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Québec, histoire sommaire

du village de Val-Jalbert,

reconstituée notamment à partir des panneaux d'information du site

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Si la richesse forestière du Québec est à la fin du 19ème siècle exploitée par de grandes compagnies, des entrepreneurs plus modestes, mais audacieux et perspicaces parviennent cependant à se faire leur place.

Ainsi, Damase-Théophile Jalbert (1842-1904) achète à la fin du siècle 240 km² de concessions forestières autour du lac des Commissaires, après s'être émerveillé de la chute Ouiatchouan et du potentiel qu'il serait possible d'en tirer. Son expérience est déjà grande dans le transport du bois et le commerce.

Il construit tout d'abord une scierie à lac Bouchette, puis se tourne, avec le déclin du sciage vers la transformation du bois en pâte à papier.

Il fonde en 1901 la Compagnie du pulpe Ouiatchouan sur la chute du même nom, dont il est le principal actionnaire. Il construit une usine au pied de la chute qui entre en fonction en 1902.

Sa Compagnie détient maintenant les droits de coupe sur 400 km² de forêt publique.  

Damase-Théophile Jalbert

Dans les forêts du plateau, pendant tout l'hiver, de la mi-novembre à la mi-mars, du lever au coucher du soleil, les bûcherons, souvent ouvriers agricoles cherchant un revenu d'appoint, abattent des épinettes noires d'environ 30 cm de diamètre. Les troncs sont débités en pitounes de 2,5 m de long et tractées par des chevaux vers la rivière.

la chute Ouiatchouan, Val-Jalbert, Québec

la fameuse chute Ouiatchouaner

Pour alimenter l'usine, il a fallu construire un barrage de 9m de haut, 13m d'épaisseur et long de 33m au sommet de la chute, et une conduite forcée à diamètre dégressif (9 puis 7m) pour alimenter les turbines de l'usine 81 m plus bas (mais la hauteur effective est de 72m).

la conduite forcée de la chute Ouiatchouan, Québec, Val-Jalbert

la conduite forcée

La Compagnie construit de 1901 à 1909 les 9 premières maisons sur l'esplanade devant l'usine et sur la rue St-Georges. Puis en 1913 les 1ères maisons sur le plateau.

Coquettes et modernes, ces maisons jumelles spacieuses pour famille nombreuse bénéficient d'isolation nouvelle avec le bran de scie et le papier goudronné, et de l'électricité et l'eau courante. Le chauffage est au poêle à bois et à l'étage se trouve le "cabinet d'aisance" équipé d'une toilette mais sans baignoire ni lavabo. 

vieux village de Val-Jalbert

Les salaires à l'usine placent la population de Val-Jalbert dans une aisance matérielle meilleure que celle de la région rurale environnante. Commerces et services se développent dans le village : on trouve une boucherie, un charron, un forgeron, un boulanger, un meunier, un barbier, une banque, une gare, une caisse populaire, un bureau de poste, une compagnie téléphonique, tout ce qui permet à Val-Jalbert de devenir une communauté autonome. On organise aussi le service à domicile pour le beurre, le lait, la viande et le pain. Le train apporte chaque matin le courrier, les colis, les marchandises commandées dans las catalogues des grands magasins et les journaux,  que le bureau de poste distribue à chacun.

Mais outre l'église et le bureau de poste, le centre de sociabilité du village est le magasin général. Willie Fortin, le maire d'alors le tient au RdC de l'hôtel construit en 1909, incendié puis reconstruit en 1918 ; un autre magasin général est ouvert sur le plateau. On y vend de tout, et c'est aussi là que les hommes viennent fumer, jouer aux cartes, aux dames, lire les journaux ou "jeunesser". A côté, les ouvriers de l'usine pensionnaires de l'hôtel se servent eux-mêmes, dans la salle à manger qui leur est réservée, des plats caloriques dont la carte est imposée, tandis que dans l'autre salle,  les patrons sont servis à table et commandent à leur choix.

