Sud Thaïlande
2- Golfe de Phang Nga
Koh Yao Yai un peu de la vraie vie
Cette fois à 20 minutes (de bateau rapide) à l'est de notre embarcadère, c'est Koh Yao Yai, l'une des îles les plus importantes du golfe.
Son nom signifie "grande île longue". Elle s'étire en effet dans l'axe nord-sud sur une longueur de 25 km.
Dans cette région d'implantation musulmane assez marquée, principalement du fait de la proximité de la Malaisie au sud, il nous est expliqué que si ailleurs cette culture laisse la femme sur les marches inférieures, ici au contraire, peut-être sous l'influence du voisinage bouddhiste, la femme musulmane est bien émancipée, et mène souvent sa vie de manière relativement autonome.
Nous l'abordons par le nord-ouest, dans le canal qui la sépare de sa "jumelle" Koh Yao Noi.
L'archipel qu'elles forment, nommé Koh Yao, se situe au centre du golfe.
Le ponton d'accès se nomme Khong Hia Pier.
De là, embarqués sur les bancs latéraux de deux véhicules bâchés, nous entreprenons la visite d'une partie de cette île tranquille et encore authentique, avec un guide local francophone qui connaît très bien sa région et sait la valoriser, beaucoup mieux que d'autres guides francophones non thaïs, dont l'imprégnation culturelle était débutante ou au moins trop approximative.
Il est vrai à la décharge de ces derniers, que l'apprentissage de la langue est un vrai obstacle, comme nous aurons l'occasion de le constater dans cette île précisément.
On dit en effet que la culture bouddhiste a mis sur un pied de quasi-égalité l'homme et la femme, au bout de longues tensions internes. Et ce résultat est encore très récent.
Or l'un de nos conducteurs est une chauffeure, musulmane et expansive.
Il nous a paru manifeste que cette petite femme (par la taille), dynamique, souriante et extravertie, savourait cette autonomie, qui plus est avec un capital sympathie assez irrésistible.
Thaïlande sud, plantations d'hévéas
Dans la mémoire de l'ancien gardien vacher (cow boy sonnerait beaucoup mieux, mais... un cow-boy à pied) des étés des bords de Garonne remonte le souvenir un peu semblable mais en moins gracile, celui des plantations de peupliers du fleuve, à l’époque où la SEITA en faisait des allumettes. Et tout cas tant qu'on oublie le cliquètement des feuilles girondines sous le vent.
Mais ici, pour ces arbres à caoutchouc, les branches tendues vers le ciel s’évasent élégamment en hauteur, assombrissant le sous-bois qui devient presque tunnel.
Attention cependant, nous glisse notre guide lors de la visite de la plantation, de ce que dissimule la végétation au pied de ces arbres, même quand le sol a été entretenu...
La production artisanale en Thaïlande
Ici, les exploitations sont familiales, nombreuses (on en compte plus de 1,5 millions), et couvrent en moyenne une superficie de quelques hectares.
La production commence 5 à 7 ans après que la plantation ait eu lieu, et peut être pratiquée jusqu'à 25 voire 30 ans après celle-ci.
Mais aujourd'hui, quand un lopin, arrivé en fin de production est abattu, son bois est utilisé dans la menuiserie, alors qu'il était perdu auparavant.
L'incision presque chirurgicale se fait la nuit pour éviter la coagulation à la chaleur diurne.
Les "saigneurs" donc, ces hommes-vampires de l'ombre de la nuit dont le sang est un lait qu'ils ne consommeront pas (pour éviter de devenir sinon... des hommes-caoutchouc), incisent en oblique à 40° l'écorce sur 1/3 à 1/2 tour de la circonférence, ceci en moyenne tous les deux jours.
Il faut que s'écoulent environ 40 gouttes du blanc latex pour remplir un bol noir.
Les saigneurs sont munis d'une lampe frontale et de bottes de... caoutchouc pour éviter scorpions, serpents venimeux et autres gentils animaux aux aguets.
La journée, la matière recueillie de chaque bol vient remplir des moules, puis est mélangée à de l'acide formique pour une meilleure coagulation, bien contrôlée.
La matière résultante est ensuite passée dans des laminoirs rudimentaires, puis découpée formatée en feuilles, que l'on fera sécher au soleil.
Le latex contient 25 à 45% de caoutchouc ; après séchage ce taux passe à 90%.
En Thaïlande, c'est après ce processus encore très artisanal que les feuilles seront envoyées dans le monde pour leur transformation.
