Québec,
Sillery, Ste-Foy
et bribes de mémoire
Depuis l'autoroute des Laurentides vers le Sud apparaît enfin, au-delà de la vaste vallée de la rivière St-Charles, la longue crête est-ouest de l'éperon de Québec, qui s'étire depuis Sillery et Ste-Foy jusqu'à la Vieille Ville de Québec. Il faut tendre le cou à gauche pour apercevoir depuis la route les masses du château Frontenac.
Après avoir franchi la vallée, la remontée se fait par une rue très pentue avec un décrochement à droite, puis à gauche vers le plateau en passant au pied d'un immeuble religieux ancien très massif. Mais impossible de retrouver le parcours et le nom des rues, même sur Google Maps!
Je me souviens, il y a 50 ans, de cette route l'hiver, salée et luisante, où vrombissaient les moteurs V8 des américaines de l'époque. Les petites voitures européennes à traction avant se tiraient beaucoup mieux d'affaire quand il fallait gravir une pente glissante. Les énormes américaines à propulsion arrière chassaient et tournaient sur elles-mêmes.
Notre hébergement est au 1365 du boulevard René Lévesque Ouest. Il y a 50 ans, il s'appelait "boulevard St-Cyrille", puisque la notoriété de René Lévesque et du Parti Québécois ne prend tout son essor que dans les années 70-75 et qu'il est d'usage de ne nommer ainsi les rues qu'avec un peu de recul et quand il s'agit d'une personnalité, de ne le faire qu'à titre titre posthume.
Hébergement qui, sans accabler qui que ce soit, ne vaut que par l'agrément de l'accueil ; la chambre laisse ici beaucoup à désirer, loin des beaux "condos" rencontrés jusque-là. Mais nous sommes à Québec la ville, ou en tout cas sa banlieue proche.
L'agglomération s'est densifiée et des buildings modernes et élevés sont apparus sur l'axe de l'autre grand boulevard quasiment parallèle au boulevard René Lévesque, le boulevard Laurier.
Je reconnais sans peine le grand et long plateau, avec ses rues et boulevards qui convergent progressivement en faisceau vers la Vieille Ville.
Le principe des maisons individuelles espacées, qui, quand on se rapproche de la Vieille Ville laisse de plus en plus place à de petits immeubles, a été maintenu.
Si bien qu'il subsiste une impression d'harmonie aérée, d'autant plus que les rues et les maisons s'agrémentent depuis longtemps d'arbres vénérables et fournis ; et toujours ce gazon parfait qui ne connaît pas les clôtures. Dans cette partie de la banlieue assez proche de Québec, les maisons sont plutôt cossues, de belle valeur marchande ; les habitants en apprécient le calme dès qu'on aborde les rues transverses qui éloignent des grands boulevards.
Sans quitter notre bd René Lévesque un peu vers l'Ouest, voici ce bâtiment à l'architecture hardiment néo-médiévale, jusqu'aux toits de tours en poivrier et une sorte de tour-donjon étroite.
Construite en 1929, ce fut jusqu'en 1992 une prison pour les femmes, qu'on appelait la Maison Gomin, du nom du propriétaire du terrain aux premiers temps de la Nouvelle-France.
Aujour'hui, modernisée, jouxtant un beau parc public, elle se partage entre des "condos", une entreprise funéraire et la Ville de Québec.
Tant qu'à aborder le registre pénitentiaire ancien, soulignons dans la Vieille Ville, au sous-sol d'une superbe et vénérable bibliothèque anglophone, une ancienne prison commune, avec ses cachots et ses voûtes, qui impressionne le touriste par les conditions dans lesquelles survivaient les personnes emprisonnées. Pourtant, les promoteurs de l'époque s'inspirent des idées du réformateur des prisons britanniques John Howard, qui avait connu l'horreur des vieilles prisons anglaises. Là, on a tenté d'introduire des concepts d'emprisonnement plus éclairés : cellules individuelles la nuit, travaux forcés en espace commun le jour, éducation. Mais la prison se remplit top vite avec l'abaissement du niveau des infractions. La prison, ouverte en 1812 ferme finalement ses portes en 1868. Elle est maintenant devenue un musée pénitentiaire.
Un éminent médecin écossais qui fut aussi maire de Québec, Joseph Morrin crée dans ce bâtiment dont il rénove la partie supérieure le Collège qui porte son nom en 1862. Mais surtout, l'aile nord de ce Collège accueille en 1868 la "Litterary and Historical Society of Québec", première société savante du Canada, fondée en 1824. Et c'est en toute logique que dans le Morrin Centre se loge cette assez belle bibliothèque anglaise qui rassemble des ouvrages remontant au 16ème siècle, fréquentée par quelques lecteurs onctueux confortablement installés dans des fauteuils moelleux.
Tout de même, curieuse entrée en matière pour visiter Québec, où l'on commence par le pire imaginable pour les francophones, les deux enfermements que sont la prison, et l'Anglais!!
Partons maintenant à la recherche des traces de mémoire d'il y a 50 ans.
