre le "nirvana", l'Eveil, qui est "l'extinction de l'ignorance", et non pas on ne sait quelle félicité à l'occidentale.
Les gens y viennent donc méditer et faire des offrandes. Ce sont aussi des lieux de célébration et de rassemblement lors de certaines cérémonies ou fêtes religieuses (ex : la fête de la pleine lune).
Ici, tout comme en Inde, les reliques sacrées de saints bouddhistes sont censées être abritées par une sorte de grande structure en forme de dôme élégant surmonté d'une pointe verticale, qui évoque en gros une cloche au profil travaillé et élégant. Pour les puristes, il a la forme d'un bol à aumône retourné. Mais à d'autres il peut aussi rappeler dans le subconscient européen un casque à pointe de l'époque prussienne, mais d'un blanc virginal.
C'est le stûpa, toujours en effet peint en blanc, parfois ceint d'un large bande de tissu aux riches couleurs. On l'appelle aussi dagoba ici au Sri Lanka. Mais nos interlocuteurs locaux n'ont parlé que du premier.
Les pagodes asiatiques en sont précisément une autre forme.
Chaque temple est tenu par un ou plusieurs moines (les bonzes). On peut y réciter la prière commune devant les statues des bouddhas et des bodhisattvas.
On y fait aussi des offrandes de fruits, de fleurs et d'encens.
Souvent, dans les bâtiments qui abritent un plus grand bouddha, sont représentées les scènes majeures de l'histoire du bouddha, soit sous la forme de représentations dessinées avec plus ou moins de style sur les parois extérieures des bâtiments, soit sous forme de véritables scènes réalistes et colorées d'ensembles de statues cette fois à l'intérieur.
Ce site héberge aussi ce qui semble être un petit temple hindou, d'après les décorations répétant semble-t-il le dieu Ganesh, porté par une fleur de lotus rose, et exposant des formes dodues assez féminines.
Dans ce pays majoritairement bouddhiste, les statues de bouddha et les stûpas sont innombrables, un peu nos clochers d'églises en Europe.
Le temple que nous visitons présente aussi une statue du bouddha jeûnant impressionnante de réalisme.
Sur le chemin du retour, le guide attire notre attention, au bord de la rivière, sur un animal amphibie à la peau rugueuse, dont il ne se souvient pas du nom en anglais, mais qui n'est pas, il en est sûr, un crocodile.
Le monstre des abysses!!
D'autant plus monstrueux que la photo est loupée, ce qui laisse toute licence aux imaginations débordantes...
Certainement un beau varan qui prend son bain du matin. Le terme générique anglais est "monitor lizard" ; que certains francophones ont traduit maladroitement en "lézard moniteur de l'eau"!!
En cinghalais, le nom est "kabaragoya".
Nous en verrons ailleurs d'autres plus modestes exemplaires.
Avant de quitter le site, et pour dégager l'esprit du cauchemar marin entraperçu, une vue apaisante sur la mer depuis la rivière. Qui'il faudrait plutôt nommer ici "fleuve" puisqu'elle se jette directement dans l'Océan.
Y a-t-il des critères, des débits maximum à partir desquels un cours d'eau se jetant en mer est nommé rivière et non fleuve?
Il faudra consulter, au risque de payer des taxes, nos oracles technocrates de l'UE.
??
Sri Lanka,
pierres de lune
Bien sûr, les points d'intérêt qui nous sont montrés ici sont habituels.
A mi-chemin entre Balapitiya et Hikkaduwa, un peu en retrait vers l'est de la route, voici celui des "Moonstone Mines N°1" de Meetiyagoda, parmi d'autres mines de même nature dans cette petite région assez délimitée pour sa production ; comme on le ferait du vin AOC ailleurs par exemple.
Les pierres de lune
Il s'agit de pierres semi-transparentes offrant de beaux reflets "miroitant argenté à bleuté... qui semblent flotter à la surface de la pierre".
