Proche du Mercantour,
deux superbes randonnées alpines
Arrière-pays niçois,
la Cougourde et le lac de Trécolpas
Depuis St-Martin-Vésubie en remontant la vallée du Boréon, on parvient à un parking supérieur après avoir gravi en voiture une piste.
De ce parking à 1670m, très fréquenté en juin, une superbe randonnée va nous conduire au refuge de la Cougourde puis au lac de Trécolpas, sous un soleil constant.
Au total, un dénivelé de 500m (rien d'un exploit).
Plus haut, depuis le pied d'une très vaste pente dégagée, un chamois passe au loin. Le premier de notre séjour, à peine aperçu.
Avec les clairières qui deviennent plus fréquentes, le panorama s'ouvre sur de superbes paysages vers les cimes de la Cougourde et du Pas de Ladres.
Les premiers discrets massifs de rhododendrons commencent à apparaître, puis s'épanouissent.
Le chemin d'abord creux s'élève tranquillement en petit balcon à travers une forêt peu dense, longeant le torrent, qu'il franchit plusieurs fois sur des ponts de bois bien entretenus.
Une petite retenue proche du départ forme un minuscule lac limpide.
A travers les rochers, en même temps que la forêt devient clairsemée, la pente se fait plus raide, le torrent impétueux.
De temps à autre, des marches ont été taillées dans la roche pour la facilité du passant.
Enfin voici le moderne refuge de la Cougourde, sur un replat tranquille, au pied du mont en arrière-plan.
Petite pause au refuge. Le jeune hôte identifie les animaux à fortes et belles cornes au relief annelé qui s'approchent tranquillement du refuge mais en restent à quelques dizaines de mètres : ce sont des femelles bouquetins, habituées à venir grappiller les restes de nourriture jetée depuis la terrasse du refuge (à éviter cependant dans les recommandations propres au Parc du Mercantour dans lequel nous sommes).
Les mâles ne daignent pas descendre de leurs arrogantes hauteurs ; ils laissent aux filles, cornes menues, cette vulgaire et veule facilité de se nourrir...
On ne les verra pas du tout, nulle part.
Voici la Cougourde elle-même, vraiment en forme de courge massive, puissant éperon arrondi comme le pain de sucre de Rio, tout de gneiss disent les géologues.
Avec à sa droite en montant d'autres cimes au profil plus aigu, culminant à 2600 ou 2700m.
Puis le sentier descend à travers l'intense rubis-fuschia des rhododendrons, plus denses vers le lac de Trécolpas.
Avant de gravir à nouveau un étroit sentier en balcon, parfois à travers une pierraille mouvementée, ou en traversant un torrent qui s'évase en dévalant la pente, et que pour peu on entendrait ici bruisser.
Souvent, parvenus à quelque recoin, de glorieuses perspectives se libèrent soudain sur les sommets du sud-est.
Sur son replat creux au pied du massif, l'eau verte du lac de Trécolpas est cristalline, au pied du promontoire d'un énorme rocher qui forme presqu'île.
Magnifique paysage de ce cirque dans le calme total balayé d'un petit vent, sous les lambeaux étirés de névés au pied des falaises.
Le temps d'une autre bienfaisante pause, c'est maintenant la redescente assez raide vers la vallée.
On retrouve plus bas le torrent puis le chemin emprunté à la montée.
Dans l'ombre discrète d'un rocher surplombant, un chamois à peine effarouché à quelques mètres de notre sentier se repose.
Notre 2ème chamois, cette fois observé de plus près.
Arrière-pays niçois, les lacs de Prals
Un autre jour, en remontant cette fois la vallée de la Vésubie qui se fait torrent, et non plus celle du Boréon, nous grimpons en voiture jusqu'au beau site en cul-de-sac de la Madone de Fenestre.
Pour l'IGN "fenestre" ici signifie plutôt "fin de terre" que "fenêtre", même si le col pourrait constituer une "fenêtre" vers l'autre versant italien.
Sur son plateau-balcon, le sanctuaire, à 1904m se trouve au pied du plus haut sommet des Alpes Maritimes, le Mont Gélas, qui culmine à 3143 m.
Là par derrière est donc le col de Fenestre à plus de 2400 m, par lequel passait l'une des routes du sel à l'ouest depuis le Moyen-Âge.
Le sanctuaire de ND de Fenestre
En 887, les Bénédictins construisent une chapelle nommée ND de Grâce. Les Sarrasins en incursion par ici depuis la côte la détruisent aussi sec.
Le sanctuaire et sa chapelle sont reconstruits et font office d'hôpital au 13ème siècle sous la tutelle, dit-on, des Templiers.
Puis il dépend de l’abbaye de Borgo San Dalmazzo (Italie) sous la dépendance de la cathédrale de Nice.
Dès 1388 (dédition de Nice à la Savoie), c'est le meilleur passage et refuge pour les voyageurs entre Nice et le Piémont par le col de Fenestre.
Incendié plusieurs fois jusqu'au 19ème siècle même, pillé parfois, le sanctuaire est reconstruit, restauré à la fin du 19ème siècle.
Il fait partie de la dernière frange territoriale italienne à repasser à la France en 1947.
On dit qu'il doit aussi sa pérennité à sa robuste architecture qui résiste aux amoncellements de neige et aux vents violents du couloir du col, pendant l'hiver.
