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Photo du rédacteurJean Lacroix

Dans la série des "cités impériales" du Maroc, voici, voici à Marrakech...

Dernière mise à jour : 12 mai 2022


... la fascinante Place Jemaa el-Fna,

entre souks et Koutoubia



Au Maroc, confins d'Afrique, porte d'Europe, les "cités impériales" sont celles qui, au fil des dynasties successives marocaines, ont été la capitale du pays : Rabat, Meknès, Fès, Marrakech....


Nos visites datent de novembre 2010, dans un circuit accompli au pas de course, à l'allure d'une fantasia, presqu'en apnée.



Marrakech, presqu'un millénaire d'existence, un peu moins que Fès sa concurrente historique.

Sur le chemin du commerce entre Maghreb de l'ouest et nord Sahara, elle est fondée en 1071 par les Almoravides, au confluent de deux oueds sur le très vaste plateau du Haouz, à l'altitude de 450 m.

Le sultan Berbère Youssef ben Tafchine (aussi connu sous le nom de Ben Youssouf) et son épouse la reine ("malika") Zaynab Nefzaouia, dont le précédent époux est le fondateur de la dynastie, en sont à l'origine.


Mais, comme Las Vegas sans le lac Mead, Marrakech n'aurait jamais existé sans le massif du Haut-Atlas à 25 km au sud (sommet : le Djebel Toubkal de 4167 m à 60 km) dont les neiges étincellent l'hiver, et surtout qui alimente son bassin hydrographique.


Marrakech est capitale de l'émirat Almoravide qui s'étend du centre ibérique jusqu'au fleuve Sénégal et de l'Océan Atlantique jusqu'à Alger.

L'art, l'architecture, au croisement entre héritage omeyyade arabo-andalou (à son apogée à Cordoue depuis déjà plus d'un siècle) et influences ouest-africaines et sahariennes sont typiques.

Le fils de Ben Youssouf fait construire l'enceinte de pisé haute et 8 à 10 mètres et longue de 19 km entre 1122 et 1123.


ocre vif des remparts de Marrakech le soir


Puis dès 1147 viennent d'autres berbères de l'Anti-Atlas au sud du Haut-Atlas, les Almohades. Ils chassent et exterminent les Almoravides, détruisent leurs monuments de Marrakech, les remplacent par d'autres édifices sévères et majestueux.


La Koutoubia en est l'un d'eux.


Marrakech est confirmée dans son rôle de capitale de l'Empire Almohade, qui va de l'Andalousie jusqu'à la Lybie.


1125 : la confédération tribale berbère des Hintata (sud-ouest de Marrakech) soutient les Almohades, puis les Mérinides dès le milieu du 14ème siècle. Elle administre Marrakech à partir de 1269, qui cependant décline ensuite quand Fès lui est préféré par les Mérinides.



vue de Marrakech en 1641, d'après une estampe d'Adrien Mathan

Elle redevient capitale début 16ème avec les Saadiens, où elle s'enrichit de ses conquêtes au Mali (mines d'or), de Tombouctou, et retrouve son faste avec de somptueux palais ; mais au 17ème siècle, avec les Alaouites et Moulay Ismaïl, Fès puis Meknès lui sont préférées.




Les souks


Ses milliers d'échoppes rappellent la Médina de Fès, ici sans pente ni déclivité.

Mais surtout, moins authentiques : l'attitude rouée des artisans-commerçants à l'égard des innombrables visiteurs, est confondante .... d'empathie.


Organisés là aussi par corporations, les étals très pittoresques défilent dans d'assez larges rues couvertes et sinueuses où débouchent de sombres impasses, d'autres dédales, ponctués de loin en loin par des portes décorées construites au 19ème siècle.


Les femmes y sont beaucoup plus voilées et masquées que dans notre 1ère visite en 2006, souvent sur hauts talons : femmes voilées, secrets de femmes, femmes beautés?

Peut-être aussi femmes modernes qui seront l'avenir du macho local, ou diseuse de bonne aventure, sur la place El Fna, femmes pythies?

Ou discutant dans l'ombre grêle d'un platane, pipelettes, regard hardi.

Beaux yeux de khôl fardés, laideurs ou beautés cachées allant prier à la mosquée?



Cigognes et transports rustiques à Marrakech


Marrakech, ce sont aussi les cigognes, la plupart sédentaires, qui nichent au sommet des vieux remparts de pisé. Et qui caquètent comme castagnettes dans la parade amoureuse.


