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Photo du rédacteurJean Lacroix

Dans la série des "cités impériales" du Maroc, voici, voici à Meknès...

Dernière mise à jour : 12 mai 2022


... les écuries du sanglant Moulay Ismaïl

et les silos à grain



Au Maroc, confins d'Afrique, porte d'Europe, les "cités impériales" sont celles qui, au fil des dynasties successives marocaines, ont été capitale du pays : Rabat, Meknès, Fès, Marrakech....

Nos visites datent de novembre 2010, dans un circuit accompli au pas de course, à l'allure d'une fantasia, presqu'en apnée.





Fondée en 711 par une tribu berbère, Meknès devient bastion militaire sous les Almoravides en 1061, puis capitale du Maroc au 17ème siècle ; elle est aujourd'hui 5ème ville du Maroc par la taille.


Mais où sont donc ce jour-là de novembre 2010, les couleurs, la lumière et le soleil d'Afrique du Nord?



Heureusement, dans une ancienne mosquée devenue mausolée du sultan Moulay Ismaïl, il y l'élégance des arcades en voûte brisée et la fontaine centrale d'un patio, la dentelle en stuc aux effets de pierreries, le motif récurrent de la rosace octogonale.



Moulay Ismaïl est le fils du 1er souverain de la dynastie Alaouite (celle du souverain actuel du Maroc) ; sa mère est une esclave noire.

Contemporain de Louis XIV, il règne aussi longuement sur son empire chérifien (1672-1727) que le Roi Soleil sur la France (1651-1715).


elle qui mettait l'Europe et le Maghreb en émoi
la Princesse de Conti, fille de Louis XIV

Entre puissants, c'est même au point qu'il sollicite Louis XIV pour obtenir la main de l'une de ses filles Marie-Anne de Bourbon, princesse de Conti ; car l'un de ses émissaires lui en a vanté la beauté qui met la Cour en émoi (Louis XIV l'a eue de sa favorite Louise de La Vallière et l'a légitimée).


Notre monarque versaillais ignore négligemment la demande de Moulay Ismaïl - plutôt alliance stratégique contre l'Espagne que coup de foudre -, et lui offre en compensation, le rat, quelques horloges comtoises qui s'exposent encore dans le mausolée ci-dessus...




En même temps, se réduit en peau de chagrin l'espoir de négocier le rachat ou l'échange d'esclaves français capturés par les corsaires de Moulay (25 000 esclaves chrétiens en ces temps, dont plus de la moitié de français).

Tous esclaves bien sûr parfaitement traités : menacés du fouet, lourdement enchaînés, exposés au caprice meurtrier du sultan lui-même qui aurait tué de sa main 20 000 personnes (pas seulement esclaves) en 20 ans, et dont « l'un [des] divertissements ordinaires était de tirer son sabre en montant à cheval, et de couper la tête de l'esclave qui lui tenait l'étrier (Wikipédia). »



Après avoir pris Fès, le sultan choisit Meknès pour capitale de son empire et entreprend de grands travaux. 2 500 esclaves chrétiens et 30 000 de ses sujets y travaillent.

Il protège la ville par une enceinte de remparts de plus de 40 km, dotée à l'origine de 70 portes.

Les remparts, comme aussi quelques grands bassins d'irrigation, marquent son règne, quitte dans leur construction à en faire payer le prix fort aux esclaves chrétiens.


Partie de l'enceinte avec quelques portes, Meknès
Partie des remparts de Meknès, quelques portes et un marché qui se tient à l'extérieur

Mais là ne s'arrêtent pas ses oeuvres.

Il fait construire plusieurs palais à Meknès qui devaient concurrencer par leur faste le Versailles du Roi Soleil, pillant notamment les restes romains de Volubilis, comme l'avait déjà fait Yacoub el Mansour pour sa mosquée inachevée de Rabat, 5 siècles auparavant.


Il en reste plusieurs palais royaux dans la ville, dont le Palais El Mansour.


Bab El Mansour, l'une des portes monumentales d'accès au Palais El Mansour


Cette enfilade de voûtes est l'un des vestiges assez colossaux d'une autre de ses réalisations, les grandes écuries.


