Sud Thaïlande
2- Golfe de Phang Nga
Koh Yao Noi, grottes sur l'eau,
et les gitans de la mer
Un peu de Koh Yao Noi
Un autre jour, depuis le même inamovible embarcadère de l'île de Phuket, nous voici sur l'île voisine juste au nord de Koh Yao Yai, ; c'est Koh Yao Noi.
L'agrément de quelques îlots à l'est et au nord sera illustré ailleurs.
Nous n'y séjournerons que pour prendre le repas du midi, sur le côte est, à l'orée d'un petit village paisible, après avoir accosté à l'extrémité d'un long ponton de ciment.
Là, deux commerçantes musulmanes si souriantes que le pli de leurs yeux n'est plus qu'un stylet aigu, vendent ce qui paraît être des brochettes de sushis, mais plus certainement d'après les quelques mots d'anglais de leur modeste panneau d'information, des brochettes d'oeufs. Mais de quel oeuf est-ce?
Quelques mots sur le batik
Cette technique de peinture sur tissu, en masquant certaines zones à la cire est très ancienne.
Mais c'est en Indonésie, un peu plus au sud, à partir des 12ème et 13ème siècles qu'elle a pris ses lettres de noblesse, pour atteindre une apogée commerciale dès le 17ème siècle.
Au point qu'en 2009, l'art du batik indonésien est inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco, tout comme l'art du carnaval de Bâle en Suisse ou l'art du pizzaïolo napolitain.
Incroyable fourre-tout que cette liste-là.
Pourtant, sous le rouleau compresseur de l'échelle géologique du temps, si ténue et hétéroclite soit-elle, c'est bien l'expression du génie populaire du monde, accumulation de savoirs et de savoir-faire souvent empiriques qui mènent à force de perfectionnements et de recherches au chef d'oeuvre abouti. Même si la valeur n'est que symbolique.
On peut cheminer dans l'île à pied, à vélo ou à moto, qu'on peut louer, sur les petites routes qui sillonnent l'île.
Dans la première rue, des bidons de carburant "comme avant" avec leur pompe à main... On retrouve la photo sur tous les sites visiteurs.
Bien sûr, impossible de jouir de cette quiétude et de cette apparente qualité de vie pendant la bien trop courte durée de notre étape.
A la fin du repas, toujours sur le même rythme cadencé, il nous est présenté avec grâce et un grand sérieux la manière de peindre sur tissu, qu'on appelle le "batik".
La cire fondue est répandue en fonction du dessin réalisé sur le tissu à l'aide d'une sorte de canule à bec verseur pointu.
Puis la peinture est appliquée, en faisant varier la dilution, apportant ainsi de belles nuances, enfin la cire froide est retirée.
L'objectif naturel et final est bien sûr de vendre les pièces exposées.
Basses grottes sur l'eau
de Koh Hong
Le site suivant est d'une étonnante et spectaculaire originalité géologique.
Il se situe (voir le plan plus haut) au nord-ouest de Koh Yao Noi sur une petit archipel proche de la côte ouest du golfe de Phang Nga, au nord-est de l'île de Phuket.
Dans les rochers karstiques, la persistante érosion des vagues creuse profondément des surplombs juste au-dessus de la mer.
Au bord de ces grottes basses sans autre fond que la mer mobile, les lents et incessants écoulements calcaires forment d’énormes et solides stalactites qu’on dirait faites de ciment, courts tentacules aux contours parfois phalliques, qui dardent leurs pointes lourdes et menaçantes vers la mer, comme si le mouvement puissant dont elles semblaient animées s’était soudain figé.
Là, dans l'îlot de Koh Hong se sont constituées les voûtes sombres d’un plafond bas, torturé, suspendu au-dessus des eaux limpides, peut-être parfois résultant d'effondrements.
Ce sont alors d’incroyables voûtes enchevêtrées, des boyaux dentelés, hérissés sous lesquels il n'est possible de passer en kayak qu'en s'allongeant carrément vers l’arrière à l’horizontale. On se guide en appui sur les parois avec les mains pour éviter des chocs douloureux avec les arêtes dures et tranchantes.
L'îlot visité doit d'ailleurs son nom à ces chambres sur mer, puisque "hong" signifie précisément chambre.
Depuis un bateau plateforme, on embarque par duo dans un canoë piloté par un agile pagayeur assis à l'arrière.