Le langage de spécialiste n'est pas avare de substantifs pour caractériser les effets de lumière :
- "la chatoyance" (le plus banal : reflets changeant en fonction de la lumière),
- "l'opalescence" (encore assez connu : teinte laiteuse, reflets irisés, qui rappellent ceux de l'opale),
mais aussi
- "l'astérisme" (apparition selon l'incidence de la lumière, de croix brillantes et changeantes),
ou
- "l'aventurescence" (beaucoup plus original, mais surtout mot anglais pour décrire de minuscules inclusions minérales à fort effet réflectif, faisant apparaître des points brillants en tournant la pierre).
Tout cela repose sur l'effet Schiller nommé aussi "adularescence"qui décrit "ce miroitement sous la surface de la pierre quand la lumière interfère aux interfaces avec les couches internes minces et alternées du feldspath".
Car ces pierres appartiennent à la catégorie de minéraux de la grande famille des silicates, appelés feldspaths (aluminosilicate de K, Ca et Na).
Il n'en demeure pas moins que les pierres de lune, dénomination commerciale du Sri Lanaka, sont réputées dans le monde. On en connaît d'une telle pureté et d'une si belle eau que leur valeur s'exprime en carats, et peut atteindre plusieurs dizaines à centaines de carats.
Les ouvrières savent-elles encore où, dans le processus, s'insérait l'activité des "vrilleurs de perles" du coin, comme on les représente dans cette image de la fin du 19ème siècle, ci-contre?
Enfin vient le moment inévitable de la traversée de la belle et imposante boutique de vente, trop bien climatisée que nous parcourons par curiosité, celle où l'on vend diverses pierres enchâssées, serties,... et leur gamme de prix.
Peut-être là, sur place, y avait-il des affaires à faire?
Laissons ça à plus experts que nous.
Nous ne sommes pas pierres.
L'intérêt ici est donc de voir quelle était, ou est encore la manière d'extraire les gemmes, puis celle de les traiter.
Certaines opérations comme le polissage semblent faits en arrière-boutique avec des appareils plus modernes que ceux qui sont montrés ou exposés, anciens voire archaïques.
Pour une poignée de roupies, et dans un puits etayé et consolidé de manière rudimentaire avec les moyens du pays (poutres et planches de bois et feuilles séchées) et abrité sous un toit léger, un maigre sri lankais sans âge (ou bien est-ce un tamoul de la 2ème vague?), pupille dilatée et iris sombre et trouble à la Omar Sharif, comme ceux d'un camé qu'il n'est probablement pas, montre son extraordinaire agilité en dévalant une échelle pour poser à mi-hauteur du puits.
Remonté prestement, le voilà, selon un script bien rôdé montrant à la manière des orpailleurs comment laver et trier dans un panier tressé les pierres extraites, dans un bac d'eau encore claire.
Puis d'avenantes ouvrières équipées de meules électriques à grain très fin, présentent leur savoir-faire pour polir et tailler les pierres. Les quelques objets et outils environnants semblent très artisanaux.
Sous une galerie voisine sont exposés les outils manuels utilisés dans le passé, ailleurs, une sorte de forge avec soufflet mécanique à manivelle, et dans un recoin un énorme stock de feuilles de cannelle séchant, dont la destination n'est pas dite.
Sri Lanka sud,
bébés tortues, tortue câline
Sur le chemin du retour vers Hikkaduwa, voici Peraliya, un village de bord de mer où se visite un couvoir à tortues qui est aussi un dispensaire pour cet ordre étonnant de reptiles à carapace.
Dans des locaux modestes, sous des toits d'éverite, une douzaine de grands bassins et une nurserie de sable.
Créé en 2004, le fondateur décède d'un infarctus puis plusieurs membres de sa famille périssent dans le tsunami du lendemain de Noël 2004. L'un des membres, absent ce jour-là, prend ensuite le relais pour relancer avec courage l'entreprise ; la nurserie réouvre en 2006.
Cette organisation s'est donnée pour mission de faire se développer, dans du sable chaud et à l'abri des oiseaux et autres prédateurs, des oeufs de tortue qui viennent d'être récupérés. Une fois éclos, on place les bébés tortues dans un grand bassin pendant un jour, pour enfin les amener sur la plage voisine la nuit suivante et les laisser s'éloigner dans les vagues vers leur destin immense.
On lui confie aussi les tortues blessées, amputées, qui sont abritées dans d'autres bassins. Soignées et entretenues, elles recouvrent si possible leurs moyens de survie, avant d'être éventuellement relâchées dans leur milieu naturel.