A Ste-Foy, plusieurs sites m'interpellent, au moins deux adresses où j'ai vécu, l'Université Laval où j'ai poursuivi sans jamais les rattraper quelques études scientifiques bientôt avortées et abandonnées (il en faut parfois du temps pour constater ses propres incompétences), et les centres commerciaux de Place Ste-Foy et de Place Laurier.
Pour n'avoir pas suffisamment préparé la visite, ce n'est qu'au retour en fouillant Google Maps que je finis par retrouver la 1ère adresse où j'ai vécu, rue Lamberville, ce nom banal mais qui sonne maintenant pour moi comme une évidence, au pied de la colline nord. Impossible de le retrouver en direct lors de notre passage, faute d'avoir recherché préalablement le nom de la rue.
Depuis cette adresse, il suffisait de remonter directement sur le plateau de la Place Ste-Foy où étaient employés des poignées de jeunes coopérants français, pour le compte du Ministère de l'Education Nationale du Québec, sur la durée d'alors du service militaire français qui était de 16 mois je crois, dans un immeuble moderne aménagé en "open space", dirait-on aujourd'hui, avec toilettes en mezzanine. Voilà l'opportunité que nous avions eue, et que nous avions saisie, alors que s'achevaient les derniers remous de la "révolution" de mai 68 en France. Ce choix bien antérieur ne pouvait d'ailleurs avoir été guidé par ces événements.
La 2ème adresse est celle qui se trouve en face de l'entrée Nord de l'Université Laval, au 2280 Chemin Ste-Foy, dans deux immeubles d'habitation habillés de brique bordeaux, que j'ai littéralement vu se construire vers 1970. Les étages se construisaient un par un (La Palisse aurait-il mieux dit?), et l'hiver venant, les travaux en cours étaient enveloppés d'une bulle de bâches à l'intérieur de laquelle ils pouvaient se poursuivre même en soirée. Pompeusement, le site s'appelait "Place Versailles" et conserve ce nom aujourd'hui. Il avait le principal avantage de se trouver juste en face de l'Université. Il est probablement devenu une sorte de résidence pour les étudiants, parmi d'autres dans les parages.
On pouvait atteindre les locaux de l'Université par l'extérieur, ou bien l'hiver par les tunnels, au travers du grand "blockhaus" qui est le centre sportif de l'Université (le Pavillon de l'Education Physique et des sports) et qui venait lui aussi d'être construit. Dont les lignes modernes n'ont pas pris une ride.
Certains bâtiments de l'Université se retrouvent, comme sur la rue du Séminaire par exemple le grand centre sportif souterrain -déjà cité- à droite vers le sud, et l'immense bâtiment à gauche, bien dégagé, qui est maintenant la Faculté de Musique. Mais d'autres bâtiments ont été ajoutés, comme cette "cathédrale laïque" qui abrite notamment des commerces et des restaurants dans une ambiance campus totalement actuelle et dynamique. Dans le périmètre forcément contraint de l'Université, les Facultés semblent s'être multipliées et diversifiées, complétées.
Aussi, il a fallu chercher un peu dans les recoins pour retrouver l'accélérateur (de particules) Van de Graaff, totalement inopérant depuis longtemps, à-demi recouvert de lierre comme un vestige en ruine, silo de béton remarquable par sa forme légèrement conique écrêtée et par sa hauteur ; il semblait être conservé justement comme un témoin scientifique du temps passé, mon temps, celui où il venait à peine d'être construit.
Mais pas du tout, malgré son apparence désuète, je découvre qu'il héberge depuis 2009 un concept original de supercalculateur de traitement des données qu'on appelle le "Colosse de Québec", l'une des 4 plateformes informatiques canadiennes pour la recherche. Belle reconversion.
Puis dans le prolongement, je reconnais comme une évidence, plus épurée que dans mon souvenir, une longueur de façade ajourée dans laquelle les moineaux l'hiver piaillaient avec enthousiasme, heureux d'y trouver de la chaleur. Quelque part là devaient se situer mon bureau d'étudiant et le laboratoire en sous-sol, que je suis incapable de situer rétrospectivement. ; ni même l'ancienne et déjà efficace bibliothèque ou le restaurant universitaire d'antan. Tout cela appartient aujourd'hui encore à la Faculté des Sciences... et de Génie.
Tout est plus resserré, malgré de très grands parkings. Les espaces d'avant ont été grignotés, par la "cathédrale" moderne, par plusieurs terrains de sport externes contre le blockaus, pour le football canadien, le base-ball. C'est là, sous les bouleaux qu'on fêtait la St-Jean sur le gazon sec du campus un peu comme à la campagne, mais en ces temps, mâtinée de "peace and love" soixante-huitard, cheveux longs et pantalon pat d'eph.
Ce qui paraissait immense et bucolique, aujourd'hui encore vivable et bien agréable, se trouve cependant vite borné par l'urbanisation environnante, discrètement envahissante.
Mais le prisme subjectif de la mémoire ne déforme-t-il pas trop à son avantage le souvenir?
Du centre commercial de Place Ste-Foy, ou bien est-ce Place Laurier, hormis l'emplacement, tout a changé, s'est développé de toutes parts.
Seule une volée de puissantes arcades, celles du grand magasin "Simpson Sears" de Place Laurier rejoint ma mémoire.
