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autres fragments d'histoire pragoise

Nos parcours sont buissonniers dans la ville, beaucoup en fonction du hasard, un peu selon les indications des guides.

 

Trois lieux avec des destins, des ampleurs différents.

L'un, presque secret, mais cependant très visité est Josefov, le quartier juif, enclavé dans le quartier de la Vieille-Ville.

Un 2ème au sein de la Vieille-Ville montre peu à voir, mais a été celui d'une page de l'histoire tchèque qui en a retiré son identité ; c'est autour de la Chapelle de Bethléem, celle où prêchait Jan Hus.

Un 3ème, sur le plateau au nord de la Vltava et à l'est du quartier Hradcany est le Pavillon Hanavsky, héritage plus moderne de la révolution industrielle européenne.

Prague, l'intermède fondateur hussite

Intermède hussite
Jan_hus

Jan Hus

Jean Hus est un catholique, théologien, prédicateur pragois, de très modeste extraction et de grand talent, qui devient recteur de l'Université de Prague à la fin du 14ème siècle.

Il se rebelle contre le stupre, la corruption et les ors des évêques de son temps, le clergé catholique très grand possesseur de biens très convoités, et en même temps contre le clergé allemand qui tient la Bohême

Il prêche, dans la Chapelle de Bethléem,  le retour au dépouillement, à la pureté, à l'Evangile.

Sa lutte s'inscrit précisément pendant l'instabilité liée au Grand Schisme d'Occident où l'on voit apparaître jusqu'à 3 papes (!), avec notamment le déplacement du siège de l'un d'eux de Rome à Avignon, le 3ème à Pise.

Jan Hus est en tout cas une sorte de précurseur, vite posthume (pour hérésie, il est brûlé en place publique à Constance en 1415 et ses cendres éparpillées), de la Réforme de Luther pas moins d'un siècle plus tard.

Sa mort suscite une grande indignation en Bohême et une insurrection qui mène en particulier à la "défenestration de Prague" en 1419 de plusieurs conseillers impériaux (représentants à Prague de l'empereur du Saint Empire Romain germanique, Sigismond 1er, aussi roi de Bohême). 

Dans la foulée, les hussites conquiérent la Bohême ; mais deux factions, l'une extrémiste, l'autre modérée se séparent.

En 1436, la faction modérée se rapproche finalement des catholiques avec lesquels elle conclut un accord qui met fin aux "guerres hussites".

Jan Hus brûlé en place publique

Les Tchèques ont fait de Jan Hus un héros national, l'icône de l'indépendance et de la langue tchèque, combattant l'oppression catholique, impériale et allemande.

Dans la Vieille Ville subsiste ce qu'il reste de cette époque, avec la Chapelle de Bethléem. Là il venait prêcher. Dès la reprise par les catholiques, elle échoit aux Jésuites, puis est rasée en 1786.

Après l'indépendance tchèque, pour honorer leur héros, elle est reconstruite au plus près de ce qu'elle était. Ses murs intérieurs portent des fresques originales sur l'époque hussite.

Une guide modeste, passionnée... et francophone (rareté) nous présente l'endroit.

Prague, chapelle de Bethléem

Au centre de la Place de la Vieille-Ville, entre un certain nombre de façades baroques, un monument le représente en majesté.

Prague, stèle à la mémoire de Jan Hus

Quand, dans la 2nde partie du 16ème siècle, les Habsbourg reprennent la Bohême, la Contre-Réforme cherche à démontrer par tous les moyens la suprématie catholique. Les édifices religieux, on l'a vu, débordent d'or, d'argent et de marbres.

Jean Hus eût-il survécu n'aurait eu qu'un souhait, se jeter, cette fois de lui-même dans le bûcher.

Le quartier juif, un peu d'histoire

Prague, le quartier juif (Josefov)

Comme dans bien d'autres métropoles européennes, l'histoire de la présence juive est ancienne. 

10e siècle : deux premières colonies juives s'installent (1er document écrit d’un marchand juif de Tolède). 

1096 : premier pogrom (1) lors de la première croisade ; les Juifs se concentrent dans un quartier clos.

Début 12e siècle : une troisième colonie vient, et crée une ville juive autonome, attenante à Prague.

1292 : le roi Ottokar II de Bohême accorde un statut d'autonomie administrative à la communauté juive.

1389 : nouveau et très sanglant pogrom où plus de 3000 Juifs sont massacrés pendant la Pâque.

Moyen-Âge : deux autres communautés viennent, celle des Juifs de l'Empire byzantin et celle des Juifs d'Occident, s'unissant face aux discriminations croissantes.

