Réserve forestière de Sinharaja, Sri Lanka sud, mars 2017
En visite dans le Parc national de Sinharaja (centre-sud de l'île de Sri Lanka ; mais on aimait bien aussi "Ceylan").
Le premier contact, parvenus à l’entrée du parc avec notre agréable et très réservée guide féminine (seule au milieu d’un petit groupe d’autres guides masculins) est avec... les sangsues, faute de n'avoir pas lu assez tôt les consignes pour se couvrir le corps.
On s’en débarrasse à grandes claques sur le mollet et dans le cou (affamés du sang frais des touristes, ces mini-vampires tortillants tombent-ils aussi des arbres?), puis en appliquant le fameux « baume du tigre », que l’on trouve aussi dans les magasins asiatiques de Paris XIIIème ; douteuse efficacité.
Ce beau petit parcours facile emprunte une piste accidentée traversée de petits torrents (on le nomme ici le "Maluwella Trail", bien pompeusement par rapport à ses 2 km).
Il est peut-être plus impressionnant par la richesse de la flore que par la faune.
Dense, exubérante, la forêt est inextricable.
La végétation est d'une extrême diversité dans une humidité persistante, très habituelle sous ces latitudes à petite altitude (vers 400 mètres).
Par exemple, ce sont des fougères en crosse d'évêque - si monumentales qu'elles en deviennent papales -, des lianes en hélice, robustes comme des foreuses de sol, des gobe-mouches.
Dans la pénombre se cachent des caféiers sauvages dont les grains rouges recherchent le soleil, du rotin, courant au sol en longues boucles qui entravent le chemin, s'enchevêtrent comme un piège de braconnier ou un gigantesque noeud coulant.
De solides et très rectilignes troncs d'arbres inconnus cherchent plus de lumière tout là-haut ; les feuilles rétractiles (sensitives) de cette plante bien connue sous les tropiques n'attendent que la caresse du doigt pour se refermer.
C'est aussi la diversité habituelle et naturelle de délicates orchidées sauvages, de nénuphars (lotus?) qui, sans être narcisses, se mirent en mares d'eau vive où frétillent de petits poissons.
De la faune, sur la route qui mène à la Réserve, c'est d'abord un beau varan qui traverse la piste en se tortillant à sa manière.
A l'entrée de la Réserve, un lézard décharné -mais pourtant bien vivant- sera resté parfaitement immobile après notre retour, figé comme un phasme sur sa branche.
Quelques autres lézards poseurs, presque cabotins, prennent le soleil en se prenant pour des caméléons, voire (avec plus de prétention) des iguanes, qu'ils ne sont pas.
D'une sorte de fin et très long orvet vert, inoffensif, notre guide se fait un bracelet vivant.
Ailleurs, une plus longue couleuvre bronze ondule en s'éloignant, puis un autre serpent vert, plus furtif duquel notre guide recommande de rester à l'écart, se love sous les feuilles.
Et aussi de beaux papillons, d'énormes escargots, des sauterelles...
Une araignée dévore sans hâte sa proie sur sa toile,
... pendant qu'un merveilleux et long scolopendre (?) de 20 cm, mille pattes blanches et anneaux noirs luisants défile tranquillement à quelques pas, nouvelle matière à nos cauchemars.
Au fond, sous ce climat tropical, rien que d’assez banal.
Pourtant, en fin de visite, sans qu'on y prenne garde et que rien ne l'annonce, dans le silence pesant de la jungle (?) que ne traversent que les chants des oiseaux, au recoin de la piste, l'angoisse nous étreint soudain :
un animal surgit, impressionnant, sauvage d'entre les sauvages.
Tremblons, mais courage, ne fuyons pas !!
Endémique du Sri Lanka, dont il serait l'un des emblèmes nationaux, tous ergots dehors, il déambule sur les pistes à distance condescendante de sa femelle : un gallinacé de la plus pure espèce, et qui de plus ici prend un nom presque gaulois : c'est.... "le Coq de Lafayette".
Qui devient dans l’anglais cinghalais le « junglefowl », « la volaille de la jungle » ; de quoi rabattre son caquet.
Couleurs éclatantes, plumes striées, taille modeste, il a l'oeil dur, fulminant, le jabot rengorgé qui se rehausse et la patte affairée des petits dominants à qui l'on n'en compte pas. Avec un je-ne-sais-quoi de sarkozien plastronnant.
Et... vraiment sauvage, s'éloignant à distance suffisante de nous quand nous tentons de nous en approcher.
Son nom lui est attribué par l'ornithologue français René Primevère Lesson en 1831.
Hommage ou dérision?
Car notre marquis de Lafayette, fameux héros transatlantique, était assez méprisé en France en son temps, et bien sûr acclamé aux USA de l'époque (en tout cas bien avantagé par la perruque quand on compare les deux portraits).
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