On n'évitera pas l'amusant mais bien convenu cliché des singes de la maison jouant avec notre hôte replet, et cohabitant avec des coqs tranquilles et arrogants, et des chats qui se prélassent.
La partie basse des poteaux est lisse et cimentée, pour éviter la montée des termites (les termitières sont nombreuses dans les bosquets) et que ne viennent d'autres désagréables insectes ou reptiles.
Là est d'abord la raison de cette architecture sur poteaux, et non celle de la marée car nous sommes largement hors d'atteinte de celle-ci et même d'un tsunami, environ 20 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Un vieillard à moto qui nous double ailleurs offre un spectacle plus spontané avec ses deux singes attachés et impassibles, l'un à l'avant, l'autre à l'arrière.
Pendant que des groupes de scouts hilares, garçons et filles, allongent un pas plein d'entrain.
Notre parcours nous mène ensuite en direction du sud-est en longeant la côte est de l'île.
Depuis ces petites hauteurs, le panorama du détroit et de l'ile Koh Yao Noi au nord est splendide.
Rentrant plus profondément sur les chemins intérieurs de l'île, on remarque ces plantations d'arbres bien alignés, troncs hauts et fins, dont les feuillages et les rameaux forment parfois une voûte sombre, dense, donnant une impression de fraîcheur, vite démentie.
C'est une plantation d'hévéas, l'une des productions agricoles importantes au moins dans cette partie du pays, dépourvue par ailleurs de rizières.
Hévéa et latex
De la famille des Euphorbacées, l'hévéa est originaire du Brésil, plus précisément de l'Etat de Para au nord, sur l'Amazone.
On l'appelle pour cette raison "Yang Para" (latex de Para) en Thaïlande.
Stupide devinette : et quel est donc le mot thaï pour latex?
En 2017, l'Asie du sud-est fournit globalement 90% de la production mondiale (environ 12 millions de tonnes). La Thaïlande en est le 1er pays producteur mondial avec 37%, devant l'Indonésie (26%). La Thaïlande est aussi le premier pays exportateur.
On sait l'importance de cette production pour la fabrication terrienne de pneus qui en absorbe 70 à 80%, mais aussi dans la fabrication de bien d'autres objets de notre quotidien.
On parle moins de l'extension des plantations d'hévéas dans le monde, plus discrète et moins exigeante en entretien que de celles des palmiers à huile. Pourtant elle contribue aussi fortement à dégrader la biodiversité fragile des régions concernées.
Malgré de fortes fluctuations des marchés, la tendance n'est pas prête de s'inverser, du fait de la forte demande de la Chine et de l'Inde notamment, mais aussi parce que le caoutchouc de synthèse obtenu à partir du pétrole est loin de posséder toutes les qualités du caoutchouc naturel issu du latex.
Un peu du métabolisme de l'hévéa
Ce n'est pas de la sève et de son réseau de canaux (qui distribue l'eau, les sels minéraux et le sucre dans l'arbre) qu'est extrait le latex, mais d'un autre réseau interne protecteur qui passe notamment sous la superficie de l'écorce, et qui est constitué de canaux dit "laticifères", et pour cause.
Une incision sectionne les canaux de latex, qui se met à suinter, puis sèche et forme une barrière protectrice, une sorte de cicatrice ; la fonction principale du latex est pour l'hévéa d'assurer cette sorte de rôle de défense.
En fait, le latex est le liquide des cellules (le cytoplasme) libéré par l'incision, dont par contre le noyau reste en place.
Et pendant que sèchent les feuilles, le repos du hamac reste le bienvenu, pour le saigneur des lieux.
De fait, nous ne verrons ici que les outils de traitement du latex, quelques flacons de produits chimiques, mais pas de feuilles de latex séchant.
Plus loin sur la route qui pénètre un peu dans l'île, arrêt pour nous présenter un exemple d'une belle maison locale, sur pilotis comme toutes celles de la région. Sûrement la maison d'un pêcheur, du fait des filets qui pendent et semblent sécher en bordure.
Une école et un hameau
Notre arrêt suivant concerne une école de confession musulmane pour les enfants, garçons et filles, quelque chose comme le secondaire chez nous quand on voit l'âge des élèves. C'est la "Ban Khlong Bon School".
Grande et belle école, très bien entretenue, où l'on pénètre avec la discrétion feutrée des groupes de visite bien mis au fait par leur guide.
Dès 2002, le taux d'alphabétisation en Thaïlande est de 98% "https://journals.openedition.org/moussons/2635".
