La "Belle Province" nous
souhaite bienvenue
L'aéroport de Québec sous un beau soleil à peine frais.
On y patiente un peu, près de travaux d’extension (projet appelé « YQB 2018 »), avant de disposer à l’heure dite de la voiture de location réservée, une petite Chevrolet blanche dans le coffre de laquelle ne rentre qu’une valise ; nous regrettons à peine de n’avoir pas choisi, puisque c’était possible, une voiture plus spacieuse. Mais basta! Tout va bien.
Peu de trafic dans cet aéroport, dont l’activité devrait augmenter quand la douane US sera reportée ici pour les vols internationaux ; il deviendra alors un « centre de pré-dédouanement américain» pour les passagers qui se rendent aux USA en destination ou en transit.
Quand j'ai connu Québec, la belle capitale de la non moins « Belle Province » 1/2 siècle auparavant, la photo était argentique et beaucoup plus en noir et blanc.
Québec ne souffre pas dans sa topographie ni dans ses multiples points d’intérêts de sa comparaison avec la grande métropole de Montréal. Car de comparaison point : si différentes, chacune a ses attraits et ses problèmes.
Pour des touristes ne recherchant pas d’abord l’urbanisme, le bitume et la très grande ville, Québec la ville est presque parfaite. N’étaient les grosses « congestions » de trafic aux heures de pointe.
Québec, un bien agréable gîte à Boischâtel
Par l’autoroute Félix-Leclerc qui sinue dans la vallée de la Rivière St-Charles voici notre 1er point d’hébergement à Boischâtel, village de la banlieue Est de Québec sur la rive Nord du grand fleuve, juste après la chute Montmorency.
Beau gîte très recommandable ; l’hôtesse diserte, jeune et dynamique renseigne sur tous les attraits du coin et bichonne ses clients et ses chambres. Celles-ci si précieuses qu'il faut se déchausser avant de prendre l’escalier qui y monte.
La salle à manger est équipée d’une énorme cuisinière aux laitons, resplendissants à force d’être fourbis, véritable objet d’art représentatif des superbes poêles à bois québécois de la 1ère moitié du 20ème siècle.
Splendide panorama vers le sud-ouest : le pont suspendu à deux hauts piliers mène à l’île d’Orléans. Au loin vers l’ouest se dresse sur le haut promontoire du Cap Diamant la silhouette imposante de Québec avec ses quelques grands immeubles.
Dans le port mouillent ce jour-là deux paquebots de croisière, dans la baie qui semble se fermer là où le fleuve se rétrécit.
Si le rocher-éperon entre le fleuve et l'embouchure de la rivière St-Charles a été choisi pour l’installation des conquérants, c'est à cause de la large et profonde baie où peuvent accéder les navires les plus imposants, ce rétrécissement chemin obligé vers l’amont, enfin cette hauteur (presque) imprenable d’où on peut contrôler tout passage qui dans les anciens temps n’était que fluvial.
Surplombant les paquebots blancs c’est le château Frontenac, alors qu’au premier plan apparaissent les premiers rougeoiements des érables dans la ferme voisine.
Le pont vers l’île d’Orléans se tend comme un arc fragile.
La longue rue en balcon traverse le village. Boischâtel est l’archétype cossu d’un village québécois : belles maisons de bois espacées, entourées de gazon rarement délimité par un peu de haie, quelques fleurs, très peu de jardin potager, souvent un garage pour les voitures. Rien qui a priori ne les différencie de leurs voisines américaines, les « maisons-gazon ».
La nappe dense des fils électriques et téléphoniques aériens portés sur poteaux gâche un peu le pittoresque. L’hiver se prête mal à l’enterrage des câbles qui est une obligation dans nos villages.
Une galerie de bois souvent richement décorée de lambrequins enveloppe le corps principal. Là, l’objet essentiel, mythique et ancestral est la chaise à bascule (« rocking chair ») exposée avec ostentation comme héritage nostalgique d’un passé encore bien ancré. Pourtant, dans les sept bons mois qui font l’hiver, le lent bercement de la chaise n'est praticable qu'à l'intérieur.
L’entrée surélevée n'est accessible que par un escalier de quelques marches dont il faut dégager la neige l’hiver.
Comme dans les pays scandinaves, il y dès la belle saison ce besoin de jouissance solaire, cependant plus profitable ici sous ces latitudes où la différenciation jour/nuit est moins marquée qu’au Nord : la ville de Québec est à la latitude de Châteauroux par exemple, bien plus au Sud qu’Oslo en Norvège ; et Montréal à celle de Royan.
Québec, pittoresque des maisons et des villages
La variété de construction surprend. Les toits et quelques murs sont de bardeaux de bois. Mais de nombreux toits sont de tôle épaisse (du zinc?) peinte de couleurs souvent vives.