Une institutrice laïque exerce son métier depuis 1907, mais laisse la place à des religieuses de Chicoutimi, après la construction du grand couvent-école avec ses 4 salles de classe, son dortoir pour les soeurs et une chapelle.

le magasin général du vieux village de Val-Jalbert

Puis vient la chute du marché de la pâte à papier non transformée (l'usine existerait-elle encore aujourd'hui si, au-delà du pulpe, elle avait fabriqué du papier?) : l'usine interrompt son activité entre mai 1924 et décembre 1925, redémarre "de manière fulgurante" en 1926, pour cesser définitivement de produire la pulpe dès août 1927. L'arrêt final est ordonné en 1929 par la Quebec Pulp and Paper Corporation, et ses 80 maisons fermées et placardées.

Mais il reste encore 200 habitants dans le village moribond en 1930.

bûcherons au Québec

Puis c'est au début avril que les draveurs, si stupéfiants d'agilité qu'ils se croient invulnérables, sautant de rondin en rondin, avec la crue de fonte, 16 h par jour mènent le bois sur les ruisseaux, les lacs, les rivières, faisant le passage en cours de route, jusqu'au réservoir en haut de la chute Maligne. Ensuite les billots glissent vers le réservoir Ouiatchouan, puis dans une dalle de bois de 130 m vers l'usine.

Avant sa mort en 1904, Damase Jalbert construit avec ses fils un bateau à vapeur pour remorquer les radeaux de pitounes vers la sortie du lac des Commissaires.​

draveurs en action, Québec

​L'entreprise est florissante.

Extrait du journal du lac st-Jean du 30 avril 1903 : "La Compagnie du pulpe du Ouiatchouan a fabriqué tellement de pulpe cet hiver qu'elle n'a plus de bois. Les énormes cordes de bois que l'on voyait l'automne dernier ont toutes été dévorées  par les meules insatiables. Par bonheur, le flottage des bois du printemps est commencé, et il leur arrive chaque jour du bois nouveau. Même des billots, arrivant plus tôt qu'on ne s'y attendait ont passé par-dessus l'écluse, ont sauté au pied des chutes et sont allés se perdre dans le lac."

De fait la Compagnie de Damase Jalbert détient le pouvoir local. Mais à sa mort en 1904 et le manque de capitaux, l'usine est proche de la faillite. Reprise par des capitaux américains, elle vivote, jusqu'à son rachat en 1909 par la Compagnie du pulpe de Chicoutimi.

Son directeur général J.E.A. Dubuc, qui en assurait déjà la gestion organise dès 1908 un concours pour encourager l'initiative  et les innovations dans l'usine et les métiers de la pâte à papier, tout ce qui peut accroître la productivité. Un prix de 25$ en or est remis lors d'un banquet annuel par Dubuc en sa maison de Chicoutimi.

maison-musée à Val-Jalbert, Québec

maisons et confort

En 1913, on rend hommage à Damase en donnant le nom de Val-Jalbert au village qu'il a érigé.

En 1915, le village s'est étendu, avec 25 nouvelles maisons dans un quartier nouveau, possède sa propre paroisse, son curé, son église avec son presbytère construits en 1911 et s'administre de manière autonome, grâce à la puissante Compagnie dont elle dépend. Détruits par un incendie, église et presbytère sont aussitôt reconstruits en 1924.

Le conseil municipal fixe les taxes, les règles d'exploitation des commerces, gère l'hygiène publique, la circulation locale, entretient les chemins municipaux.

Dans les années 1920, la Compagnie du pulpe de Chicoutimi détient les droits sur 327 km² de forêt et 63 km² de terres forestières.

le magasin général, au RdC de l'hôtel

Et les hommes occupent leurs loisirs à la chasse, jouent aux cartes au magasin général, pratiquent le jeu aux fers, le tennis, jouent au baseball et l'hiver au hockey, sous l'oeil sévère du curé Tremblay qui veille aussi à la tempérance de ses ouailles.

Le surintendant général de la Compagnie, Joseph-Adolphe Lapointe, appelé "le boss", est maire de Val-Jalbert de 1925 à 1929. 

On compte à la fin de la période faste 950 personnes dans le village en 1926.

couvent-école à Val-Jalbert, Québec

le couvent-école

l'usine à l'abandon avant reprise et restauration

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