A comparer, les innombrables boutiques et surfaces commerciales semblent se retenir de sobriété, par rapport à leur équivalent parisien. Le prestige et la déraison des fastes commerciaux se font-ils plus sentir à Montréal?
Enfin, foin des introspections de comptoir de bar!!
Voyons la suite où Québec la ville se retrouve.
Québec l'attachante,
moderne et historique
Alors qu'on tente pourtant d'objectiver, voilà qu'irrésistiblement la mémoire affleure et vient titiller le conscient.
Au total, peut-être la modestie des moyens de l'époque, l'indisponibilité de la trépidante jeunesse, des pôles d'intérêt éloignés du tourisme ou le fait qu'il était encore peu développé, autant de raisons pour n'avoir apprécié la ville qu'avec grande retenue. Alors que Québec aujourd'hui semble intensément plus restaurée, colorée, repeinte, mise en valeur, agréablement expliquée, assez courtisane sans pour autant être devenue (encore) une croûte. Alors qu'il y a 50 ans, à part les toits verts des immeubles institutionnels, les éclatantes couleurs de l'automne et les aveuglantes blancheurs des manteaux neigeux à l'extérieur, tout dans la ville semblait monochrome, sombre, et l'hiver, noir de la boue salée des rues. En tout cas telle est l'impression un peu déprimante du souvenir.
Alors que s'est-il donc passé pendant tout ce temps? Comment, terne et sombre comme une vieille usée quand j'avais 25 ans, la ville a-t-elle repris la beauté d'une belle femme mûre quand j'en ai 50... de plus? Il n'y a que les villes à pouvoir rajeunir avec le temps qui passe.
Parmi de hauts et modernes nouveaux immeubles, pas trop nombreux et jouant de lignes contrastées et de pans de miroiterie, mais d'autres fois aussi s'interposant dans le paysage comme un inesthétique volume, on retrouve le Parlement, juste à l'extérieur de l'enceinte heureusement sauvegardée, voire recréée avec ses portes bien conservées, les Plaines d'Abraham où s'acheva l'épisode français, les nombreuses églises, temples qui semblent développer avec une mûre délectation des expositions, des musées à propos des pans d'histoire qui leur sont propres, réussite s'appuyant sur des moyens privés et publics qui semblent stupéfiants, et puis la grande diversité des boutiques, des restaurants, des bâtiments historiques mis en valeur par la couleur des toits qui osent presque tout, par la propreté des rues, par la remarquable topographie de la ville et ses belles perspectives, ses dénivelés, tout au pied du volume massif et presque sévère du fameux "Château Frontenac" dont le pittoresque prend toute sa dimension quand on s'en éloigne depuis le traversier vers Lévis. Tout cela dans un périmètre somme toute modeste que de bonnes marches permettent de parcourir pour ceux qui ne craignent pas trop les pentes.
Ces belles maisons qui pourraient s'apparenter à un style victorien moderne, dépouillé, mais cependant un peu lourd, apportent à l'approche de la ville historique le long de Grande Allée Est un charme cossu, et fournissent de beaux exemples de "fenêtre arquée", terme préféré par les Québécois à "bow-window" -on le comprend- mais aussi au terme "oriel" (encore anglais à l'origine), fenêtre avancée en encorbellement donc en étage.
Il y a 50 ans, les lourds rideaux qui fermaient ces fenêtres arquées évoquaient pour moi on ne sait quels fantasmes romantiques bourgeois, sombres et feutrés.
Toutes proches, il reste par ailleurs d'anciennes fortifications qui ceinturaient la ville et quelques belles portes dont l'histoire est parfois mouvementée.
Quelques portes
Là, c'est la Porte St-Jean, rue St-Jean, juste après la Place d'Youville quand on pénètre dans la ville. La gravure ci-contre en montre un solide et militaire avatar vers 1860 (3ème quart du 19ème siècle). La 1ère construction date de 1693, l'actuelle (re) construction de 1939.
On a probablement perdu en pittoresque ce que l'on a gagné en homogénéité de style et en solidité.
Il suffit de constater ce qu'était successivement la Porte Prescott en 1850, puis en 1873. Cette porte a disparu et fait place à une passerelle sur la Côte de la Montagne.
Ici la Porte St-Louis, et son illustration en 1930 en vue inverse.
Elle donne sur la rue St-Louis. Sa 1ère édification date de 1693, celle d'aujourd'hui de 1878 avec quelques étapes intermédiaires de destruction reconstruction.
... et là la Porte Kent, illustrée en 1898, en vue inverse de la photo.Elle donne sur la rue Dauphine.
En tout cas, on peut largement préférer les gravures et illustrations anciennes aux photos plutôt bien ratées (j'assume) ci-dessus.
Terrasse Dufferin et le château Frontenac
Hommage est rendu par tous à Lord Dufferin, cet irlandais nommé par l'Angleterre Gouverneur Général du Canada en 1872.
De passage à Québec vers 1873, il tombe en effet raide amoureux des vieilles pierres de la ville que l'architecte local Charles Baillairgé, en bon émule du baron Haussmann à Paris est en train de supprimer. Et notamment les portes de la ville.
Dufferin est célèbre pour avoir compris que le Québec historique et ses fortifications étaient les seules qui existaient encore en Amérique du Nord .. et pour sa fameuse terrasse au pied du château Frontenac.
