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Photo du rédacteurJean Lacroix

Dans la série des "cités impériales" du Maroc, voici, voici à Rabat...

Dernière mise à jour : 12 mai 2022

... les restes d'une fantomatique mosquée inachevée et le mausolée de Mohammed V



Au Maroc, confins d'Afrique, porte d'Europe, les "cités impériales" sont celles qui, au fil des dynasties successives ont été capitale du pays : Rabat, Meknès, Fès, Marrakech.... Casablanca n'en a pas été, mais mérite un détour.


Nos visites datent de novembre 2010, dans un circuit accompli au pas de course, l'allure d'une fantasia, presqu'en apnée.



Rabat, aujourd'hui capitale politique et administrative du Maroc, aérée, agréable, percée de larges avenues, paraît propre et plus ordonnée qu'ailleurs.


Elle est déjà capitale du Maroc à la fin du 12ème siècle.

Salé, sa voisine immédiate et presque jumelle, au point qu'on les confond parfois, est un fief de fameux corsaires au 18ème siècle, mais un comptoir phénicien bien avant.



Fondée en 1150, Rabat est une citadelle que le sultan Abou Yousouf Yacoub el Mansour (1184-1199) de la dynastie des Almohades, aussi calife d'occident, allié de Saladin en Egypte, consolide par d'immenses remparts.


Il la nomme "forteresse de la Conquête", "Ribat al Fath" d'où vient son nom, Rabat.

Les remparts de Rabat, avec leurs créneaux à merlons pointus, typiques de l'art almohade
Rabat, les fortifications ocres ceinturent une partie de la ville

Car le calife en fait la base de départ des expéditions vers Al-Andalous, pour s'opposer aux chrétiens qui, là-bas, depuis le nord ibère veulent le reconquérir.


Puritain et austère, il veut abattre la dynastie précédente des Almoravides, amollie par les douceurs d'un siècle de vie en Andalousie qu'ils ont conquise en 1080. Refoulés par les chrétiens, réfugiés aux Baléares, Yacoub el Mansour les combat aussi au Maghreb.


On le surnomme "el Mansour" (victorieux par dieu) après qu'il ait défait les chrétiens à Alarcos (pas une défaite, un désastre dit-on en Espagne) au sud de Tolède, rassemblés sous la bannière d'Alphonse VIII de Castille (le papa de Blanche et donc grand-père de St-Louis - le monde est petit -).


Dans cette bataille, son butin, tentes, chevaux, cottes de maille, épées,... est si extraordinaire qu'il l'étonne lui-même ; il se chiffre par dizaine de milliers d'unités.


Mais c'est aussi le dernier grand exploit militaire (représentation façon BD ci-dessus) des musulmans en Espagne, avant la Reconquista finale en 1492.


Son plus illustre contemporain est le très fameux philosophe, médecin, juriste, mathématicien, théologien Averroès, (Abou Walid Mohammad Ibn Rushd de son nom arabe complet) né à Cordoue en 1126, trop éclairé, qu'il bannit ensuite et qui meurt à Marrakech en 1198.



très célèbre et fameux savant musulman, Averroès, au même titre que son contemporain juif Maïmonide
Averroès, tel que le représente Raphaël dans un détail du tableau "L'école d'Athènes"

La tour Hassan et ce parterre d'alignement de colonnes sont ce qu'il reste du rêve grandiose de Yacoub el Mansour : rien de moins que la plus grande mosquée du monde.


Elle devait concurrencer en dimensions la Koutoubia de Marrakech, la Giralda de Séville (mais pas de mention de celle de Cordoue, la Mezquita, pourtant bien antérieure et elle aussi immense, ni de celle de Kairouan en Tunisie).

alignements de colonnes de la mosquée inachevée de Rabat et la tour Hassan
vestiges d'une mosquée inachevée et son minaret raccouci, Rabat

Les travaux s'arrêtent à sa mort en 1199. Six siècles plus tard, le grand tremblement de terre de Lisbonne fin 1755 fige le site dans sa configuration actuelle, avec son minaret de 44m de haut, lui qui devait atteindre 60 ou 80 mètres (selon les sources...).

Certaines de ces colonnes proviennent du site romain de Volubilis.


D'une autre manière, le roi Hassan II en a repris l'ambition à Casablanca.


esplanade des colonnes de la mosquée inachevée de Rabat
Rabat, voilà un jeu de quilles sur mer dont on ne se lasse pas

Les alignements de piliers tronqués dont la perspective s'échappe vers l'océan sont une invitation au rêve, à l'envol.

Superbe site que jalousent les colonnes de Buren à Paris ; petites, mesquines et sans élan ni autre perspective que les murs intérieurs du Palais Royal.




Tout contre, sous un ciel très lourd d'une Toussaint coranique se dresse le mausolée Mohammed V, grand-père du roi actuel, un chef-d'oeuvre de l'art marocain traditionnel, dont l'entrée se pare de gardes à cheval.




Luxe et raffinement, matériaux nobles avec le sarcophage d'onyx blanc, sous la coupole immense d'acajou et de cèdre du Liban.



et en allant à Casablanca, Meknès, Fès, Marrakech, Volubilis...


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Un résumé lapidaire de l'histoire du Maroc


Carrefour géographique nord-sud à la limite continentale africaine vers l'Océan : le Maroc.

De tout temps, le Maghreb est habité par les Berbères (aussi nommés les Maures). Rien à voir avec les Arabes, futurs envahisseurs depuis l'Orient et l'Arabie.


