En mettant de côté, car le choix est grand, d’autres lieux de cette heureuse région de l’abbaye de Thélème, d’architecture et d’histoire, de douceur de vivre et de fameux rosés, à mi-chemin entre Orléans et Tours, voici Blois.
Un peu d'histoire resplendissante
Blois a vu passer l’histoire ; elle est même capitale du royaume de France sous Louis XII de 1498 à 1526.
A la Renaissance, elle attire les puissants comme sa voisine Amboise.
Le plus glorieux, élevé par ici entre sa sœur Marguerite de Navarre, (future grand-mère de Henri IV) et sa mère, est un Valois, François d’Angoulême, devenu François 1er en 1515 à la mort de son beau-père Louis XII.
L’engouement de l’Angoumois pour le Val de Loire et la proche "douceur angevine" est proverbial.
Connu pour avoir voulu, dans la foulée de Louis XII, s'approprier le Piémont italien au prétexte d'un ancien héritage, François 1er combat longuement son alter ego hispano-saxon Charles Quint (Charles V), le Habsbourg, tronche acérée et menton prognathe, que la barbe avantagera plus tard.
François en jalouse le pouvoir (l'empire "sur lequel le soleil ne se couche jamais") et le prestige quand il est élu en 1519 22ème Empereur du St-Empire Romain Germanique ("Empereur des Romains"). Il partage cependant avec lui la pratique du français que le second a eu pour langue maternelle à la Cour de Bourgogne en Flandre, Bourgogne héritée de son arrière-grand-père Charles le Téméraire, et qu'il essaiera vainement de reprendre à la France.
Adversaires au point que François s'allie durablement contre lui avec Soliman le Magnifique (magnifique? enfin,... surtout le turban) et ses Ottomans, parfois avec le protestant Henry VIII, que Charles Quint courtise aussi.
Son règne, celui de ses deux descendants, Henri II son fils et Henri III son petit-fils, s’empêtrent ensuite dans la furie-folie meurtrière des Guerres de Religion. Jusqu’à l’arrivée du Bourbon navarrais, Henri IV.
Blois, une ville où il faisait bon vivre... et achever sa vie ; Catherine de Médicis, femme de Henri II vient y mourir, juste un peu après que les Guise, chefs de la Ligue catholique, y soient assassinés en décembre 1588 sur ordre de son fils Henri III.
Avec la phrase célèbre que l'on prête à Henri III après le meurtre d'Henri de Guise "le Balafré" qui - comme François 1er- mesurait près de 2 mètres : "il est plus grand mort que vivant".
C'est en tout cas ici le long du fleuve sauvage que François 1er construit à tout va avec magnificence, quitte à ruiner le royaume, attirant autour de lui les meilleurs artistes de l'époque notamment italiens, jusqu'au grand Léonard (au Clos-Lucé à Amboise).
Trois autres notoriétés locales... et un peu de magie
Plus tard y naît en voisinage Denis Papin (1647-1713).
Ses inventions, celle du piston à vapeur tiennent en ce temps de la magie. Pourtant, il ne trouve oreille attentive qu'en Angleterre auprès de Boyle après avoir fréquenté, excusez du peu, Huygens et Leibniz à Paris.
La superbe volée d'escalier de 120 marches dans l'axe du Pont Garnier porte son nom que domine une stèle l'honorant. On y représente en perspective globale sur les contremarches des "visuels" spectaculaires depuis 2013.
Blois est-elle ville de prodiges et d'illusions?
Car, autre illustre Blésois, voici celui qui se surnomme Houdin (1805-1871) né Robert, - Jean-Eugène Robert Houdin - horloger, créateur d'automates.
Il devient si fameux magicien qu'on le tient pour le père de la prestidigitation ; et qu'il a son musée ici.
Gardons-nous cependant d'une autre illusion. Notre Robert Houdin et Harry Houdini, né Weiss, hongrois émigré aux USA, né en 1874, autre célèbre illusionniste qui connaissait le premier et prend ce nom pour lui rendre hommage, n'étaient pas une seule et même personne.
Né dans les parages de Blois en 1825, voici aussi Auguste Poulain, celui, mais si, mais si, du fameux chocolat, qu'il commercialise dès 1848 ici.
Notre confiseur en fera le produit gourmand avec le succès que l'on sait en France.
Coïncidence, sa 1ère boutique se tient dans la maison de naissance même de Robert Houdin. De là à ce que la saveur du cacao ne soit qu'une illusion du goût...
Toits d'ardoise et maisons à colombages
Blois, ville haute sur côteau calcaire de 70 à 100 mètres, ville basse et rives sur alluvions. Blois dont le nom proviendrait du vieux gaulois signifiant « loup ».
La haute colline nord, bleutée de toits d’ardoise qui se mirent sur la rivière vivante s’identifie par ses deux monumentales églises, l'église St-Nicolas en basse rive, hérissée de clochers acérés, l'autre sur la colline un peu en amont, la cathédrale St-Louis avec son clocher unique à dôme surmonté d'une lanternon, qui dominent fièrement la Loire.