Avant même la construction de l'hôtel au tournant de la fin du 19ème siècle, une terrasse existait déjà, la terrasse Durham (ci-dessous vue depuis la basse ville en 1870, avec charrettes et barriques sur le port). L'autre vue vers 1895 montre à sa place la terrasse Dufferin en sa splendeur d'origine ; elle est inaugurée en 1878.
On remarque que l'énorme tour donjon de l'hôtel n'a pas encore été ajoutée.
Malgré un beau soleil, un vent froid la balaie ce jour-là qu'aucun obstacle ne retient ; la lumière est contrastée, frappant les perspectives qui prennent plus d'ampleur sous les fenêtres innombrables de l'immense hôtel. Marlène s'emmitoufle.
Terrasse Dufferin vers 1895
Autour de la Place d'Armes, plus haut rue St-Louis, les restaurants font assaut de coquetterie dans les maisons anciennes reconverties, dont les toits rouges aux versants bien pentus sont percés de très belles lucarnes à fenêtre dites "capucine" (leur toit est à trois pentes dont une en rabat à l'avant), ou bien "à chevalet" (leur toit est à deux pentes).
Couleur et pittoresque ne peuvent laisser personne indifférent.
en chemin
en avant!
et voici la Jacques Cartier en majesté
en chemin
Terrasse Durham en 1870
La masse du château Frontenac au-dessus de la Place d'Armes écrase le sommet du Cap Diamant dont le rocher résiste bien cependant. Le passage intérieur et sa cour d'arrivée sont au moment de notre passage un vrai courant d'air glacial. On se réfugie alors volontiers à l'intérieur du très vaste et luxueux hall de réception, appréciant cette chaleur douillette derrière les épaisses portes ceinturées de laiton au poli éclatant. Mais nous osons à peine pénétrer plus avant au milieu de la clientèle huppée, négligemment condescendante envers cette plèbe de touristes curieux, qui pourraient passer à leurs yeux pour de curieux touristes... Mais non, là c'est moi qui fantasme : il y a plus de touristes visiteurs que de clients de l'hôtel!
Le profil du "château", emblème mondialement connu de la ville et de la Belle Province n'appelle pas plus de commentaire.
en avant!
L'Epaule est à droite
Les règles de respect et de mise en valeur des bâtiments historiques sont-elles ici aussi sévères et contraignantes que celles qu'imposent chez nous les "Architectes aux bâtiments de France"?
En tout cas, le résultat est ici spectaculaire, et s'inscrit bien dans le contexte de la Vieille Ville ; mais saura-t-on jamais si ces toits couleur vermillon-cerise et ces façades vanille, ces encadrements de fenêtre chocolat ou sombre, qui en elles-mêmes déjà sont des gourmandises, sont celles des origines? Douteux.
Le contraste devient aussi harmonie entre ce foisonnement coloré et le classicisme des bâtiments religieux de pierre grise et so(m)bre.
Parfois, le style des maisons anciennes rappelle le dépouillement des maisons hollandaises aux fenêtres à petits carreaux dont le cadre est élégamment rehaussé de sombre, ou se pare de décorations néo-gothiques discrètes comme la Maison Dauphine, ou encore affirme avec ostentation une ancienne prospérité dans des façades de bois en fenêtres arquées très anglaises.
presque de retour au point de départ
En flânant un peu, rue St-Roch on tombe sur la "Librairie PANTOUTE" qui ne peut manquer d'interpeller un souvenir amusé et savoureux d'il y a 50 ans. Non pas pour la librairie elle-même mais pour ce mot ramassé typiquement québécois, "pantoute", raccourci déformé de l'expression de vive dénégation "pas en tout" qu'utilisait la Maria Chapdelaine de Louis Hébert, version originelle du "pas du tout" ou "absolument pas".
Puis au travers d'escalier et de la passerelle Prescott au virage en épingle à cheveu de la Côte de la Montagne, voici la Basse Ville.
On domine la rue piétonne du Petit Champlain, toute rectiligne, qui longe le pied de la falaise au sommet de laquelle est la terrasse Dufferin. Charme et agrément de la topographie et des maisons vénérables qui la bordent. La rue est l'une des plus anciennes de Québec.
Entièrement dévolue au tourisme où se succèdent les vitrines, elle séduit par ses maisons d'époque et le funiculaire qui accède à la terrasse là-haut, invisible. Par contre les fanions, les banderoles, les décorations, les chamarrures, les petits restaurants, les belles boutiques sont en rapport trop distant avec l'histoire ou la vie locale d'avant. Cette volonté de fête permanente, font dans leur excès oublier trop vite son originalité. Plus de sobriété ne nuirait pas.
Un haut immeuble avec toit en dos d'âne se particularise cependant avec une façade en trompe-l'oeil riche et bien représentée ; on l'appelle "La Fresque du Petit Champlain". Elle décrit avec lyrisme la vie de cet ancien quartier à partir de l'époque de la Nouvelle France.
Les trois gravures ci-dessous illustrent de gauche à droite l'évolution depuis 1688 (vue d'ensemble de Québec), puis en 1761, et en 1882.