Elles pouvaient héberger jusqu'à 12 000 chevaux, attachés par 4 à 3 000 piliers. Les toits ainsi qu'un tiers des écuries sont détruits par le séisme lisboète de 1755.


joli nom que celui de l'ambassadeur de Louis XIV : François Pidou de St-Olon
Moulay Ismaïl reçoit dans le cadre des écuries l'ambassadeur de Louis XIV en 1693


Tout contre, les anciens silos à grain, de mêmes colossales dimensions, construits de murs en pisé de 4 m d'épaisseur maintenaient une température fraîche en été et tempérée en hiver. Ils s'emplissaient jusqu'au plafond.


l'immensité des volumes est un indice de la capacité d'entreposage des grains à Melnès
une partie des silos à grains de Meknès

Tout se dénombre par milliers, pour ce potentat mulâtre flamboyant et cruel, que ses contemporains disent cupide, avide, sans parole tenue, intraitable. Mais organisateur d'une armée redoutable pour unifier inexorablement son empire et le pacifier.


Autant de... qualités qui lui permettent d'atteindre son but, de la Méditerranée au Sénégal dans les années 1695, après avoir combattu sans les vaincre les ottomans plus à l'est (Alger), et, déchaîné, après avoir battu les chrétiens au nord (espagnols, anglais à Tanger) et les tribus berbères partout ailleurs.


Ainsi contre les Berbères en 1693, 12 000 de leurs têtes, 10 000 chevaux, 30 000 fusils lui sont apportés en trophée de guerre après une terrible bataille.


Pour le repos du guerrier, c'était aussi 500 femmes dans son harem ; elles seules peut-être pouvaient en venir à bout, le malheureux!!! Il en aurait eu plus d'un millier d'enfants.


A la manière des tyrans, son règne apporte stabilité et sécurité.

Mais ottomans, chrétiens et dissensions familiales auront raison de lui plus tard.


Cette porte de la ville exprime la puissance du seigneur.


l'une des portes (Bab el Khmiss) principales des remparts de Meknès



et en allant à Casablanca, Rabat, Fès, Marrakech,Volubilis....




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Un résumé lapidaire de l'histoire du Maroc


Carrefour géographique nord-sud à la limite continentale africaine vers l'Océan : le Maroc.

De tout temps, le Maghreb est habité par les Berbères (aussi nommés les Maures). Rien à voir avec les Arabes, futurs envahisseurs depuis l'Orient et l'Arabie.


Permanents mais nomades, ils côtoient plusieurs vagues d'envahisseurs au fil du temps, adoptant souvent leur religion, mais conservant une farouche autonomie dans la mosaïque des tribus toujours belliqueuses. Un trait d'union de toute l'histoire du Maghreb.


Qui sont les envahisseurs?


Dans l'Antiquité,

navire de guerre phénicien 7ème siècle avant JC

12ème siècle avant JC : les Phéniciens, marins commerçants vont au moins jusqu'au port d'Essaouira (anciennement Mogador).


5ème siècle avant JC : les Carthaginois sont là, forte puissance au nord de l'Afrique.


Fin du 4ème siècle avant JC : création au nord du Maroc du royaume de Maurétanie (et non "Mauritanie") par les Berbères.




Juba II

Du 2ème avant JC au 4ème après JC : les Romains consolident la Maurétanie tingitane (de Tanger).

Les dromadaires alors introduits (on n'utilisait jusque-là que le cheval) accroissent l'autonomie des tribus berbères.


Remarquable essor culturel, architectural et économique sous le règne de Juba II (époux de la fille de Cléopâtre et de Marc Antoine).


Et fondation de la ville romaine de Volubilis.

Volubilis, thermes et un arc de triomphe












Vers 439, prise de Carthage en Tunisie par les Vandales, qui, en chassant les Romains d'Occident en font la capitale de leur royaume, loin cependant de la Maurétanie tingitane.