16e siècle : les juifs de Prague doivent porter une étoile jaune ; ou bien se convertir au christianisme pour survivre.

Fin du 16ème siècle : le ghetto (2) connait une grande prospérité, sous le règne du roi Rodolphe II.

Mordechai Meisel, maire du quartier juif et fortuné devient ministre des Finances. On lui doit, entre autres, la synagogue qui porte son nom.

A cette époque, le rabbin Juda Loew ben Bezalel crée le mythe du Golem.

17e siècle : le roi Ferdinand III remercie les Juifs de leur participation active dans la défense de Prague contre les Suédois.

Dans le ghetto, autonome, la communauté vit entassée. Le quartier est sombre, insalubre propice aux incendies et à la propagation de maladies.

 

1781 : l'empereur Joseph II émancipe les Juifs par un « édit de tolérance »


1850 :  le quartier est renommé Josefstadt, en hommage à Joseph II. La période de répression s'achève.

Fin 19e siècle : la ville juive (le ghetto) perd son autonomie et devient Josefov, cinquième quartier intégré à Prague.

De 1893 à 1913 : une partie du quartier est démolie pour assainir la ville, s’inspirant des travaux d’’Haussmann à Paris. On ouvre une artère sud-nord (avenue de Paris), de nouveaux boulevards, élargit des ruelles, construit des maisons bourgeoises à la place des habitations anciennes. C’est de là qu’il prend son aspect actuel.

Seconde Guerre mondiale : la communauté juive de Prague est décimée, déportée vers les ghettos nazis, le camp de Terezin, voisine de Prague, et les camps d'extermination. Les Nazis souhaitent faire de Josefov un "musée exotique d'une race disparue". Ils rapportent des objets issus du pillage des synagogues de toute l'Europe centrale pour être exposés ici. Certains d’entre eux forment la base des collections du Musée juif de Prague.

Période communiste : dans les années 50 et 60, bon nombre de survivants doivent encore quitter Prague pour fuir les vagues antisémites.

(1) pogrom = massacre et pillage des juifs par le reste de la population souvent encouragée par le pouvoir

(2) ghetto = le terme ghetto désigne originellement un quartier réservé, voire imposé aux juifs, et où ils peuvent vivre selon leurs lois et coutumes particulières au milieu de peuples étrangers. L’origine est le mot vénitien « fonderie », l'endroit désaffecté autour duquel se rassemblaient les juifs de Venise.

Dans cet endroit aujourd'hui discret, dont on se doute qu'il fut secret, et même misérable et sordide au début du 20ème siècle (voir "Guide culturel des Juifs d'Europe"),  en contrebas de l'avenue de Paris, règne une sorte de climat de recueillement, une relative sérénité, en comparaison des bruyants flux de touristes de la Place de la Vieille-Ville par exemple.

Quelques synagogues
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quelques synagogogues

Quelle que soit la religion, les lieux cultuels racontent l'histoire et la culture locales.

 

De fait, ce sont quelques synagogues du quartier, souvent aussi musée, et le remarquable et dense cimetière qui marquent le souvenir, celui du touriste et celui de l'histoire des juifs tchèques.

Prague, la synagogue espagnole
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La synagogue espagnole (1687), très réputée pour sa décoration intérieure n'était pas visitable.

Tout contre se trouve le bâtiment du "Musée juif".

Une statue surprenante à la mémoire de Kafka (le Mémorial Kafka) est placée dans son voisinage immédiat.

Cependant, pour le touriste banal, la plus spectaculaire se situe hors du quartier juif : c'est la synagogue "Jérusalem", car elle se situe dans la rue du même nom.

Mais on l'appelle de fait la "synagogue du Jubilé", parce qu'elle a été construite vers 1906 pour célébrer " l'intégration des juifs dans la société pragoise ". Non plus dans la Vielle Ville mais dans la Ville Nouvelle, elle était destinée à remplacer trois petites synagogues anciennes de la Vielle Ville.

Vitraux de verrière Art Nouveau
Vitraux Art Nouveau
Façade (encombrée de travaux)
Superbes arabesques

Pour avoir notamment visité l'Alhambra de Grenade et quelques autres bijoux d'Andalousie, elle évoque irrésistiblement le superbe style arabo-andalou, dans lequel sont ajoutées de manière très réussie des décorations Art Nouveau de l'époque de sa construction.

Mais ici, rococo, aux couleurs chaudes et éclatantes. Un rococo d'enthousiasme, d'exaltation de libres et belles variations sur le thème de l'architecture arabo-andalouse.

