Ah, l’Italie ! Tardivement formée en Europe, mais si extraordinaire par son potentiel touristique, culturel, naturel.
Les Pouilles visitées en octobre 2018, Florence et sa région en septembre 2019. Et encore auparavant, Venise et Rome en 2012…
L’héritage historique, la diversité, la richesse des sites à découvrir, des paysages à contempler sont exceptionnels, ce n'est pas un scoop.
Tant de plaisir dans la découverte, on en voit qui là-haut ne supportent pas. Jaloux!!
Dans ce pays papal, on se serait pourtant bien passé d’être puni pour ce péché d’extrême jouissance touristique.
La punition - parfaitement athée - est venue d'ailleurs, de petits savoir-faire ancestraux italiens.
Une merveille de… fourberie bien huilée et quelques autres désagréments, quand on n’est ni assez prudents, ni assez attentifs, et un peu crédules.
Embrouilles au pays de l’imbroglio, qui ne sont sont pourtant pas propres à la botte.
1- Destination Lecce, dans le talon de la botte, octobre 2018, un we prolongé.
Restes baroques remarquables ; les possibilités de visites dans cette partie des Pouilles en rayonnant autour de cette métropole régionale sont… légion, loin de Rome.
Jour d'arrivée : depuis Paris, l’aller avec Alitalia est vers Brindisi avec transfert à Rome.
Aucun problème, tout est synchrone. L'aéroport est peu fréquenté en notre saison de visite.
Au tapis roulant d’arrivée des bagages, notre valise (une seule pour pour un long we) tarde à venir.
Rien quand la noria s’arrête. Inquiétude. On nous confirme que le déchargement est achevé.
Au guichet de la compagnie Alitalia, nous déposons donc une réclamation.
Véhicule loué : réservé à l'extérieur de l’enceinte de l’aéroport, à quelques km de l’aéroport, il faut d’abord attendre une navette, qui tarde à venir ; puis vient enfin.
Le véhicule est pris dans un parking qui fait un peu vrac. Une seule personne traite les réservations, longuement. Une autre voisine semble plongée dans une autre activité, imperméable aux impatiences des clients.
Véhicule récupéré, les oreilles basses, direction Lecce.
Là, faute de valise et de son contenu, il nous est nécessaire d'acheter un minimum de vêtements de rechange ; l’hôtel, à peine surpris, très avenant fait don du contenu sommaire de trousses de toilettes. Et nous rassure et s'engage à nous renseigner sur ce qui paraît jusqu’ici n’être qu’un malencontreux retard d’acheminement.
Nous prenons contact avec Lecce, reine baroque des Pouilles.
Deuxième jour, toujours rien. Heureusement, nous gardons toujours avec nous les fonds, les réservations, les appareils photos, bien sûr les téléphones...
L’attente reste longue, et surtout dérangeante.
Les visites entreprises font distraction, et même diversion malgré un fond persistant d’inquiétude, presque d’angoisse.
Troisième jour. Ouf ! Enfin voici la valise.
Sombre surprise, elle a été ouverte sans que la serrure ait été détruite, puis maintenue refermée sommairement par un lien souple.
La petite et tranquille entreprise mafieuse de voleurs à l’aéroport de Rome a bien sévi : caméscope, vêtements, chargeurs divers, la valise a été largement pillée.
La déclaration de vol s’impose.
L’occasion de visiter le commissariat de Lecce, grand bâtiment de haut plafond où plastronnent "à l'italienne" certains policiers masculins, émules spontanés et héritiers naturels de Vittorio Gassman.
Mais c'est une efficace policière "Surintendante de Police", avec laquelle on échange en anglais, qui établit la déclaration. Une matinée entière perdue.
La langue italienne où toutes les lettres se prononcent est lyrique comme une course-parade des bersaglieri emplumés.
L’esprit enfin libéré (de savoir), mais courroucés, dépités, nous pouvons poursuivre la découverte des atouts nombreux du pays.