D'autres gardent l'instinct de la migration et s'envolent à tire d'aile vers d'autres cieux, un soir au-dessus du minaret de la Koutoubia.

pour qui est cette potence-gibet qui domine le minaret de la Koutoubia à Marrakech? Monte-charge bien sûr!!
envol de cigognes au-dessus du minaret de la Koutoubia, où la potence n'est pas gibet mais monte-charge

Le trafic des rues de Marrakech est dense et bruyant, pétaradant, fumant, hétéroclite ; traverser une avenue est presque un sport.


Tous les types de transport cohabitent.

On ne se lasse pas des plus modestes, rustiques, économes, au pittoresque authentique. Parce que ce sont les plus anciens utilisés par l'homme : à pied, avec un animal domestique (l'âne très souvent), et bien sûr... la roue ; même si parfois s'y ajoute un moteur. Et que les fardeaux sont hétéroclites, invraisemblables, originaux.


Même si dans le flux des autos de toutes sortes se font remarquer de clinquants 4x4 (pas encore SUV), conduits par une jeunesse aisée, rigolarde, assez arrogante.



La Koutoubia


La splendeur du soir exalte le grès ocre du minaret de la Koutoubia, qui s'illumine doucement.

chef-d'oeuvre de l'architecture Almohade, inspir de la Mezquita de Cordoue
harmonie du minaret de la Koutoubia à Marrakech, en majesté au soleil couchant

Elle tire son nom des "Libraires" ; quelque 200 échoppes de bouquinistes se tenaient autour d'elle après sa construction par les Almohades en 1158. Yacoub el Mansour achève son minaret en 1197, notamment avec le lanternon au sommet.


Elle s'inspire de la grande mosquée de Cordoue (8ème siècle), puis devient le modèle pour la 2ème version de la mosquée de Séville, la Giralda au 12ème siècle (reconvertie en cathédrale après la reconquête), et pour la mosquée Hassan inachevée de Rabat.


L'architecture en tour carrée du minaret se démarque du luxe de l'art andalou, impressionnante par ses harmonieuses proportions, la grande symétrie de ses façades, et le lanternon surmonté d'une flèche portant quatre boules dorées.

Il culmine à 77 m, soit aussi haut que la flèche posthume de Notre-Dame de Paris par exemple.












Sur le plateau de la région, c'est un repère visible de loin, notamment depuis les jardins de la paisible Ménara, dans la perspective de l'avenue du Prince Moulay Rachid, jalonnée de quelques faux palmiers, vrais pylônes relais de téléphonie mobile.

superbe perspective depuis l'oliveraie de la Ménara, Marrakech
minaret de la Koutoubia depuis l'enceinte préservée de la Ménara

A 2 km du centre ville et de ses agitations se trouve en effet ce havre de paix, un très harmonieux pavillon au bord d'un grand bassin alimenté par des conduites captant l'eau du Haut Atlas. au centre d'une oliveraie au sol battu par les chaussures de bataillons de touristes

jamais Marrakech n'aurait existé sans le Haut-Atlas voisin
palais harmonieux sur le bassin de la Ménara

La légende dit que c'était un lieu de rendez-vous du sultan, qui se débarrassait de sa compagne en la noyant dans le bassin. Histoire de renouveler le harem?

La Reine Margot du haut de sa Tour de Nesles s'en est-elle inspirée pour ses amants?




La Place Jemaa el-Fna


Entre la Koutoubia et l'entrée des souks de la Médina, quand le soleil couchant étire les ombres, se tient un espace magique, vaste place de restaurants et d'attractions typiques, la place Jemaa el-Fna (qui signifiait peut-être "place des trépassés" ou de "la mosquée anéantie"...).


lumière dorée pour un lieu unique, la Place Jemaa-el-Fna de Marrakech
dans l'or du soleil couchant, entrée de la Place Jemma el-Fna, dans la perspective du minaret de la Koutoubia

Elle est le centre d'animation de toute la ville dès l'après-midi jusqu'au petit matin, aussi bien pour les autochtones que pour les touristes.

Pour savourer le mieux ce fascinant spectacle, il faut absolument trouver une table sur l'une des terrasses de restaurant ou de café qui dominent la place.




Vaste scène de théâtre en plein air, bariolée, joyeuse et vivante, de spectacle de la rue (halqa), ce sont les diseuses de bonne aventure, les montreurs de singes, les charmeurs de serpents, les musiciens et danseurs locaux...