533-534 : avec une puissante armée sous le commandement de son déjà fameux général Bélisaire (à gauche), l'empereur Romain d'Orient Justinien 1er le Byzantin (à droite) vainc les Vandales et les repousse hors de l'Afrique du Nord.

Cependant les Berbères, habitués de fait à une certaine autonomie résistent, se rebellent.



622 : an 1 de l'Hégire. D'Arabie commence la conquête en 640 vers l'ouest ; elle atteint la côte atlantique autour de 705 avec la soumission de tribus berbères.

Dès lors, le Maroc devient tête de pont de la conquête vers le nord et la péninsule ibérique, via le détroit de Gibraltar.


Mais l'immense empire arabe se gère mal. De fortes résistances apparaissent.

5 février 789 : Idriss ibn Abdallah, descendant du prophète - il est le petit-fils de sa fille -, fonde, sous le nom d'Idriss 1er la dynastie des Idrissides et la ville de Fès ; il rassemble les berbères du nord du Maroc.

C'est le 2ème royaume musulman après l'Andalousie à s'émanciper du califat de Bagdad. Dynastie qui éclate ensuite dans les successions.


1061 : des berbères nomades du Sahara occidental prennent possession du Maroc et fondent la dynastie des Almoravides qui se sont appropriés la religion musulmane ; fondateurs de Marrakech, ils conquièrent ensuite l'Andalousie.


Vers 1125 : une autre dynastie de berbères cette fois maurétaniens, les Almohades, musulmans intransigeants et puritains prennent le pouvoir, de l'Espagne jusqu'à la Lybie. Leur plus fameux sultan est Yacoub el Mansour. Mais les chrétiens tentent la reconquête. L'Empire est vaste et se distend.


1269 à 1421 : la dynastie des Mérinides lui succède, et refait l'unité du Maghreb, Nouvelles dissensions ; les portugais s'emparent de certains sites côtiers.


1472 à 1492 : la dynastie des Wattassides qui a pris le relais se heurte à l'apogée de la Reconquête chrétienne.

Après la Reconquista

1578 : les Saadiens, une autre dynastie arabe engage la guerre sainte contre les chrétiens, bat les portugais, prend vers le sud Tombouctou en 1591 et le Mali ; elle s'enrichit en contrôlant de mines de sel, d'or, et en renforçant la traite des esclaves d'Afrique noire.


Vers 1660 : la dynastie Alaouite (descendants d'Ali, gendre du prophète) dont les membres mènent une vie pauvre, méditative et vertueuse prend le pouvoir.


1672 à 1727 : de la même dynastie Alaouite, contemporain de Louis XIV, le roi Moulay Ismaïl réorganise le Maroc, lutte contre les tribus berbères insoumises, les turcs ottomans, les chrétiens. On le surnommait "l'Assoiffé de sang".


L'époque moderne

Avec la peste au début du 19ème et le déclin de l'économie, le Maroc se replie sur lui-même et s'expose aux ambitions européennes d'expansion.


1912 : protectorat français . Lyautey assure le rôle de résident général (gouverneur). Avec un grand respect de l'islam, il se porte garant des valeurs traditionnelles du pays, intégrant dans sa réorganisation les notables locaux. Honoré encore par les marocains, sa situation est particulière dans l'histoire de l'époque coloniale française.

1925 : prédisant "le détachement" naturel du Maroc, il est aussitôt exclu par le gouvernement français.


2 mars 1956 : indépendance du Maroc, sans trop de douleur de part et d'autre, à la différence de l'Algérie par exemple ; ce qu'explique peut-être l'attitude de Lyautey gouverneur.

Les Résidents qui lui ont succédé, moins sagaces, moins intelligents, tentent d'opposer berbères et arabes avec la complicité du Glaoui riche pacha berbère allié de la France, suscitant en réaction l'engagement des USA aux côtés de Mohammed V pour l'indépendance.


Le roi actuel Mohammed VI, son père Hassan II sont les représentants et descendants directs de la dynastie des Alaouites, d'où leur titre de "Commandeur des croyants", qui leur donne une certaine légitimité religieuse dans l'ensemble du monde musulman même encore aujourd'hui.


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