Santa Maria di Leuca, station balnéaire à l'extrême sud du talon de la botte avec ses extravagantes villas "praticiennes" construites au 19ème siècle amuse et captive, là où la mer devient aussi décor très conventionnel pour les photos d'un mariage,
On savoure le véritable spectacle d'Alberobello (40 km à vol d'oiseau au nord de Tarente) où s'étalent comme dans un conte ses étonnantes maisons aux murs blancs coiffées de toit conique de lauses assemblées sans mortier, les "trulli".
Si ce pittoresque unique attire trop les foules dans les rues, un peu à la manière d'un Disneyland, c'est cependant avec une totale et très précieuse authenticité.
On apprécie autant qu'elle le mérite la surprenante vallée calcaire de Matera, l'une des 3 premières cités au monde les plus anciennement habitées par l'homme (environ 10 000 ans), très vaste ville troglodyte dont les cavernes à multiples usages creusées sur les flancs de tuf du canyon de la Gravina, nommées "sassi", se superposent et s'enchevêtrent avec superbe.
Matera devenait l’année suivante (2019) capitale européenne de la culture.
Belle revanche pour la déshéritée, si misérable qu'elle faillit disparaître après avoir été nommément déclarée "honte nationale" par le président du conseil italien en 1950.
Magnifique renaissance que l'on doit à son décor "biblique" qui a attiré quelques importants réalisateurs, et la pugnacité de ses habitants conscients de ses atouts et de son potentiel culturels.
On se fond aussi avec délice dans les ruelles de la petite île ancestrale de Gallipolli (ne pas confondre avec son homonyme de Turquie, lieu la Bataille des Dardanelles), très riche d'une longue histoire, juste à l'ouest du talon de la botte, là où ça chatouille.
Son pont d'accès de pierre, large et robuste à 7 ou 8 basses arches laisse croire qu'il s'agit d'une presqu'île,
Au 18ème siècle, les oliveraies environnantes font de Gallipoli le 1er centre exportateur d'huile d'olive (pour l'éclairage) de toute la Méditerranée.
On la produisait dans ses caves, une économie à qui elle doit sa richesse baroque.
Ses habitants les plus âgés ont conservé leur vie tranquille, pleine de vérité.
On se promène, les yeux grands ouverts dans Otrante, ce port le plus à l'est de la botte, ancien et intense lieu de passage convoité, et de bataille (1480) entre Orient et Occident au Moyen Âge. La vénérable cathédrale, bien modifiée à la Renaissance, expose la plus grande mosaïque d'Europe créée par le moine Pantaléon au 15ème siècle ...
... et dans les pittoresques dédales d'Ostuni, plus au nord, ville blanche étagée, perchée sur les hauteurs au-dessus des oliveraies de la côte Adriatique...
Mais une colère rémanente nous saisit encore par bouffées ; les visites ne nous divertissent - "ne nous détournent pas de nos sombres pensées"- pas assez pour éteindre une rancoeur mordante comme une rage de dent. Pas d'oubli.
C'est l’horizon bleu gommé de brume vers l'est, puis la sereine majesté des immenses oliveraies ancestrales, troncs torturés coiffés de vigoureuse chevelure bleu-argent, puissants comme des héros mythologiques, qui parviennent enfin à nous dégager l’esprit.
La restitution du véhicule au retour se fait dans un chaos vociférant, en italien, en anglais avec l’accent italien dans une file d’attente plus longue encore qu’à l’arrivée.
A défaut de justice immanente, grâce soit rendue prosaïquement à notre assurance voyage « Mondial Assistance ». Trois mois après avoir établi l'inventaire rétrospectif méticuleux des objets volés et tenté de les valoriser avec quelques factures retrouvées, nous serons très correctement compensés.
Il y a même des mécanismes qui marchent. Ouf!
2- Séjour là aussi d’un grand week-end dans la région de la Toscane juste au nord de Florence.
Par avion, le point d’arrivée et de départ est l’aéroport de Pise, où nous prenons et rendrons notre véhicule loué.
Les charmes de la douce Toscane au nord de Florence se savourent lentement, dans l’harmonie des courbes plantées ici d’oliviers chevelus argentés et de bosquets denses, ponctuées des traits sombres d'ifs dressés. Les vignobles toscans, c’est au sud de Florence où nous n'irons pas (cette fois).