Québec, la Basse Ville
L'église, originellement construite en 1723 est détruite en 1759 par des bombardements anglais prémices de la Bataille des Plaines d'Abraham. Sa réfection totale est achevée en 1816, sous l'égide de la dynastie Ballairgé, dont l'ultime rejeton Charles, est en 1873 celui qui voulait supprimer les portes. C'est François, son grand-père qui achève cette réfection en 1816, après que son arrière-grand-père Jean, charpentier menuisier originaire du Poitou arrivé à Québec en 1741, ait restauré la sacristie en 1766.
Bel exemple des oeuvres en trompe-l'oeil rencontrées ici et là. L'une d'elles, plus fameuse encore se trouve à quelques dizaines de pas sur la rue Notre-Dame qui mène à la Place Royale. On la nomme "La Fresque des Québécois". Plus gigantesque encore, (420 à 450 m²), elle illustre l'histoire du Québec, ses saisons, ses maisons, les personnalités marquantes du passé, les artistes les plus célèbres.
Avec une intention probablement symbolique, elle fait face aux vestiges d'un des plus anciens édifices de Québec, au dernier virage de la Côte de la Montagne avant le port, à deux pas de la très fameuse Place Royale.
S'agit-il de la 2ème version de l'Habitation de Champlain vers 1626?
La restauration de la Place Royale, qui fut aussi reconstruction, est décidée en 1967. Pas étonnant que je ne garde dans ma mémoire d'il y a 50 ans, qu'un souvenir mitigé, grisâtre, peu marquant, puisque mon séjour à Québec commence à l'automne 1968. La Place offre un espace harmonieux face à la plus ancienne église de pierre de l'Amérique au nord du Mexique, l'église Notre-Dame-des-Victoires.
On constate en particulier que dans la Basse-Ville, une grande partie de terrain a été gagnée sur le fleuve.
Sur le plan de 1688 est représentée la statue de Louis XIV.
Autour du port, nous allons visiter le Marché du Vieux-Port, qui héberge vendeurs locaux et petits restaurants dans une ambiance sympathique. On aperçoit de là la masse imposante du toit de la Gare centrale de Québec qui à elle seule mériterait un détour. Dans les mêmes parages, un fontaine Wallace, enfin la même que celles qu'on voit beaucoup dans Paris, qui semble ici bien orpheline ; et pour cause, il y en a deux à Québec, offertes par la ville de Paris à celle de Québec.
Il y a 50 ans, j'ai le souvenir dans cette partie basse de la ville, d'un marché public quelque part, à ciel ouvert où, sous un froid persistant de la fin d'automne mais avant que vienne la neige, on achetait de petites et succulentes pommes rouge carmin sombre, polies, luisantes, de la variété Mac Intosh.
Mais il faut savoir maintenant remonter de la Basse vers la Haute Ville. En passant, coincée entre la tour nommée "Edifice Price" et une galerie d'art rue Ste-Anne, voici un groupe sculpté à la gloire des draveurs, qui le méritent bien.
Ordres religieux fondateurs au Québec
Ce chapitre est surtout consacré aux ordres religieux qui ont façonné la Nouvelle France et à la période protestante qui a suivi "la Conquête", à travers les beaux édifices religieux concernés, églises et temples. On se limite à trois d'entre eux. Parmi les 12 édifices catholiques de la Vieille Ville, ce seront les Augustines et les Ursulines. Et pour les anglicans la cathédrale Holy Trinity.
A l'époque de la Nouvelle France
Vers 1635-40, la colonie de Nouvelle France ne compte pas plus de 250 à 300 personnes ; les autochtones sont beaucoup plus nombreux. Les Jésuites, arrivés ici en 1625, constatent rapidement qu'ils atteignent les limites de leur action d'exploration et surtout d'évangélisation, compte tenu des moyens engagés. De leur point de vue, et puisqu'ils font oeuvre de prosélytisme,la conversion des amérindiens passe par celle des filles et des femmes amérindiennes ; et pour cela, mieux vaut faire appel à des femmes. Ils sollicitent le roi Louis XIII et le cardinal Richelieu pour en appeler à d'autres congrégations. Pour eux, c'est ainsi qu'il faut poursuivre l'évangélisation du pays, apporter l'aide nécessaire aux malades et donner une éducation chrétienne à la population amérindienne.
Pour ce qui concerne les soins hospitaliers, c'est l'ordre monastique des Augustines de Dieppe qui accepte cette mission, en même temps que le roi décide de fonder un Hôtel-Dieu à Québec.
Pour l'éducation, ce sont les Ursulines de Tours qui relèvent ce défi.
Les Jésuites sur place ont la légitime prétention de croire que leur connaissance du terrain est meilleure que celles de leurs correspondants en France. En tout cas, eux-mêmes ici, aussi bien que leur Général, auraient préféré des "filles séculières", c'est à dire des filles laïques, moins engagées par leurs voeux que celles des ordres réguliers qui se sont proposés. Dans un pays encore si peu organisé, il était de leur point de vue prématuré de créer des couvents, qui seraient tenus de plus par des religieuses cloîtrées.