Enfin, c'est aussi dans la diversité des bassins accueillant des tortues de différentes espèces à des âges successifs, une école d'enseignement et de pédagogie pour les enfants sri lankais et d'information pour les touristes passant là.
Cette très louable initiative qui semble de nature privée et fait appel à volontariat rejoint-elle et de quelle manière d'autres initiatives semblables et voisines comme à Ambalangoda et Kosgoda plus au Nord?
En tout cas en voici une dans sa belle prestance d'adolescence, en possession de tous ses moyens, sûrement retenue ici dans un but pédagogique.
Même sur la plage de notre hôtel, deux énormes tortues sont là à demeure, pour le plaisir des touristes.
Ces derniers les alimentent avec des algues fournies par les encadrants. Impressionnants animaux, dans ce cas bien apprivoisés.
Non, sous ce filet protecteur et enveloppant, ce n'est pas un petit cimetière mais précisément l'inverse, la nurserie.
Chaque minuscule panneau indique l'emplacement d'un oeuf et la variété de tortue (ici le plus souvent la "Olive Ridley" ou "tortue verte").
L'association identifie cinq variétés prises en charge : la "tortue verte", la tortue olive ridley (en français "tortue olivâtre"), la tortue Hawksbill ("tortue à écailles" ou "tortue imbriquée" en français), la tortue Loggerhead ("tortue caouanne" ou "tortue carette" en français), enfin la tortue Leatherback (dos de cuir, qui en français serait l'extraordinaire "tortue luth", pouvant mesurer 2,5 mètres de long et peser 900 kg).
Ecloses, les voilà prenant une formidable vigueur dans un autre bassin, frétillant de mouvements ininterrompus. En mer, les experts l'appellent la "nage frénétique". Voilà leur taille, entre deux doigts d'un soigneur, ci-contre. Il nous dit que son nombril sécrète, dans l'énergie qu'elle met à se diriger vers la mer, une substance laissée sur le sable qui marquerait de manière indélébile sa mémoire, et qui expliquerait qu'elle revienne ici plus tard sans erreur, si tant est qu'elle réchappe des prédateurs en mer. Hypothèse bien fragile ; seul le constat de leur retour est certain.
De leur site de naissance, par exemple ici, elles partent en mer, peuvent parcourir plusieurs milliers de kilomètres en quelques semaines pour atteindre un lieu de nourriture puis de fécondation bien protégé des prédateurs.
Puis les femelles reviennent après deux à six ans, fécondées en mer, vers le site exact (à 200 mètres près) de leur naissance, pour pondre à leur tour.
Ce que les experts nomment la "philopatrie" ou "très forte fidélité au site de naissance ou de ponte" et son pendant la "très forte fidélité au site d'alimentation".
L'instinct, c'est à dire la "mémoire génétique", innée, guide ces déplacements, et non la mémoire courante, acquise, instantanée, qui ne pourrait expliquer à elle seule pourquoi de mère en fille les tortues femelles reviennent indéfiniment sur le MÊME site de ponte.
Voir la thèse intitulée "Diversité et différenciation génétiques des populations de tortues vertes (Chelonia mydas) dans les sites de ponte et d'alimentation du sud-ouest de l'océan Indien : Application aux stratégies de conservation de l'espèce" de Coralie Taquet présentée en 2010.
Le schéma global résumant le cycle de vie de la tortue verte présenté ci-contre en est extrait. La zone dite "néritique" s'étend entre la rive à marée basse et le bord du plateau continental, sur une profondeur n'excédant pas 200 mètres.
L'auteure souligne au passage "l'isolation des lignées maternelles" qui résulte de la philopatrie, et que prouve "leur très forte différenciation génétique".
Une seulement sur mille revient pondre sur son lieu de naissance. Les 999 autres n'ont pas perdu leur chemin mais tout simplement la vie (prédateurs, filets de pêcheurs, étouffement après absorption de déchets plastiques...).