Le parcours paisible en canoë entre les rochers dressés, formant parfois d'étroits passages entre des falaises aux couleurs changeantes, ouvrant ailleurs sur d'autres perspectives de rochers lointains, est déjà d'un pittoresque remarquable.
Bien sûr le monde entier est là. Mais il ne piétine rien d'autre que le fond de la coque du canoë. Les goulets sont si étroits quelquefois qu'il est certainement nécessaire, ne serait-ce que pour la sécurité des visiteurs, de ne pas en faire la Place St-Marc au moment du Carnaval vénitien.
Y a-t-il pour autant une gestion des quotas, que la chronologie des marées contraint impérativement?
Mais la lumière éblouissante perce rapidement, libératrice, celle d'une sortie. L’ouverture totale de l’horizon est un soulagement après ce spectaculaire et extraordinaire parcours de cloportes marins.
Une véritable attraction naturelle, amusante, presque exaltante.
Jusqu’au prochain effondrement de ces voûtes d’enfer, l’an prochain... ou dans deux siècles.
Soudain, à travers les passages qui se rétrécissent entre les rochers, on débouche sur une sorte de clairière marine enfermée dans un petit cirque rocheux, d'une grande et sauvage beauté.
Pour seule échappatoire, comme dans un "escape game" (en français dans le texte), il faut repasser par ce dédale semi-souterrain, labyrinthe de rugueuses aspérités, sombres et menaçantes, oppressantes pour les claustrophobes.
Rétrospectivement, on se dit qu'il fallait y venir au moment où la marée est la plus basse, et éviter de tenter d'y pénétrer quand elle remonte. Si le guide en parle un peu, tous les conducteurs de kayak paraissent insouciants de cette angoissante menace ; preuve probable qu'ils connaissent parfaitement... la chronologie des marées.
Le vieillard sénile retombe en enfance, et son V très fatigué de la victoire laisse déjà présager des difficultés quand bientôt il faudra d'abord se redresser, puis ensuite et surtout s'extraire de l'esquif.
On demande un palan!!
Koh Panyi, splendide village musulman sur pilotis,
"les gitans de la mer"
Depuis les petites montagnes du nord de notre région, dont la hauteur atteint parfois 1000 m, plusieurs courtes rivières ont depuis des millénaires ouvert des estuaires qui s'évasent rapidement en mer mais convergent tous vers ce cul-de-sac du nord du golfe de Phang Nga, alimentées par les pluies tropicales et les puissants flux de la mousson. C'est le parc national maritime de Ao Phang Nga.
L'île que nous abordons est cette fois nichée dans l'un de ces estuaires. Elle se nomme Koh Panyee, qui s'écrit aussi Koh Panyi.
Depuis le sud-ouest d'où nous sommes venus, par dessus les épais tapis de la mangrove étalée surgissent, impassibles, les impressionnantes barres rocheuses, toutes de falaises dressées des grandes îles en vis-à-vis, probablement Koh Kiang et Koh Son Phi Nong.
Koh Panyi sigifie "l'île au drapeau", celui qu'ont planté ici les premiers occupants du lieu, au 18ème siècle.
On est immédiatement saisi à l'abord du ponton de la rive ouest par le spectacle surprenant et magique de cet éperon rocheux dressé de ses 100 mètres comme une lame, au pied duquel s'étire sur pilotis le village aux maisons colorées, agglutinées contre la belle mosquée Darussalam, dont les bulbes dorés qui se haussent du col sont comme un défi à la falaise.
Ou bien recherchent sa protection, nid de poussins à la becquée.
L'essentiel du village sur ses piliers au-dessus de la mer s'allonge depuis la mosquée vers son extrémité sud sur 500 mètres et vers le nord-est au pied du rocher sur 300 autres mètres.
Il forme un dédale de passages de planches à peu près orientés est-ouest autour de quelques rues transverses couvertes nord-sud (cf l'image Google Earth plus bas et la photo aérienne du site de tourisme de Krani).
Malgré l'immense succès touristique du site, et la concession faite par les villageois à cette manne, avec les nombreuses boutiques et restaurants, le contexte spécifique du village sur ses planches, les preuves rencontrées à chaque coin de rue de la présence active et tranquille des habitants lui confèrent une authenticité unique, une sorte de charme envoûtant que la séduction des sourires attache plus encore.
Les groupes de touristes pressés se croisent, se dispersent, se retrouvent dans ce village-souk, envahissent les boutiques, goûtent les plats locaux.