Permanents mais nomades, ils côtoient plusieurs vagues d'envahisseurs au fil du temps, adoptant souvent leur religion, mais conservant une farouche autonomie dans la mosaïque des tribus toujours belliqueuses. Un trait d'union de toute l'histoire du Maghreb.


Qui sont les envahisseurs?


Dans l'Antiquité,

navire de guerre phénicien 7ème siècle avant JC

12ème siècle avant JC : les Phéniciens, marins commerçants vont au moins jusqu'au port d'Essaouira (anciennement Mogador).


5ème siècle avant JC : les Carthaginois sont là, forte puissance au nord de l'Afrique.


Fin du 4ème siècle avant JC : création au nord du Maroc du royaume de Maurétanie (et non "Mauritanie") par les Berbères.




Juba II

Du 2ème avant JC au 4ème après JC : les Romains consolident la Maurétanie tingitane (de Tanger).

Les dromadaires alors introduits (on n'utilisait jusque-là que le cheval) accroissent l'autonomie des tribus berbères.


Remarquable essor culturel, architectural et économique sous le règne de Juba II (époux de la fille de Cléopâtre et de Marc Antoine).


Et fondation de la ville de Volubilis.

Volubilis, thermes et un arc de triomphe












Vers 439, prise de Carthage en Tunisie par les Vandales, qui, en chassant les Romains d'Occident en font la capitale de leur royaume, loin cependant de la Maurétanie tingitane.


533-534 : avec une puissante armée sous le commandement de son déjà fameux général Bélisaire (à gauche), l'empereur Romain d'Orient Justinien 1er le Byzantin (à droite) vainc les Vandales et les repousse hors de l'Afrique du Nord.

Cependant les Berbères, habitués de fait à une certaine autonomie résistent, se rebellent.



622 : an 1 de l'Hégire. D'Arabie commence la conquête en 640 vers l'ouest ; elle atteint la côte atlantique autour de 705 avec la soumission de tribus berbères.

Dès lors, le Maroc devient tête de pont de la conquête vers le nord et la péninsule ibérique, via le détroit de Gibraltar.


Mais l'immense empire arabe se gère mal. De fortes résistances apparaissent.

5 février 789 : Idriss ibn Abdallah, descendant du prophète - il est le petit-fils de sa fille -, fonde, sous le nom d'Idriss 1er la dynastie des Idrissides et la ville de Fès ; il rassemble les berbères du nord du Maroc.

C'est le 2ème royaume musulman après l'Andalousie à s'émanciper du califat de Bagdad. Dynastie qui éclate ensuite dans les successions.


1061 : des berbères nomades du Sahara occidental prennent possession du Maroc et fondent la dynastie des Almoravides qui se sont appropriés la religion musulmane ; fondateurs de Marrakech, ils conquièrent ensuite l'Andalousie.


Vers 1125 : une autre dynastie de berbères cette fois maurétaniens, les Almohades, musulmans intransigeants et puritains prennent le pouvoir, de l'Espagne jusqu'à la Lybie. Leur plus fameux sultan est Yacoub el Mansour. Mais les chrétiens tentent la reconquête. L'Empire est vaste et se distend.


1269 à 1421 : la dynastie des Mérinides lui succède, et refait l'unité du Maghreb, Nouvelles dissensions ; les portugais s'emparent de certains sites côtiers.


1472 à 1492 : la dynastie des Wattassides qui a pris le relais se heurte à l'apogée de la Reconquête chrétienne.

Après la Reconquista

1578 : les Saadiens, une autre dynastie arabe engage la guerre sainte contre les chrétiens, bat les portugais, prend vers le sud Tombouctou en 1591 et le Mali ; elle s'enrichit en contrôlant de mines de sel, d'or, et en renforçant la traite des esclaves d'Afrique noire.


Vers 1660 : la dynastie Alaouite (descendants d'Ali, gendre du prophète) dont les membres mènent une vie pauvre, méditative et vertueuse prend le pouvoir.


1672 à 1727 : de la même dynastie Alaouite, contemporain de Louis XIV, le roi Moulay Ismaïl réorganise le Maroc, lutte contre les tribus berbères insoumises, les turcs ottomans, les chrétiens. On le surnommait "l'Assoiffé de sang".


L'époque moderne

Avec la peste au début du 19ème et le déclin de l'économie, le Maroc se replie sur lui-même et s'expose aux ambitions européennes d'expansion.


1912 : protectorat français . Lyautey assure le rôle de résident général (gouverneur). Avec un grand respect de l'islam, il se porte garant des valeurs traditionnelles du pays, intégrant dans sa réorganisation les notables locaux. Honoré encore par les marocains, sa situation est particulière dans l'histoire de l'époque coloniale française.

1925 : prédisant "le détachement" naturel du Maroc, il est aussitôt exclu par le gouvernement français.


2 mars 1956 : indépendance du Maroc, sans trop de douleur de part et d'autre, à la différence de l'Algérie par exemple ; ce qu'explique peut-être l'attitude de Lyautey gouverneur.

Les Résidents qui lui ont succédé, moins sagaces, moins intelligents, tentent d'opposer berbères et arabes avec la complicité du Glaoui riche pacha berbère allié de la France, suscitant en réaction l'engagement des USA aux côtés de Mohammed V pour l'indépendance.


Le roi actuel Mohammed VI, son père Hassan II sont les représentants et descendants directs de la dynastie des Alaouites, d'où leur titre de "Commandeur des croyants", qui leur donne une certaine légitimité religieuse dans l'ensemble du monde musulman même encore aujourd'hui.

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