... mais aussi des alignements d'étals de petits restaurants ambulants où l'on s'attable pour consommer, assis sur des bancs qu'enveloppe le soir la fumée des cuissons dégageant de multiples et appétissantes odeurs de cuisine.



Les porteurs d'eau berbères dans leur habit rouge ne sont plus là que pour le décorum, sous leur immense chapeau conique, et dont le seul revenu serait l'obole du touriste qui se selfie à leur côté.


Le pittoresque est-il vénal? Ceux qui l'incarnent ici semblent authentiques et très humbles.


Mais si habitués à quémander et négocier que leur requête devient pesante, collante.


Ouvrez la bourse bonnes gens!!!


Les sollicitations sont lourdes et insistantes, péremptoires, surtout de la part des charmeurs de serpents.

Pour tous ces acteurs de la rue pourtant, là est leur seul revenu.


Alors quel est le prix du pittoresque?


Celui qui "vole" une photo par-dessus l'épaule d'un passant est vite repéré et presque invectivé.






Les serpents jetés au sol, placides et curieux, tête dressée, restent lovés sur eux-mêmes, sans chercher à s'enfuir. D'autres restent confinés dans un récipient bas couvert d'un simple drap blanc.



Les montreurs de singe ne sont pas en reste ; celui-ci semble déçu de la poignée d'euros donnés par un touriste,... que même son animal réclame.


Un autre propose, doigt tendu, une photo à une visiteuse, ou lui réclame peut-être son dû, pour une photo "subtilisée".











Un groupe de musiciens et danseurs noirs (gnawas?) descendants des esclaves, assourdissent le voisinage par leurs tambourins et leurs mélopées, en faisant tourner d'un mouvement circulaire de la tête le pompon de leur chéchia.


Avec le soleil qui baisse, la foule s'achemine vers la place dans un halo clair qui enveloppe les lieux d'un voile doré léger, quand s'étirent les ombres des passants, des promeneurs, des habitants affairés, et que se profile, massive, l'ombre portée du minaret de la Koutoubia.

Un endroit de légende, où depuis longtemps et aujourd'hui encore se réunissent de réputés conteurs dont les récits fascinent l'auditoire.



Mais Marrakech, ce sont bien d'autres endroits captivants.

Comme l'onirique, tranquille, harmonieux et très élitiste jardin Majorelle, ou le fastueux palais de "la Belle" le Palais Bahia, etc...



... et une mémorable tourista, dans la vallée de l'Ourika (1ère visite cette fois en septembre 2006)...

... qui, au terme de lacets élevés conduit à la station de ski d'Oukaïmeden (2620 mètres), "la station de ski au-dessus des palmiers", skiable pendant 4 mois.


Merci au petit recoin de chez Juju, refuge occasionnel pour côlon spasmodique fatigué.


et en allant à Casablanca, Rabat, Meknès, Fès, Volubilis...



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Un résumé lapidaire de l'histoire du Maroc


Carrefour géographique nord-sud à la limite continentale africaine vers l'Océan : le Maroc.

De tout temps, le Maghreb est habité par les Berbères (aussi nommés les Maures). Rien à voir avec les Arabes, futurs envahisseurs depuis l'Orient et l'Arabie.


Permanents mais nomades, ils côtoient plusieurs vagues d'envahisseurs au fil du temps, adoptant souvent leur religion, mais conservant une farouche autonomie dans la mosaïque des tribus toujours belliqueuses. Un trait d'union de toute l'histoire du Maghreb.


Qui sont les envahisseurs?


Dans l'Antiquité,

navire de guerre phénicien 7ème siècle avant JC

12ème siècle avant JC : les Phéniciens, marins commerçants vont au moins jusqu'au port d'Essaouira (anciennement Mogador).


5ème siècle avant JC : les Carthaginois sont là, forte puissance au nord de l'Afrique.


Fin du 4ème siècle avant JC : création au nord du Maroc du royaume de Maurétanie (et non "Mauritanie") par les Berbères.




Juba II

Du 2ème avant JC au 4ème après JC : les Romains consolident la Maurétanie tingitane (de Tanger).

Les dromadaires alors introduits (on n'utilisait jusque-là que le cheval) accroissent l'autonomie des tribus berbères.


Remarquable essor culturel, architectural et économique sous le règne de Juba II (époux de la fille de Cléopâtre et de Marc Antoine).