Le tourisme est aussi local et cultuel, les groupes visiteurs musulmans se différencient des visiteurs occidentaux. Les premiers peut-être attirés ici comme sur un site de pèlerinage.
Un peu de l'histoire-légende, rebattue,
de Koh Panyi
La fondation du village par deux ou trois familles de pêcheurs nomades indonésiens de Java date de la fin du 18ème siècle.
L'un d'eux, Toh Baboo découvre l'île, et plante un drapeau sur une hauteur. Il signifie de cette manière aux deux autres marins explorant d'autres îles, que là sont réunies les conditions favorables pour s'installer (abondance de poisson, facilité d'occupation du site, protégé des vents par le rocher falaise) d'après la légende locale. On ne sait pas à quoi pouvait ressembler ce drapeau, qui se dit "panyi" en thaï.
Mais ils installent leur habitation d'abord sur pilotis, parce que la configuration de l'îlot avec sa pente douce vers le sud s'y prête, mais surtout parce qu'en ce temps, la loi du Siam réservait aux seuls thaïs d'origine la possession des terres. Pas question pour ces arrivants d'occuper d'autres espaces que les surfaces gagnées sur pilotis au-dessus de la mer, même si l'île est encore inhabitée.
Les lois évoluent ensuite, et autorisent l'appropriation des terres.
Alors, sur le plateau au pied du rocher, les familles qui se multiplient construisent une mosquée et creusent un puits d'eau douce.
Aujourd'hui, ceux qu'on appelle "les gitans de la mer", pourtant bien sédentaires, représentent un village de quelque 500 maisons, habitées par environ 1700 personnes rassemblées en 360 familles.
Le tourisme est bien sûr venu largement compléter leurs revenus. On les voit, besogneux, s'affairer partout sans hâte et sans bruit, dans toutes les ruelles et le grand dock couvert de la rive ouest.
Le terrain de football actuel est un peu plus loin, flottant en avancée sur la mer, semble-t-il plus pour le fun et les touristes (mais qui saura apporter la précision?).
Aujourd'hui, l'équipe des juniors du village est l'une des plus cotées du sud de la Thaïlande.
Pendant qu'un peu plus au large les terrasses flottantes des pêcheurs patientent.
Un peu comme une Venise tropicale mâtinée des souks de Marrakech, les ruelles et les passages, les recoins, les enfilades, les jardinets où déambulent poules et coqs, les bassins intercalés où des bateaux immobiles attendent sur une eau glauque et figée, ailleurs échoués sur la vase libérée par la basse marée, les petits restaurants qui semblent équipés de bric et de broc, les marchands de souvenirs locaux, un toit en diadème entre aperçu, des maisons peintes de vives couleurs, des enfants heureux qui jouent ou font des caprices, voici tout l'attrait de cet endroit.
Plus loin, des maisons peintes vivement font la coquette sur le fond des bulbes dorés de la mosquée.
La mosquée pimpante, parfaitement entretenue, est ceinturée d'une barrière métallique clinquante, aux chromes dorés et argentés, qui délimite aussi le cimetière.
Sur le continent autour de Khao Lak, on retrouve la même sorte de clôture autour des jardins des maisons cossues, une sorte d'affirmation de la prospérité de leur propriétaire.
Vers le quartier au sud-ouest, une ruelle mène vers le ciel ouvert, puis file en coursive tout le long d'une école où les salles de classes se succèdent, face à une immense cour de récréation qui est un ancien terrain de football. Au fond duquel veille, sévère, la photo ternie par le soleil du roi, encadrée d'or qui fut flamboyant, mais qui ne brille plus non plus.
Cet espace est probablement le premier terrain de football construit à la "va que je te pousse" par les jeunes du village en 1986.
Il fut rendu célèbre quand, lors de la Coupe du Monde de football (soccer ici en anglais) au Mexique en 1986, des enfants le montèrent avec un enthousiasme devenu légendaire en récupérant toutes sortes de matériaux disponibles.
Son histoire a fait l'objet d'un film qui retrace cette petite épopée locale.
18-16/11
... et le terrain flottant d'aujourd'hui, pour le fun et le sport sans filet
L'ancien terrain de foot devenu cour de récréation...
Photo aérienne du site de tourisme de la Province de Krabi
... et quelques autres illustrations des recoins et des aménagements, dans le diaporama ci-dessous