Au point même que, curieusement, l'étoile de David, à 6 branches, est presque discrète par rapport au foisonnant motif de l'octogone et de l'étoile à 8 branches de l'art islamique.

Incroyable et inimaginable mariage dans notre période actuelle.

 

Fallait-il que l'art islamique ait séduit les architectes de ce lieu et de ce temps, - question de mode? - pour qu'il prenne de cette façon le pas sur le contexte cultuel juif. Etonnant et captivant.

Le cimetière juif
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le cimetière de Josefov

Mais il reste que le plus touchant de Josefov est peut-être son cimetière.

 

Le jeu de la lumière sous les érables et les frênes, sur la multitude des pierres tombales dressées, plantées maladroitement en terre, rassemblées là sur un périmètre confiné est un raccourci des siècles (les tombes de tous les habitants sur plus de 300 ans).

Prague, cimetière Josefov
Prague, cimetière juif

Car c’est l'une des plus vieilles nécropoles juives d'Europe (1ère moitié du 15ème siècle). La plus ancienne stèle (le poète et érudit Abigdor Karo) est de 1439 ; les plus récentes sont de 1787 avant le décret impérial de Joseph II interdisant les enterrements dans le centre-ville. 

 

Vers la fin du 16e siècle, on ajoute l’inscription de symboles et d’armoiries en relief des familles (une main levée, un arrosoir, un instrument de musique, des symboles animaliers, des outils…), des professions, ou de la tradition juive (raisin de vigne, coffrets, étoile de David…).

Les inscriptions rappellent aussi des faits de la vie du défunt avec la date de décès exprimée en numération hébraïque.

Prague, stèle de tombe juive
Prague, cimetière Josefov
Prague, cimrtière juif

À l'époque baroque, de petits édifices à 4 parois appelés « tumbas » sont érigés ; par exemple celle de Mordechai Maisel, mécène et magistrat de la Communauté.

Prague, cimetière juif
Prague, cimetière juif

Mais le nombre de corps ensevelis est beaucoup plus important que le nombre de pierres dressées et de tombes. La tradition juive interdisant de supprimer les anciennes sépultures, au fil du temps le terrain devient vite insuffisant.

 

A défaut d'extension de surface (limitée à quelque 85 à 95 ares), on va accumuler les niveaux avec l'apport de nouvelles couches de terre.

Prague, cimetière juif

La plupart des pierres qui se retrouvent enterrées sont exhumées et replantées en surface, les unes à côté des autres.

D'autres sépultures en bois sont détruites.

L'effet est celui d'un vrac qui pourrait suggérer la précipitation, voire l'affolement, en tout cas une sorte de désordre comme celui d'un stockage de marbrier mal organisé ; alors qu'il n'en a probablement rien été. 

En tout cas, une sensation sombre et oppressante quand la densité est forte, ailleurs bucolique et paisible quand elle se relâche, sans encombrement particulier des chemins balisés, en cette saison.

 

Environ 12 000 pierres tombales sont ainsi entassées, enchevêtrées dans cet espace confiné. Et certains parlent d’un nombre de 60 000 défunts accumulés, sur 3 à 4 niveaux, mais par endroits jusqu’à 12 niveaux. 

Reliquat d'une exposition moderniste

Prague, un reliquat d'une exposition moderniste

Sur le plateau du Parc Letna, à l'est du quartier Hradcany et précisément dans l'axe de la Vltava, se dresse le beau pavillon Hanavsky, aujourd'hui un restaurant de standing, 

Prague, Pavillon Hanavsky

La 1ère Exposition industrielle européenne se tient à Prague en 1791, témoignage de la vitalité du pays en ce temps.

Pendant que Mozart savoure le succès de son Don Giovanni créé à Prague en 1787 et qu'en France Louis XVI prête serment à la Constitution de 1791.

En 1891, pour le centenaire de cette Exposition, une Exposition Jubilée se tient dans l'ancien parc royal. Aciéries, fonderies, mines, industrie textile se sont développées et il règne ici une certaine opulence économique.

Le prince Hanavsky, directeur  d'aciéries, fait construire ce pavillon dans un style qui mêle néo-baroque et Art Nouveau. C'est aussi le 1er bâtiment de Prague qui est construit en fonte, béton, fer forgé et verre.

Il est reconstruit ici  dans le Parc Letna dans les années 1970-80.

C'est aussi un site duquel on domine superbement toute la ville sur plus de 180° (on s'est ici limité à l'angle utile).

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