Or telles étaient en effet les Augustines et les Ursulines depuis le récent Concile de Trente que le clergé français accepte en 1615, ce qui déchirait un peu aussi bien les Ursulines, jusqu'alors plus enseignantes sur le terrain que contemplatives, que les Augustines soutenant les pauvres et les malades plutôt que cloîtrées.
Mais les Jésuites se plient à la décision de Richelieu, influencé par sa nièce Mme d'Aiguillon. Celle-ci est elle-même proche de Mme de Peltrie, une jeune et riche veuve, fantasque mais dotée d'une volonté de fer qui, après des démêlés dignes d'un mélodrame, veut en effet financer l'établissement des Ursulines et des Augustines outremer.
Un peu avant, les Jésuites n'ont pas hésité à détourner sous d'honorables prétextes d'autres subsides, ceux du commandeur de Sillery, diplomate sous Henri IV. Il est originaire de ce village de la Marne, plus exactement situé en Champagne.
Proche de Marie de Médicis, Sillery décide en effet en 1632 de faire don de sa fortune et d'entrer dans les ordres ; les Jésuites de Québec en bénéficieront ; installés à l'ouest de Québec où ils ont créé la Mission St-Joseph vers 1637, celle-ci devient Sillery en 1678.
Le commandeur meurt en 1640, une année après la naissance de ce moine bénédictin, Dom Pérignon qui, à quelques kilomètres de Sillery en France, à Hautvillers fera la renommée du vin de Champagne à partir des années 1670. Curieux destins presque croisés entre un aristocrate de cour qui, abandonnant le luxe et les amusements entre avec humilité et dépouillement dans les ordres alors que dans son pays d'origine vient peu de temps après un religieux qui contribue longuement à créer ce vin de fêtes et de réjouissances, et qui utilise à cela notamment des récoltes de Sillery.
Après presque 4 longs mois de traversée, la petite équipe (3 Augustines hospitalières, la bienfaitrice Mme de la Peltrie, 3 Ursulines dont Marie de L'Incarnation qui vient aussi ici pour fonder le Couvent des Ursulines, et 3 jésuites) débarque à Québec le 1er août 1639 et se met durement au travail.
A la même fin d'année est érigé, de bois et de pierre, l'Hôtel-Dieu du Précieux-Sang à Québec.
Ainsi, avec les Augustines se met en place l'ordre hospitalier de la Nouvelle France, à la base du système de santé du Québec d'aujourd'hui.
L'évolution de l'Hôtel-Dieu depuis 1639 apparaît en 1868 puis à droite dans sa configuration actuelle.
Tout contre l'Hôtel-Dieu d'aujourd'hui, la belle chapelle à travers laquelle on pénètre dans les lieux. Le musée ouvert depuis août 2015, est un "lieu de mémoire", qui a la particularité de continuer à être habité par les religieuses.
Pour diverses raisons, les hôpitaux possédés initialement ou gérés par la Augustines ont été intégrés au réseau public de santé du Québec. Afin de sauvegarder leur précieux patrimoine culturel (des milliers d' objets, 1 km linéaire d'archives et de documents anciens de grande valeur), elles l'ont confié à une fiducie (transfert de propriété sous condition d'usage et de durée) d'utilité sociale, émanation de la société publique du Québec. L'accès à ce patrimoine regroupant toutes les valeurs culturelles des 12 monastères des Augustines au Québec se fait dans le Monastère de l'Hôtel-Dieu nommé alors Monastère des Augustines.
L'ordre a bénéficié des montants de cession de l'Hôtel-Dieu à la Belle Province et de donations diverses, partiellement publiques pour réaliser ce superbe site. La restauration globale a coûté 45M$ canadiens. On peut aussi depuis peu louer des hébergements dans ses locaux (65 chambres), à bon prix autour de 130 $ la nuit.
Un peu avant notre passage, le "National Geographic Traveller" l'élit "meilleure expérience touristique de ressourcement au monde".
Pour avoir vu la seule partie consacrée au musée, les témoignages et les reconstitutions parfois in situ des exercices d'activité des Augustines sont remarquables : pharmacie, salle de soins, lieux de prière...
Les Ursulines quant à elles jettent les bases d'un premier système d'éducation de la Nouvelle France destinée en tout premier lieu à la formation chrétienne des filles amérindiennes, puis aux filles des colons français. Elles fondent à cette occasion la première école pour filles d'Amérique du nord.
A Québec, quelques élèves internes sont algonquines et montagnaises, puis huronnes après 1650 où cette nation est battue par les Iroquois. Les Ursulines sont décontenancées par ce qui semble être de l'instabilité de la part des internes qui fuient souvent, mais qui ne traduit que l'inadaptation à la vie sédentaire des "sauvages", d'une culture si différente.
Elles gardent contact et continuent à obtenir des ressources de leur ordre en France depuis 1759 jusqu'à la Révolution française. Le lien est rompu ensuite ; elles accueillent alors plus d'élèves anglophones et contribuent au 19ème siècle à réunir les deux communautés linguistiques en même temps que l'ordre se diffusait dans le continent américain.
Puis avec le transfert à Ottawa en 1858 de la gouvernance des Ursulines, alors que Québec redevient presque exclusivement francophone, l'ordre se développe encore plus globalement.