Notre guide explique la variété de nuances dans l’expression orale, où un même mot, selon l’intonation, l’accent tonique et d’autres variations et modulations verbales qui nous sont imperceptibles, signifie autant de choses vraiment différentes. Quiproquo et malentendu assurés pour celui qui se prête au jeu.
Pas de syntaxe mais une simple juxtaposition de mots.
Quant à l’alphabet thaï, s'il s'apparente un peu au nôtre en séparant consonnes et voyelles, il le fait avec cependant plus de finesses et de variétés que notre propre alphabet (qui nous apparaît alors bien dépouillé et sec).
Là, nous prenons contact avec la richesse de cette langue thaï. On ne saura pas si l'enseignement se tient aussi dans le dialecte malais local nommé "jawi".
Par contre l'anglais est la deuxième langue obligatoire.
A l'extrémité du préau du côté de l'entrée, l'école affiche fièrement, avec un vrai sens de la pédagogie bien illustrée, l'alphabet thaï.
Pour éviter de perturber quelques enseignements en cours, et peut-être aussi pour garder à distance les touristes mécréants, voire rapidement irrespectueux, nous n’aurons accès qu’à cet immense préau et à une salle de classe où sourient les enfants dès qu’on les prend en photo.
Le très long et vaste préau constitue, après l'entrée assez monumentale, un espace pour des cours. Une enseignante voilée (ce type de voile qui ne couvre pas le visage est appelé "kelubong"; nous n'en verrons pas d'autres variétés), assise au bord d'une table enseigne ce qui semble être la manière d'établir des histogrammes, à un petit groupe attentif et appliqué, majoritairement des filles sérieuses et souriantes, qui travaille assis en tailleur sur le sol.
Les uniformes, les chaussures même des filles et des garçons sont normés.
Les élèves proviennent des villages environnants.
Nous traversons lors d'une petite marche un hameau authentique, où un groupe de belles maisons sur piliers date d'il y a 40 ans.
Les parois extérieures sont tressées de feuilles au beau motif décoratif, avec des balcons de bois dont le garde-corps est fait de colonnettes travaillées. D'autres fois les cloisons ou les murs sont faits de palissades en planches de bois rouge horizontales.
La plus ancienne, moins pimpante mais beaucoup plus vénérable date d'il y a 70 ou 80 ans. Elle tentait déjà le même type de décoration tressée en utilisant les moyens du bord.
On dit, quand la hauteur de pilier est suffisante, qu'on fixe des hamacs sous le palier principal, pour permettre un peu de repos à l'ombre, dans la journée, bien protégé du sol.
Dans la salle où sont autorisées les visites, les murs sont placardés des oeuvres colorées qu’ont réalisées les élèves, sur la base de thèmes proposés par les enseignants, très inspirées des mangas et des pokémons.
Le parcours à travers les maisons clairsemées de ce hameau de pêcheurs zigzague entre bosquets, et permet d'apercevoir quelques puissantes termitières et des amas de coques vides de noix de coco.
Chacune de ces dernières est souvent réutilisée pour préparer des semis à l'intérieur de la demi-coque vide, dont la fibre récupérée devient le substrat, pour les plantes et l'horticulture.
On en retrouve des lopins entiers bien protégés dans le potager de notre hôtel.
Les deux étapes suivantes ne sont que de bel agrément, îlots ou tombolo de sable fin. L'un des îlots est à l'est de la points sud de l'île voisine Koh Yao Noi, et l'autre juste sur la côte sud de cette même île.
Elles enrichissent le diaporama du chapitre des paysages remarquables.
Deux exemples ci-contre
Thaïlande sud,
autres pêcheurs sur l'eau
Dans la dernière étape avant le retour, nous abordons tout près de la côte nord de notre île les pontons flottants d'un petit village de pêcheurs, avec ses trémies comme on en voit dans le nord-ouest de Khao Lak.
Mais cet arthropode antédiluvien (pour ceux qui croient au déluge), en tout cas apparu vers -450 millions d'années, nommé limule est peut-être le plus remarquable.
La limule n'est pas un crustacé mais s'apparente aux scorpions et aux araignées, mais si, mais si!
Elle intéresse notamment les chercheurs à cause des qualités spécifiques de son sang de couleur bleue qui détecte certaines bactéries et leur fait barrage, mais aussi en raison de ses dix yeux...
Le monstre parfait, qui n'a pas manqué d'inspirer des créateurs ou des réalisateurs, comme dans la saga "Alien".
On y élève là d'énormes langoustes, l'inévitable et gonflant (dégonflant) diodon. On peut même y voir un mérou.