Parmi les tortues blessées qui sont accueillies, en voilà une à qui il manque la patte avant gauche... et un peu d'affection
Sous la main d'une visiteuse qui par hasard lui frotte la carapace, elle vient en effet s'incliner sous la main (peut-être le déséquilibre de son handicap facilite-t-il le basculement), s'en rapprocher, recherchant manifestement la caresse, une tortue câline ; comme on voit le chien ou le chat se renversant sur le dos et attendre la caresse du maître. On l'entendrait presque ronronner.
Marlène n'en croit pas ses yeux!!
Sri Lanka,
dévastation de 2004 : le tsunami
A peu de distance, un bâtiment de plain-pied, volontairement très modeste et rustique, réparti sur plusieurs pièces entre lesquelles on déambule, présente le bilan chiffré et illustré du tsunami meurtrier qui a frappé le Sri Lanka au soir du lendemain de Noël 2004.
Terriblement édifiant, mais si poignant que le fait même de prendre en photo d'autres photos montrant les dégâts et les monceaux de cadavres serait indécent.
Le séisme s'est produit au large de l'île indonésienne de Sumatra avec une magnitude de 9,1 à 9,3.
L'épicentre se situe à la frontière des plaques tectoniques eurasienne et indo-australienne. C'est le 4ème plus puissant jamais enregistré dans le monde, ce qui ne signifie pas qu'il n'y en a pas eu de plus puissant encore auparavant.
Il a soulevé jusqu'à 6 mètres de hauteur une bande du plancher océanique longue de 1 600 kilomètres.
Dans les minutes et les heures qui suivent le début du séisme, un tsunami, atteignant à certains endroits jusqu'à plus de 30 mètres de hauteur, frappe l'Indonésie, les côtes du Sri Lanka et du sud de l'Inde, et l'ouest de la Thaïlande.
C'est l'un des dix séismes les plus meurtriers et le plus grave tsunami de l'histoire. Il a fait des victimes sur l'ensemble du pourtour de l'océan Indien.
Le Sri Lanka possède un littoral long de près de 1 340 kilomètres. Sa densité côtière de population est de plus de 310 habitants/km².
La vague du tsunami mettra 2 h 17 pour atteindre l’île depuis l'Est, mais elle l'enrobera pour remonter sur la côte Ouest, qu'on aurait pu croire protégée par le reste de l’île faisant écran.
Il dévaste près de 800 kilomètres du littoral. Lorsque la vague se retire, la zone inondée s'étend sur plus d’un kilomètre à l'intérieur des terres.
Il fait au Sri Lanka 35 082 morts, 4 469 disparus et environ 250 000 sinistrés.
Pour le seul Sri Lanka, si un système d'alerte au tsunami avait existé, compte tenu du temps mis par la vague pour parvenir ici (plus de 2 heures après le terrible séisme), il aurait au moins permis de sauvegarder une majorité des vies.
La gare de Galle après le tsunami fin 2004
... et en mars 2017
Ainsi par exemple, tout Peraliya est balayé, supprimé de la carte. Un train qui passe là est projeté à plusieurs dizaines de mètres plus loin.
Voyons aussi, à plus de 20 km vers le sud-est dans quel désordre indescriptible sont amassés les bus de la gare routière de la belle ville de Galle.
Le long de la côte vers Peraliya, des travaux plutôt modestes de surélévation de la rive de long de la route sont sensés constituer une sorte de digue contre les tsunamis. Qui peut croire en leur efficacité?
Par contre, il semble que le système d'alerte au tsunami fonctionne maintenant correctement, même si on témoigne ici et là, pour des événements naturels plus localisés de défaillances dans l'information de la population.
Pourtant, il faudra encore plus de 4 autres années, en 2009, pour qu'il prenne vraiment fin.
La tragédie de la nature, a fait plus de 40 000 morts, celle de l'affrontement des hommes 80 000 morts et 140 000 disparus.
La première n'aura donc pas été le point d'orgue du second, qui s'est étalé sur 26 ans, c'est à dire sur un peu plus d'un quart de siècle.
Pour certains observateurs en tout cas, le tsunami se produit 32 mois après un fragile cessez le feu entre Tamouls et Cinghalais.
De nouvelles tensions entre les deux ethnies menacent alors en effet d'exploser et de briser la trêve.
Le tsunami et ses conséquences, l'effort de soutien international qui en a résulté, auraient contribué à apaiser le conflit.