Notre randonnée se limitera à la montée par la balise 361 à l'ouest jusqu'aux lacs de Prals (balise 366) puis retour par le même chemin, pour un dénivelé total d'environ 440 m (pas un exploit non plus).
Là plus qu'ailleurs, nous percevrons tous les atouts du Parc de Mercantour, autre sanctuaire, laïque celui-là, celui des animaux de montagne.
Une fois l'entrée franchie à côté d'une jardinière bien entretenue où s'épanouissent des edelweiss, la chapelle, sobrement décorée, avec des plafonds et des arcs d'une belle tonalité bleu inspire la sérénité.
La madone polychrome de l'arrière de l'autel (le retable) serait en cèdre du Liban et daterait du 14ème siècle. Le retable lui-même semble de l'époque baroque
Après un bout de parcours presque horizontal qui pénètre dans une forêt à clairières, la montée se dessine le long du vallon de Prals.
Nous surprenons un ou deux chamois qui surgissent en trombe et poursuivent leur brusque cavalcade vers les sous-bois plus épais. Quelques secondes, le palpitant palpite de l'effroi du brutal déboulé.
L'entrée de la randonnée se fait en contrebas du plateau de Fenestre, le long de la route, sans véritable place pour garer correctement la voiture. Alors qu'il aurait suffi, paresseux que nous sommes, de partir plutôt du plateau au-dessus, où est aménagé un très vaste parking.
Dans ces espaces ouverts riches d'une belle herbe, voici enfin, outre les placides bovins, les autres animaux symboles du parc national du Mercantour créé en 1979, les chamois aux cornes en arc élégant et les fouisseuses marmottes.
Pour les loups, il faut aller visiter le parc Alpha au-dessus du lac de Boréon et pour les bouquetins mâles les plus extrêmes hauteurs.
Nous ne verrons ni les uns (enfermés) ni les autres (hors de notre capacité physique très sous-entraînée et dont l'asymptote se rapproche de sa limite de jour en jour).
Puis le sentier monte le long du ruisseau qui dévale le vallon, se découvre progressivement des sous-bois, pour parvenir sur un immense plateau en pente qui s'évase et ne se trouve plus borné que par les sommets de roche sombre frisée d'une herbe rase, dont les arêtes environnantes sont encore jeunes.
Le cirque au fond retient les petits lacs de Prals.
Là sur les pentes douces du plateau paissent ou somnolent en ruminant des vaches à clarines sur l'herbe épaisse, parsemée de beaux massifs de rhododendrons.
Remarquons avec quelle concentration chacun des deux bovins ci-dessous scrute un sommet différent.
Quant à elles, les marmottes sont ici d'une discrétion totale : jamais de sifflement d'alerte.
Elles ne ressentent pas les visiteurs comme un danger, à la différence de celles qu'on entend, souvent sans même les apercevoir, sur d'autres sites des Alpes savoyardes au nord.
Si bien que, parfois, on ne les voit qu'au dernier moment à moins de 10 mètres, presque sous nos pas, après les avoir recherchées longuement en vain.
Elle fuient alors sans précipitation ou bien nous observent avec curiosité dans un immobilité presque indifférente.
Un bonheur pour l'observateur.
Tous les efforts de protection de la faune et de la flore portent ici leur fruit.
En totale liberté et livrés à eux-mêmes sous surveillance, les animaux ont appris d'instinct, après plusieurs générations, qu'ils n'ont rien à craindre des visiteurs.
Si bien que les chamois par petits groupes batifolent à distance respectable (20 à 40 mètres) et s'approchent plus près, curieux.
Une mère est parfois accompagnée de son petit déjà bien adolescent.
Le sentier bien creux s'élève en petit balcon au milieu d'arbustes et de petits sapins clairsemés, déroulant à leur pied de mirifiques massifs de rhododendrons auxquels se mêlent des gentianes et l'or des boutons.
D'autres sentiers sinuent alors dans l'herbe ; l'un, que nous ne prendrons pas -regret rétrospectif-, monte vers le col.
Sur sa crête se découpent quelques silhouettes de randonneurs contemplatifs, avant qu'ils basculent de l'autre côté pour fermer la boucle.
Puis, devenu de pierraille, il prend une plus forte pente en ressaut avant de basculer sur le plateau du cirque au pied duquel plusieurs petits lacs reflètent sans éclat la clarté du ciel bleu.
Les lacs de Prals.
à la montée
à la descente
Là, dans l'herbe moelleuse, une pause bien méritée, avant de redescendre bientôt.
Dans ce calme parfait, un chamois curieux vient nous rendre une visite furtive mais paisible, sans hâte, à quelques mètres.
Puis, nous contournant lentement, broutant ici et là, il s'éloigne fièrement pour nous offrir son meilleur profil ; avec un art consommé, il tire parti des rhododendrons entre lesquels il passe avec une grâce sobre, qui lui font comme un faire valoir, dressant ses parfaites et longues cornes de diablotin.
Même les chamois sont cabotins.
Puis c'est la descente, par le même chemin, où nous croisons à nouveau chamois et marmottes, maintenant familiers, qui nous reconnaissent et nous interpellent goguenards : "ha! ha! même pas fait le tour par là-haut!!".
Nous parvenons à la voiture juste avant une courte et forte averse, si rare pendant notre séjour.