La cathédrale, vue d'en bas, et vue du plateau depuis l'arrière
Dans ses rues, d'intéressantes maisons à colombages et petits encorbellements.
La façade de l'une d'elles, dite Maison des Acrobates rue Pierre-de-Blois s'orne de sculptures originales, réalistes, profanes, intactes après restauration, probablement inspirées de fabliaux acerbes et peut-être grivois du Moyen Âge. Elle daterait du règne de Louis XI.
Le château royal (les châteaux royaux)
La noblesse et le roi côtoyaient le peuple ; en tout cas de leurs hauteurs distantes.
En gravissant la pente depuis l'esplanade à l'ouest, une belle façade de brique et de pierre blanche se déploie, gothique flamboyant du 1er château royal, celui de Louis XII, le fils malmené de Louis XI.
Louis XII y est représenté en statue équestre à l'amble, superbe et assez réaliste, reproduction fidèle faite en 1857 de la statue originale abattue à la Révolution, mais où la coiffe initiale (un béret dit-on, mais quelle sorte de béret?) a été remplacée par la couronne.
La vaste place intérieure des châteaux est un livre ouvert où s'illustrent in situ trois architectures successives dans le sens des aiguilles d'une montre et en remontant le temps : le classicisme (aile Gaston d'Orléans), le style Renaissance (avec l'escalier monumental et dominant la ville vers l'extérieur la vaste façade dite des Loges) et le gothique flamboyant (aile Louis XII).
Dans la partie Renaissance, le fameux escalier ajouré, balcons en hélice, d'où l'on voyait et on était vu est un chef-d’œuvre de la Renaissance, prémices de celui, beaucoup plus virtuose du château de Chambord.
... un moucharabieh façon Renaissance.
Les très vastes pièces restaurées de la Salle des Etats sont d’une grande et noble richesse décorative.
Henri III (très belle mine enjouée ci-contre) y réunit là les Etats généraux d'octobre 1588 à janvier 1589 au prétexte de lever des fonds.
De fait, la tension est extrême entre lui et la Ligue catholique de Henri de Guise lors de la 8ème guerre de religion.
Elle lui reproche de ne pas combattre avec assez de vigueur le protestantisme et son chef le huguenot Henri de Navarre, devenu dans l'intervalle prétendant au trône du royaume. Car Henri III dont l'épouse Louise de Lorraine ne fait que des fausses couches est sans descendant, et son frère François meurt en 1584.
Très accaparé par son intelligence du pouvoir, il la partage avec la noblesse "moyenne", les mignons, contre la 1ère noblesse, déjà très puissante et vite haïe.
Si son homo (ou bi) sexualité, moquée par ses ennemis est probable, elle n'est pas historiquement prouvée.
Avant d'être délaissé sous Louis XIV, le château de Blois hébergera entre 1499 et 1620 d'illustres personnages comme César Borgia, Machiavel, Charles Quint lui-même, Ronsard, Marie Stuart, l'amiral Coligny, Henri IV en pointillé, mais aussi accueillera de fastueux mariages, la tenue d'Etats généraux par Henri III, et sera scène de l'assassinat des frères de Guise.
Ailleurs la Halle aux Grains, beau bâtiment de 1850 est à quelques pas d'un double château d'eau d'architecture originale au sujet duquel on ne trouve aucune information.
Les rives agréablement aménagées permettent de très longues balades à vélo, d'où l'on aperçoit en passant une reconstitution d'une gabare ancienne à voile carrée rouge.
Petite manie des emblèmes animaliers royaux
Les personnages royaux aimaient retenir pour emblème un animal, pour de supposées qualités légendaires qu'ils reprenaient à leur compte.
Pour certains, c'est l'abeille (Childéric, père de Clovis, puis Napoléon 1er qui la partagera avec l'aigle), le crapaud pour Clovis lui-même, le facile et bien prétentieux lion pour Louis VIII et Charles V le Sage...
A Blois, c'est naturellement l'hermine, symbole de pureté, qui revient à Anne de Bretagne, épouse de Louis XII. Elle est en effet déjà l'emblème de la Bretagne, dont le motif héraldique se retrouve sur le drapeau breton.
Pour le roi Louis XII lui-même, c'est le porc-épic (ou le hérisson) avec la devise "qui s'y frotte s'y pique".
Pour son gendre François 1er, c'est la fameuse salamandre, dont on disait alors non seulement qu'elle naissait des flammes, ou qu'elle pouvait en survivre, mais que son seul regard tuait.
Symbole foudroyant.
Près de trois siècles auparavant, si d'aventure Marco Polo avait connu dans l'empire du Milieu le panda géant, François 1er l'aurait-il pour autant adopté comme symbole royal plutôt que la salamandre?
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Trop chou et trop cabotin, comme on le voit à Beauval.
Même s'il est le symbole aujourd'hui du WWF.
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