La puissante et majestueuse chapelle de pierre au 1 rue Donnacona, sans recul pour la photo, héberge de vrais trésors artistiques, mais aussi le tombeau de Montcalm après son décès en 1759. Celui de son ennemi Wolfe, son "jumeau" dans la lutte et la mort, transita aussi dans cette chapelle avant d'être acheminé en Angleterre. Une stèle de marbre noir abrite les restes de la très vénérée Marie de l'Incarnation.
Est-ce dans ses sous-sols qu'on visite des salles de cours assez bien équipées pour la fin du 19ème siècle, avec de nombreux objets relatifs aux sciences naturelles?
En tout cas, si les Ursulines dispensaient avec beaucoup de pugnacité, de charité et de dévouement l'éducation chrétienne, les règles de vie des internes pour les filles ici accueillies étaient très strictes, pour ne pas dire rigides jusque même dans la 1ère partie du 20ème siècle.
On ne peut aussi que regretter l'interdiction de prendre des photos, sauf dans la chapelle. Pourtant, de nombreuses occasions de vouloir illustrer à titre personnel ce lieu très édifiant se présentent, comme le grenier aux coffres (ceux dans lesquels les Ursulines gardaient leurs affaires civiles en entrant ici), la buanderie, le puits ancestral ou l'ancien four à pain et bien d'autres endroits.
La vue plus bas à gauche illustre ce qu'était le Couvent des Ursulines en 1878.
A deux pas, en poursuivant le chemin sur la tranquille rue des Jardins, dernière petite étape édifiante illustrant l'histoire de la Vieille Ville, sans pour autant vouloir en faire un tour exhaustif : la cathédrale anglicane Holy Trinity.
Près de la Place d'Armes, son histoire est liée à celle de la victoire anglaise de la bataille des Plaines d'Abraham, toutes proches sur le Cap Diamant au-dessus du fleuve.
Là, en 1759, le royaume de France s'incline. Le traité de Paris qui clôt la Guerre de Sept Ans, scelle en 1763 la cession du Canada à la Grande-Bretagne.
Après l'indépendance des Etats-Unis juste au sud en 1783, le Canada reste donc la seule possession coloniale de la Grande-Bretagne en Amérique du Nord.
Pour affirmer sa suprématie sur ces terres, face à ce grand et nouveau voisin auquel il avait fallu se résoudre à donner naissance, au moins au plan religieux le diocèse (anglican) de Québec est créé en 1793 pour le Haut et le Bas Canada.
Ce qui conduit le roi Georges III à autoriser en 1799 l'édification de la cathédrale anglicane Holy Trinity ici à Québec, la 1ère à devoir être construite en dehors des Îles Britanniques.
Aux frais de la Couronne, la construction dure de 1800 à 1804, sur le site de l'ancien monastère des Récollets (dont le jardin a donné son nom à la rue des Jardins) incendié en 1796 ; son modèle architectural est celui de l'église St-Martin-in-the-fields à Trafalgar Square à Londres, mais avec des matériaux adaptés au pays.
Consacrée en 1804, outre les bancs de bois sombre -du chêne de Windsor en Angleterre- qui se louaient dans le passé, et ses deux allées latérales avec mezzanine du même bois dont l'une au nord contient le siège réservé à la royauté anglaise ou au gouverneur, elle présente des vitraux "commémoratifs", un clocher à 8 cloches qui couvrent l'octave et qui ne sonnent pas à la volée mais selon des séquences définies et ce dépouillement harmonieux propre à la religion réformée. Certains disent qu'elle serait hantée... Forcément, c'est anglais!
En 1804, à Québec coexistent donc deux cathédrales, l'une catholique à deux pas, Notre-Dame de Québec tout contre le Grand Séminaire, l'autre anglicane.
Les deux illustrations ci-contre montrent la cathédrale en hiver au 19ème siècle, et quelques paroissiens bien réalistes un peu après sa construction.
Québec, autres surprises urbaines
Puis, dans la ville, au gré des chemins et des rues, voici au 1er étage (2ème étage québécois) d'une boutique une étonnante et très pédagogique exposition sur la production du sirop d'érable, que nous ne développerons pas plus ici. La boutique s'appelle "Délices, érables § Cie" au 1044 rue St-Jean. Peu de publicité est faite sur l'exposition qui pourtant mérite absolument le détour, sinon plus que la boutique du RdC. Ici une présentation des robinets d'extraction du sirop et des seaux utilisés successivement pour le recueillir.
Et quelques rues pittoresques dans la forte pente avant d'atteindre le plateau, ou d'autres perspectives, des fenêtres arquées, une vue sur le port, ... au gré de nos surprises et de nos petits coups de coeur, sous un fade soleil (voir le diaporama ci-dessous).
Nous retrouvons ensuite la rue St-Louis en bordure des Plaines d'Abraham. Là, petit clin d'oeil : une belle fontaine "à l'européenne" déverse ses jets élégants. C'est la Fontaine de Tourny. J'en suis interpellé : une avenue de Bordeaux, -ma ville d'inutiles études-, appelée Allées Tourny et une Place Tourny existent là, du nom de l'intendant de Louis XIV qui les a aménagées entre 1743 et 1757 dans la capitale girondine.