D’où vient cette architecture ? Influence du grand voisin du Sud?
Hormis les maisons initiales qui reproduisaient en pierre les maisons normandes ou beauceronnes, les spécialistes font état d’une vraie originalité québécoise, dont au contraire l’influence a débordé en son temps vers le Sud immédiat.
La présence anglaise laisse aussi de superbes et pittoresques témoignages (ex le village de Sainte-Pétronille sur l’île d’Orléans dont on admire les lambrequins finement décorés). Mais aussi d'anciennes chapelles protestantes comme à Stoneham ou à Tadoussac, ce à quoi en réaction ont répondu les catholiques francophones, mais aussi irlandais avec la construction d’églises.
Ces derniers se sentaient plus proches des français du Canada par leur religion et leur opposition aux anglais.
Variantes coquettes des sévères maisons de pierre notamment normandes, voire des postes de traite en bois des premiers temps de la pelleterie (ex à Tadoussac), les plus anciennes maisons québécoises déclinent avec un pittoresque remarquable deux configurations de toit différentes.
L’une présente un faîte pointu avec deux pentes symétriques en accent circonflexe, qu’on appelle aussi « toit à versants retroussés », évoquant un chapeau de paille d’antan, de ceux qu’on imagine porté l’été par une jeune fille aux joues rouges.
L’avancée de l’avant-toit couvre une galerie ; le versant est parfois ouvert de lucarnes.
Le toit de l'autre est à deux pans successifs dont les bords extérieurs sont presque verticaux On l’appelle « toit en dos d’âne » ; souvent mansardé avec lucarnes. Cette configuration est une variation embellie des granges anciennes au toit presque semblable.
Le versant supérieur moins incliné est appelé «terrasson» et le versant inférieur de pente plus abrupte «brisis», presqu’un florilège de beaux mots de charpentiers.
On la rencontre souvent sans fioriture dans les fermes, mais aussi dans de belles maisons d’agrément ou l’effet du brisis retroussé, cambré, presque tendu est accentué pour donner plus d’élégance.
La forme globale fait penser à une coiffe féminine ancestrale.
Dans ce type d’architecture, le toit est parfois à 4 pans et se mansarde de lucarnes qui apportent plus de fantaisie, comme dans celle-ci du côté de Baie-Saint-Paul.
D’autres fois, l’avant-toit se double au-dessus de la galerie comme ces maisons du 1er type à Lévis sur la rive Sud du St-Laurent en face de Québec.
Dans tous les cas, les moins sophistiquées présentent des versants simples aux pentes rectilignes ; elles se font plus nombreuses quand on s’éloigne des lieux plus prospères ou qu’on entre dans les villages éloignés.
Maisons de bois souvent plus sages, plus modernes, moins pittoresques, qui perdent en originalité et s’apparentent plus à leurs voisines des USA, mais toujours proprettes, bien entretenues.
Il n’est pas rare de voir le propriétaire repeindre avec soin en cette belle arrière-saison les planches des murs ou des barrières.
Sur la rive Sud, des maisons du village de Saint-Martin-de-Bellechasse rassemblent tous les exemples cités en un seul et agréable panorama.
L’autre incontournable caractéristique du village québécois est son église au clocher pyramidal, pointu comme une alène.
Le toit et le clocher acéré sont peints de couleur argent à l’éclat fulgurant sous le soleil qui sous d'autres angles s’estompe et s'escamote.
La plupart ont été construites au 19ème siècle. Mais certaines, soigneusement conservées et entretenues, sont antérieures.
Dans les villages, avec ce sens de la propriété privée bien nord-américain et les contraintes du climat, difficile de trouver des places de stationnement gratuites ailleurs que dans les parkings autour de l’église.
De bois et de pierre ou de brique, variant la finesse du clocher, voici par exemple l’église de Beaumont sur la rive Sud, dans la vue ci-dessous, et celle de Saint-Vallier à gauche.
Toutes avoisinent l’inévitable presbytère dont l’ampleur et l’architecture traduisaient jusque dans les années 70 l’opulence et le pouvoir, la richesse même de la religion catholique, à peine sortie de la période dite « de la grande noirceur » dont on entendait déjà parler il y a 50 ans. Pourtant déjà commençait son déclin, qui de nos jours se manifeste par l’impossibilité d’entretenir certains édifices religieux avec pour seul recours la vente.
Il en reste en tout cas ces presbytères comme celui de Sainte-Pétronille sur son tertre à l’arrière de l’église dans l’île d’Orléans, celui de Stoneham, plus modeste celui de Saint-Fidèle après la Malbaie vers le Nord, pour ne citer que trois exemples. La tranquillité du prélat se devait de placer cet édifice à distance mesurée de l’église ; il en reprend le style architectural et les matériaux dont l'église est construite ou parée.
