Lors d'une boucle entre Las Vegas et Moab autour du grand fleuve coloré, en août 2018, voici maintenant Upper Antelope Canyon.
Un secret trésor de merveilles
Au sud du grand fleuve Colorado, voici le village de Page, sur une colline en mamelon au milieu du désert ocre du pays Navajo, à la limite nord de l’Arizona.
Là est le barrage qui retient le 2ème plus grand réservoir artificiel des États-Unis, le lac Powell. Le premier réservoir est le lac Mead, en aval du Grand Canyon sur le même Colorado.
Superbe et autre vaste site que le lac Powell.
Une mini-croisière au crépuscule est un vrai bonheur.
Mais la merveille est ailleurs, proche, que rien ne suggère sur le versant sud-est de la colline de Page, sauf ce qu’en disent les guides Navajo.
Pourtant, à 50 mètres du parking des voitures de touristes, une série de quelques cabines de toilettes sèches très nauséabondes malgré (ou à cause de) la chaleur, repousse les visiteurs.
Certains cherchent leur salut derrière les frêles buissons à proximité ; nous verrons pourtant ailleurs d’autres toilettes sèches qui se sont avérées très correctes.
Mais nous pouvons concéder le pire, que nous oublions.
Car le meilleur nous attend, quelques kilomètres plus loin
Vers « l’antre sacrée » des convois très organisés de puissants pick-ups 4x4 partent à intervalles réguliers, sur un parcours de près de 6 km au fond du lit asséché d’un oued, large et profond de quelques mètres, envahi par les eaux des crues, rares mais violentes quand elles adviennent.
Sur le plateau de leur pickups à peine couvert pour se protéger du soleil, les passagers n’évitent pas le nuage de sable très fin soulevé par les véhicules qui les précèdent.
Voici enfin un cul-de-sac.
Encore quelques pas. Les visiteurs entrent dans l’ombre d’un canyon très étroit et sinueux qui déploie son enchantement lorsque le soleil est presque à son zénith.
C’est aussi le cas d’un autre canyon voisin collatéral, moins profond mais tout aussi magique.
Malgré une organisation bien cadencée, les groupes se succèdent, se rattrapent et se mêlent parfois, ailleurs sont amenés à se croiser dans ce boyau profond dont le fond de sable clair offre un chemin plat et sinueux.
Ce qui conduit parfois à des disputes animées et pittoresques entre les guides Navajo respectifs.
Petits désagréments vite oubliés car le spectacle est extraordinaire, qui arrache spontanément des exclamations de surprise, d’enthousiasme.
Dans la théâtralité de Bryce Canyon ou du Grand Canyon, mais aussi des Canyonlands ou du Parc des Arches, l’œil embrasse l’horizon.
L'ensemble du panorama à plus de 180° peut être vu depuis un seul point.
Ici, c'est l'inverse exact : du fond d’une crevasse - comme celle d’une grenade mûre prête à éclater - le regard s'élève vers l’étroit champ de lumière quelque 25 à 30 mètres au-dessus. Et de là, l'attraction est irrésistible.
Au moins tant que le soleil est proche du zénith, entre 11h et 14h.
Le reste du temps, le site retrouve progressivement ses ombres fantomatiques, puis sombrer dans l’obscurité, où seuls vivent quelques oiseaux qui y ont fait leur nid.
Tant pis pour la nuque qui se brise; les yeux restent rivés vers là-haut.
Et c’est le défilement extraordinaire d’une œuvre d’art naturelle, continue, fantastique, d’arcs, de courbes, d'arêtes, de fondus magiques, de concavités, de stries lovées, enlevées comme par le pinceau d’un artiste.
Les couleurs sont une fête inépuisable, incandescente, éblouie par la lumière des hauteurs qui joue avec les tons de blanc, d’or, de violet, d’ocre, de bistre, de tranche d’ébène et de violet puissant.
Souvent, d'étonnants contrastes composent des oeuvres abstraites captivantes,
une éblouissante et incroyable anthologie
Pour autant, les guides n’oublient pas le profil particulier d’une cheminée qui, ici, prend la forme d’un cœur sous lequel les amateurs de transis sont photographiés pour leur très courte éternité.
Ailleurs le coach d’un groupe de photographes amateurs déclenche une chute de sable fin, dont l’effet très reproductible est matière à jouer avec la vitesse d’obturation.
Les murs, qu’il est théoriquement interdit de toucher, semblent friables.
En fait, ils sont étonnamment durs, mais pas de la dureté du granit.
Les couches hétérogènes reflètent la diversité des origines des sédiments (marins, fluviaux, éoliens) accumulés progressivement, puis comprimés au fil des époques pendant au moins 550 millions d’années pour former ce grès d’aujourd’hui.
Le site n’est qu’une infime partie du grand plateau du Colorado (300 000 km², soit plus de la moitié de la France métropolitaine), qui s’élève en bloc, très lentement selon les experts depuis 30 millions d’années.
Dans la période de la « mousson » ici, parfois appelée « mousson d’Arizona » (entre juin et août), il est difficile d’imaginer la puissance des pluies, qui représentent 50% des précipitations annuelles.
L’eau ne pénètre pas dans ces sols secs mais déchire, emporte, charrie, irrésistiblement.
Selon le degré de dureté des murs, les torrents d’eau rebondissent et bifurquent violemment, creusent ces concavités souvent spiralées, sculptent ces formes aléatoires admirables, les accentuent, les gomment, les brossent, les peignent d’élégantes stries, les détruisent aussi.
Puis, dans la longue et sèche période qui suit, le reste est une question de lumière, rapidement jubilatoire.
L’opposition est totale entre l’enfer diluvien (extrait de la vidéo Lower Antelope Canyon Flood Page, Arizona - YouTube) vu forcément depuis le plateau, et les visions enchantées depuis l’intérieur.
Après des millénaires, ce tuyau étroit s’est finalement approfondi, crue après crue, sur une distance de quelque 400 mètres à travers le plateau, et une largeur qui varie entre 1,50 et 3 mètres.
La hauteur resplendissante atteint 25-30 mètres.
Après les pluies, les eaux de l’Upper Antelope Canyon s’écoulent vers le fleuve Colorado à proximité, maintenant vers le réservoir du lac Powell. Où se termine également un autre bras, le « Lower Antelope Canyon », plus difficile à franchir que celui de son frère supérieur.
Ainsi est le trésor, enfoui comme une cassette Navajo, d’Upper Antelope Canyon.
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Malheur cependant à ceux qui, inattentifs aux prévisions météorologiques, voire surpris par leur soudaineté, se laissent prendre par la violence d'une crue, comme ces sept Français randonneurs d’un groupe de onze, tous victimes d’une telle catastrophe en août 1997 dans le « Lower Antelope Canyon ».
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