L'anecdote est celle-ci : ces Allées bordelaises sont agrémentées en 1857 de deux fontaines, appelées fontaines de Tourny, puisqu'elles se situent sur les Allées du même nom. En 1960, elles sont démontées ; l'une d'elles est transportée et remontée ici à Québec en 2007 en vue du 400ème anniversaire de la ville en 2008. C'est un don du grand commerçant québécois Simons, d'origine écossaise, qui l'a rachetée pour 4 M$ Can. La ville débourse tout de même 2 autres M$ pour l'installer.
Pour mémoire, les deux villes sont jumelées depuis 1962.
Sous la neige, hé non! ce n'est pas la fontaine à Québec l'hiver, mais l'une des deux fontaines de Tourny à Bordeaux proche du Grand Théâtre, pendant "le terrible" hiver 1956 (pendant 3 semaines, les températures descendent jusqu'à -20°C et Bordeaux est recouvert de 80 cm de neige). De quoi faire gentiment sourire les québécois!!!
Puis, au-delà de la Citadelle que nous ne prendrons pas le temps de visiter, nous nous dirigeons vers les fameuse Plaines d'Abraham, sur le plateau d'où l'on aperçoit claquant fièrement au vent le drapeau québécois au sommet de la Tour Cartier du Parlement.
Par là, dans ces parages se tenait il y a 50 ans l'hôtel où nous avions passé notre première nuit le jour de notre arrivée, en septembre 1968. Décalage oblige, au tout petit matin, nous retrouvons un autre couple aussi éveillé que nous vers 5 h d'un beau matin encore blafard, sur les bancs au pied du Parlement. L'édifice, de facture second Empire est fait de belles pierres claires. Ont-elles été ravalées? Le souvenir les fait plus sombres, patinées.
Après avoir visionné, dans le Musée des Plaines, une évocation de la bataille où, au mois de septembre 1759, Montcalm et Wolfe deviennent à quelques heures près, frères dans la mort, aboutissement logique de leur combat sans merci de leur vivant, on traverse une splendide exposition montrant les uniformes et vêtements de guerre de l'époque, européens et indiens, tous reconstitués avec une grande fidélité.
Au demeurant, on comprend ce que signifie "la guerre en dentelles" quand on voit le costume de Montcalm et celui de Wolfe en rouge, ci-contre, leur luxe de jabot, de drap fin, de fil d'or, de genouillère de cuir, de chapeau de feutre de fourrure, de boutons d'argent. Fallait-il ainsi souligner son pouvoir, avec le faste de ces uniformes dont l'aspect pratique est, avec notre regard moderne, bien inadapté aux conditions d'une bataille?
Même les uniformes des soldats semblent d'abord faits pour la parade. Pourtant, il s'agit d'uniformes de guerre qui, pour les plus hauts gradés ne portent ni décoration ni distinction et sont même l'expression de la sobriété d'après les experts historiens.
La pelouse parfaite sous un soleil éclatant, les quelques personnes clairsemées qui prennent ici une pause forment une atmosphère d'une totale quiétude, pas même troublée par de rares et très vifs écureuils brun sombre. L'ombre, nettement délimitée par le soleil oblique est déjà fraîche.
De beaux érables commencent à afficher la splendeur du court automne des jours qui viennent.
Là aussi, trahison du souvenir : la traversée des Plaines d'Est en Ouest dans une marche tranquille nous permet d'atteindre à pied notre hébergement plus encore à l'Ouest sans effort excessif ; alors qu'il y a 50 ans, l'ensemble me paraissait démesuré, face aux toits verts des édifices institutionnels qui en faisaient la seule touche de couleur l'hiver, au-dessus de la couverture neigeuse.
Depuis l'allée basse qui sinue à l'orée de la forêt couvrant la pente et la falaise au-dessus du St-Laurent au Sud, voici le bel édifice moderne de la Fondation du Musée National des Beaux-Arts du Québec, forcément inexistant il y a 50 ans. De ce contrebas, les cyclistes et les coureurs qui empruntent la piste cyclable sur le plateau paraissent planer en équilibre au bord du ciel.
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Pourtant, il va falloir bientôt s'arracher à ce charme et boucler nos valises. Mais auparavant, nous traverserons là le St-Laurent pour une petite incursion sur la rive Sud.
Le manège bien huilé de l'arrivée du traversier, de l'embarquement de quelques véhicules et de vélos se fait en douceur.
Un paquebot de croisière, le "Norwegian Dawn", du haut de sa dizaine de ponts, bloque une vue perspective sur le St-Laurent depuis le quai, comme une énorme barre d'immeuble. Pourtant, quelle différence quand on apprécie toute l'élégance de ses lignes depuis le fleuve. Là s'exerce dans le modelé de ces masses énormes tout le design moderne où s'allient fonctionnel et esthétique, ici au pied du Grand Séminaire. Et quand elles entrent en mouvement, leur légèreté de mastodonte séduit et fascine.
Puis, à mesure que notre traversier s'éloigne de la rive, tout le panorama du port s'offre à nous. Le clou du spectacle reste la vue imprenable sur la Haute Ville surmontée du château Frontenac et la longue terrasse Dufferin.