Dans sa large vallée, l’effervescence tranquille de Firenze, l'ancienne commune des marchands du Moyen-Âge, extraordinaire berceau de la Renaissance avec les Médicis, capitale éphémère du royaume d'Italie au 19ème siècle, tient toutes ses promesses.
Que l’on parcoure ses rues éclairées des façades de marbres polychromes clairs où domine le blanc,
..., jalonnées des imposantes statues Renaissance, familières à force d'avoir feuilleté dans le temps les pages du Petit Larousse,
que l’on se perde dans les dédales des musées d’inouïes richesses,
ou qu'on s’exténue dans la montée-surprise des 463 marches pour le vertigineux spectacle des fresques à l’intérieur du Duomo et celui de la ville depuis sa lanterne à l’extérieur,
qu’on laisse aller enfin son regard balayer ses toits et ses dômes depuis le Belvédère de la Piazzale Michelangelo, sous l’élégant et fameux David alangui qui contemple l’Arno,
... la ville chef-d'oeuvre persiste et fascine toujours le monde entier, et le monde entier est bien là.
Même depuis Fiesole sur la colline au nord, la mythique cité s’entrevoit là-bas comme un chat roux assoupi sous le soleil d’automne.
Au retour à Pise, c'est déjà l’occasion de constater avec quelle sollicitude la très élégante et flamboyante tour de marbre se penche par-dessus l'épaule de la cathédrale sur les innombrables fourmis visiteuses venues du monde entier... avant de rendre notre véhicule.
C'est un dimanche ; la restitution, comme c'est la règle, doit se faire le réservoir plein, que nous décidons de faire dans Pise même.
Grave erreur ; aucune station-service n’est ouverte.
Une seule, automatique, se présente, où l'on ne paie qu'en liquide.
Introduisons 20 euros. Erreur de manipulation, incompréhension du mode d’emploi? Rien. Déception, la colère monte ; tentative de partager avec d’autres compagnons d'infortune dirigés vers la même pompe.
Nouvelle tentative en introduisant deux autres billets de 10 euros, cette fois en croyant avoir compris le fonctionnement. Stupide entêtement ! Nouvel échec, et la rage nous prend, celle d’avoir été sciemment grugés.
Ce sont 40 euros (en)volés pour des raisons floues, peut-être aussi du fait d'une ruse volontaire.
Impossible de trouver ailleurs une station ouverte. Il faut donc rendre la voiture sans son plein avec l'inévitable surfacturation : 60 euros.
Se garer à Pise.
Dans le périmètre immédiat du site historique traversé un peu par hasard, ne pas y penser du tout : le stationnement est réservé aux seuls riverains.
Enfin une place dans un second périmètre plus large, suffisamment éloigné du centre historique.
Huit mois après, bel envoi postal bilingue italien-français de la commune de Pise qui nous invite péremptoirement à payer une amende salée de presque 120 euros pour non respect de l’interdiction de circuler dans la 1ère zone sans autorisation, infraction automatiquement relevée par vidéo.
Nous avons heureusement pu sillonner sous une pluie intermittente le vaste périmètre historique de la Piazza del Duomo (auparavant la Piazza del Miracoli), pelouse parfaite comme un green de golf.
et son étonnant cimetière-cloître, le Camposanto, jalonné et pavé de tombes, dont les hauts murs sont des fresques d'époque.
On y trouve aussi des tombes plus récentes, notamment une stèle surprenante ornée d'une très belle femme lascive à demi-nue façon Art Nouveau : le tombeau d'un physicien et mathématicien italien du 19ème siècle, O. F. Mossotti, libéral, exilé puis revenu à Pise (la statue est-elle sa muse inspiratrice, une belle provocation d'un libéral revanchard ou tout simplement l'allégorie de l'astronomie ou de la science comme certais le disent ? ).
Restait une suprême tâche à réaliser avant de repartir : redresser la tour, ce campanile devenu beaucoup plus célèbre que sa cathédrale depuis qu'il a pris du gîte...
Voilà qui est fait. Mais là, il va falloir payer pour en connaître le secret!!
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