Et fondation de la ville de Volubilis.

Volubilis, thermes et un arc de triomphe












Vers 439, prise de Carthage en Tunisie par les Vandales, qui, en chassant les Romains d'Occident en font la capitale de leur royaume, loin cependant de la Maurétanie tingitane.


533-534 : avec une puissante armée sous le commandement de son déjà fameux général Bélisaire (à gauche), l'empereur Romain d'Orient Justinien 1er le Byzantin (à droite) vainc les Vandales et les repousse hors de l'Afrique du Nord.

Cependant les Berbères, habitués de fait à une certaine autonomie résistent, se rebellent.



622 : an 1 de l'Hégire. D'Arabie commence la conquête en 640 vers l'ouest ; elle atteint la côte atlantique autour de 705 avec la soumission de tribus berbères.

Dès lors, le Maroc devient tête de pont de la conquête vers le nord et la péninsule ibérique, via le détroit de Gibraltar.


Mais l'immense empire arabe se gère mal. De fortes résistances apparaissent.

5 février 789 : Idriss ibn Abdallah, descendant du prophète - il est le petit-fils de sa fille -, fonde, sous le nom d'Idriss 1er la dynastie des Idrissides et la ville de Fès ; il rassemble les berbères du nord du Maroc.

C'est le 2ème royaume musulman après l'Andalousie à s'émanciper du califat de Bagdad. Dynastie qui éclate ensuite dans les successions.


1061 : des berbères nomades du Sahara occidental prennent possession du Maroc et fondent la dynastie des Almoravides qui se sont appropriés la religion musulmane ; fondateurs de Marrakech, ils conquièrent ensuite l'Andalousie.


Vers 1125 : une autre dynastie de berbères cette fois maurétaniens, les Almohades, musulmans intransigeants et puritains prennent le pouvoir, de l'Espagne jusqu'à la Lybie. Leur plus fameux sultan est Yacoub el Mansour. Mais les chrétiens tentent la reconquête. L'Empire est vaste et se distend.


1269 à 1421 : la dynastie des Mérinides lui succède, et refait l'unité du Maghreb, Nouvelles dissensions ; les portugais s'emparent de certains sites côtiers.


1472 à 1492 : la dynastie des Wattassides qui a pris le relais se heurte à l'apogée de la Reconquête chrétienne.

Après la Reconquista

1578 : les Saadiens, une autre dynastie arabe engage la guerre sainte contre les chrétiens, bat les portugais, prend vers le sud Tombouctou en 1591 et le Mali ; elle s'enrichit en contrôlant de mines de sel, d'or, et en renforçant la traite des esclaves d'Afrique noire.


Vers 1660 : la dynastie Alaouite (descendants d'Ali, gendre du prophète) dont les membres mènent une vie pauvre, méditative et vertueuse prend le pouvoir.


1672 à 1727 : de la même dynastie Alaouite, contemporain de Louis XIV, le roi Moulay Ismaïl réorganise le Maroc, lutte contre les tribus berbères insoumises, les turcs ottomans, les chrétiens. On le surnommait "l'Assoiffé de sang".


L'époque moderne

Avec la peste au début du 19ème et le déclin de l'économie, le Maroc se replie sur lui-même et s'expose aux ambitions européennes d'expansion.


1912 : protectorat français . Lyautey assure le rôle de résident général (gouverneur). Avec un grand respect de l'islam, il se porte garant des valeurs traditionnelles du pays, intégrant dans sa réorganisation les notables locaux. Honoré encore par les marocains, sa situation est particulière dans l'histoire de l'époque coloniale française.

1925 : prédisant "le détachement" naturel du Maroc, il est aussitôt exclu par le gouvernement français.


2 mars 1956 : indépendance du Maroc, sans trop de douleur de part et d'autre, à la différence de l'Algérie par exemple ; ce qu'explique peut-être l'attitude de Lyautey gouverneur.

Les Résidents qui lui ont succédé, moins sagaces, moins intelligents, tentent d'opposer berbères et arabes avec la complicité du Glaoui riche pacha berbère allié de la France, suscitant en réaction l'engagement des USA aux côtés de Mohammed V pour l'indépendance.


Le roi actuel Mohammed VI, son père Hassan II sont les représentants et descendants directs de la dynastie des Alaouites, d'où leur titre de "Commandeur des croyants", qui leur donne une certaine légitimité religieuse dans l'ensemble du monde musulman même encore aujourd'hui.


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