D’autres beaucoup plus imposants bâtiments, souvent surmontés d’un campanile ou d’un clocheton, expriment encore aujourd’hui ce pouvoir ancien, souvent reconverti dans l’enseignement.
Ci-dessous une très massive école religieuse à côté de l’église de Lévis et à droite l’église des Ursulines dans la vielle ville de Québec, puis au-dessous l’église de Baie-Saint-Paul et le bâtiment religieux de brique tout accolé.
Ailleurs, ainsi en quittant Québec vers l’aéroport ou sur les rives Ouest du lac Saint-Jean, on rencontre encore de puissants séminaires, ou ce qu’il en reste puisque la vocation ne cesse de fléchir (ex celui de la ville de Québec).
Québec, la chute Montmorency
A moins de 2 km au sud-ouest de Boischâtel, sur la côte en falaise qui domine la rive gauche du Saint-Laurent, voici le fameux et puissant épanchement de la rivière Montmorency. A juste titre, la province s’enorgueillit de sa hauteur de 84 mètres, de plus de 30 mètres supérieure à celles du Niagara, mais beaucoup moins large.
Le petit parc joliment aménagé où courent des écureuils domine les plaines de bataille où Wolfe affronta Montcalm avant d’aller le vaincre sur les Plaines d’Abraham.
Par là, on parvient à une passerelle suspendue surplombant la cassure écumante. Juste en amont, c’est le lisse parfait et uni de la rivière ; en aval, presque à la verticale, le bouillonnement grondant se fracasse en rebondissant sur les rochers luisants.
On aperçoit de là le pont vers l’île d’Orléans, Québec à l’Ouest, et sur la pente de la falaise à l’Est de la chute le long zigzag escarpé d’un escalier de bois dont les plus courageux gravissent les 487 marches depuis le bas. Comme un chemin de noria ou un décor d’un film de kung-fu.
Pour le fun et les moins impressionnables, une tyrolienne traverse le haut de la chute vers l'Ouest ; elle aboutit sur une plateforme en belvédère d’où le panorama est grandiose.
Si l'on aborde la chute par le bas, il faut se garder d’utiliser le parking payant au forfait journalier de 12$ quelle que soit l’heure d’arrivée. Car en longeant la voie ferrée vers l’Ouest, puis en la traversant au feu (à la « lumière ») suivant(e) on peut se garer le long de la rue qui la longe.
Après être passé au pied d’un bras égaré de la chute qui rebondit sur les rochers et que l’on nomme « le voile de la mariée », 10 minutes à pied suffisent pour y arriver ensuite.
Petit vent frisquet, sensation de froid augmentée par les embruns du pied de chute et l’humidité.
Mais le spectacle est superbe.
D'il y a 50 ans, je garde le souvenir d’un lieu presque désert, aujourd’hui beaucoup plus aménagé, et l’hiver, d’énormes «dunes» de glace au pied de la chute, alors aussi figées que les épaisseurs verticales de glace au travers desquelles l’eau continue à se frayer un chemin (vue capturée sur internet).
La mémoire joue des tours : les dimensions du site sont plus impressionnantes de visu que dans mon souvenir défaillant. Même si depuis l’île d’Orléans, il n’en reste qu’une haute langue blanche sur la falaise sombre dont l’éloignement et la pâle lumière de ce jour-là ternissent l’attrait.
Boischâtel ou bien est-ce Montmorency est dominée au sommet escarpé de sa falaise par une grande église aux clochers jumeaux ajourés qui domine la pente abrupte des rues.
Les routes québécoises connaissent peu les lacets, vont au plus court sur la ligne de plus grande pente. On le constate sur le promontoire de la ville de Québec elle-même, mais aussi par exemple à l’arrivée à Chicoutimi par la rive Nord du Saguenay en dévalant vers le pont qui le franchit, ou bien en descendant dans un paysage de montagne vers le village de Sainte Rose du Nord vers la très imposante rivière.
Salage et/ou sablage l’hiver...
Originalité : ces « boîtes à lettres communautaires », regroupant peut-être 60 boîtes dans une sorte de grande armoire de trottoir.
Chaque résidant du voisinage y vient chercher son courrier avec sa clé en propre. Comme une annexe du bureau de poste dans la rue.
Le système est-il récent, ou bien l’esprit civique des habitants est-il parfait? En tout cas, ni dégradation, ni tag sur ce mobilier urbain.
De fait, la décision de « Postes Canada » de ne plus livrer le courrier en zone urbaine grâce à ces armoires a été prise en 2013, mais donne encore lieu à débats, notamment par rapport aux autorisations municipales dont « Postes Canada » est dégagé (Radio Canada juin 2015).