Quelques restes antiques et des bribes d'histoire à Fréjus
1- Un aqueduc très vénérable
Au hasard de nos parcours en voiture ou de nos balades pédestres, quelques vestiges titillent la curiosité.
Ce sont de monumentales ruines, plusieurs arches de briquettes, certaines encore bien conservées, d'autres dont ne subsistent que les piliers en pyramide délabrée, ailleurs affleurant dans la pente d'une colline douce...
De fait ce sont les restes du même aqueduc
C'est un aqueduc dont les restes ont été exhumés notamment sous l’impulsion de celui qui devait faire entreprendre les travaux de restauration des Arènes de Lutèce à Paris au 19ème siècle, le passionné de Notre-Dame, Victor Hugo en personne.
Ici, il en disait alors dans son puissant lyrisme : « L’aqueduc neuf et complet était beau sans doute il y a deux mille ans, mais il n’était pas plus beau que cet écroulement gigantesque répandu sur toute la plaine, courant, tombant, se relevant, tantôt profilant trois ou quatre arches de suite à moitié enfouies dans les terres, tantôt jetant vers le ciel un arc isolé et rompu ou un contrefort monstrueux debout comme un peulven druidique, tantôt dressant avec majesté au bord de la route un grand plein-cintre appuyé sur deux massifs cubiques, et de ruine se transfigurant tout à coup en arc de triomphe. Le lierre et la ronce pendent à toutes ces magnificences de Rome et du temps. »
Ci-dessous une vue d'artiste de la construction de l'aqueduc (Gassend 2000)
En effet, à la fin du 1er siècle, après la bataille d’Actium (-31) en Grèce qui voit la défaite de Marc Antoine face à l’empereur Auguste, ce dernier établit ici, dans la ville probablement déjà fondée par Jules César vers -49 une garnison pour ses vétérans, qu’il fallait bien alimenter en eau douce de qualité.
Remarquablement ingénieux et tenaces, les bâtisseurs romains dont la réputation n’est déjà plus à faire vont construire un aqueduc de plus de 41 km captant au nord une rivière de courte montagne à 516 mètres d’altitude, la Siagnole.
L’ouvrage traverse un relief tourmenté, franchit des falaises abruptes, des vallées profondes, l’obstacle d’une végétation sauvage et dense.
Ce qui explique que les passages soient surtout en tranchées et en pont, beaucoup moins en tunnels (et là au franchissement d’un col, sur 852 mètres).
Opérationnel pendant 3 à 4 siècles, détruit par les barbares, pourtant encore partiellement utilisé dans sa partie amont au 16ème siècle, il devient gisement de matériau de construction dans le développement de la ville bien après.
Ici à Fréjus où l'aqueduc se termine, rien n’a dû beaucoup changer depuis la relation de Victor Hugo.
Mais les restes des arches en ruines sont maintenant bien mis en valeur.
Les ingénieurs architectes romains
-241 : c'est le début d'édification de la Via Aurelia ou voie Aurélienne (du nom du consul qui lance ce grand projet, Caïus Aurelius Cotta), une grande voie romaine vers la Gaule. Depuis Rome, elle passait par Pise puis Luni.
-109 : elle est prolongée jusqu'à Gênes et Vada Sabatia.
-13 : l'empereur Auguste la poursuit ensuite après ses conquêtes en Gaule du sud-est jusqu'à Plaisance et Arles ;
Elle sera ensuite encore prolongée par la Voie Domitienne vers l'Hispanie.
L'implantation romaine passait par l'établissement des ces voies, et en même temps l'acheminement de l'eau pour les populations installées.
Parmi les 156 aqueducs romains construits en France sur au moins 3 siècles, une vingtaine le sont autour de "notre autoroute impérial", la Voie Aurélienne dans les 3 départements côtiers d'aujourd'hui (06, 83 et 13) et un peu au-delà avec celui qui empruntait le très fameux Pont du Gard vers Nîmes.
Antibes
Cimiez
Fréjus
Cannet-les-Maures
Tourves
Aix-en-Provence
près de Tarascon
Arles
Survolez pour voir le nom des villes actuelles
Tracé de la Voie Aurélienne
2- Un cirque-arène dénaturé
Les arènes, à l'extérieur du rempart à l'ouest de la ville, s'appuient contre une colline de grès au nord-est.
Les murs rayonnants soutiennent les gradins (la cavea) par des voûtes obliques basses (qu’on nomme « voûtes rampantes »). Le passage des escaliers d'accès aux 1er et 2nd étages est aménagé entre les murs des voûtes.
Depuis la galerie circulaire très spacieuse et monumentale (où des panneaux pédagogiques racontent l'histoire de l'édification et la redécouverte du 19ème siècle), on peut accéder aux gradins supérieurs.
De là, sous le soleil vif, la contemplation de la parfaite ellipse blanche qui contraste durement avec les gradins est remarquable.
Mais les aménagements modernes de béton clair, de métal et de bois couvrent en les consolidant probablement les gradins et les structures d'origine, et les masquent totalement.
Certainement contemporaine ou un peu postérieure à celle de l’aqueduc, la construction des arènes pourrait dater de la fin du 1er siècle au début du 2nd siècle après J.-C.
Les gradins pouvaient accueillir environ 12 000 spectateurs.
L'arène est de 68 mètres sur 39. Son grand axe est-ouest, est long de 114 mètres et son petit axe nord-sud de 82 mètres, des dimensions plus modestes que celles de Nîmes ou d'Arles.
Elle n'est plus qu'une arène de spectacles et de corridas ; sous les gradins mêmes, une voûte abrite une petite chapelle aménagée pour la préparation du toréador.
Dommage...
La ville antique était aussi dotée plus à l'est d'un amphithéâtre modeste, dont les restes ne sont aujourd'hui que des ruines, aussi très bétonnées, que nous avons à peine entre-aperçues.
Le plan ci-dessous (source Gallica) est celui de la ville antique, et situe les monuments ou les ouvrages d'art romains.
Arènes
(Amphi) théâtre
Arrivée de l'aqueduc
3- Un très talentueux "abbé" conventionnel Emmanuel Joseph Sieyès
L'abbé Sieyès haïssait la noblesse. A la Révolution, président de l'Assemblée Nationale en 1790, il est l'acteur majeur de la rédaction de la nouvelle Constitution, et le père fondateur du Tiers Etat.
Quoique "Montagnard", il esquive adroitement la Terreur, mais se fait haïr de Robespierre qui lui reproche ses méthodes "de taupe de la Révolution", et évite la décapitation.
Elu Président de la Convention en 1795, il échoue à faire passer ses idées constitutionnelles.
Après un habile et brillant intermède diplomatique européen où il tente de modérer le roi de Prusse dans ses intentions de rétablissement de la royauté en France, il se fait promoteur et co-conspirateur du Coup d'Etat du 18 Brumaire ; mais son soutien est ensuite vite écarté par Bonaparte.
Il est la personnalité historique brillante et marquante de Fréjus où il naît en 1748.
Fréjus lui rend hommage, tout emplumé à la manière des conventionnels, dans une sorte de stèle sur la grande place centrale de la ville, la Place Clémenceau, au sommet de la colline.