
1- Deux sentiers côtiers concurrents

Port Santa Lucia à St-Raphaël, point de départ du sentier du littoral vers l'est
Port de St-Aygulf, point de départ du sentier des douaniers vers le sud-ouest
Golfe de Fréjus
Les départs de ces deux sentiers sont aux extrémités opposées du Golfe de Fréjus. L'un se dirige vers le sud-ouest, l'autre vers l'est.
Pour accéder à la mer depuis la colline de Fréjus, ou l'arrière-pays, il est presque impossible d'éviter cette prétentieuse et arrogante marina très centrale que l'on ne peut que contourner.
Non loin, une ancienne et vaste lagune où aboutit l'Argens a été reconvertie en parc d'attraction, forcément aquatique et en petit parc ornithologique de pins et de roseaux.
Sentier des douaniers depuis St-Aygulf
Sur la côte en direction du sud-ouest, au-delà de l'embouchure depuis Fréjus, à partir du petit port de St Aygulf voici le tranquille "sentier des douaniers".
Il longe des anses plates successives, des plages faites de gravier grossier où se mêle un peu de sable pas très fin.
Elles sont délimitées par des barres rocheuses transverses de granit gris, dont les strates s'étirent parfois en mer et se prolongent en étroite jetée.
A portée de nageur, de courts et petits récifs noirs sont le perchoir de cormorans sarcastiques.
_JPG.jpg)
vers l'ouest
Le chemin très praticable, ne l'est cependant pas au point d'y venir en talons aiguilles comme certaines.
Il défile devant de belles villas cadenassées se rengorgeant de vérandas en rotondes surmontées parfois de tourettes néo vers la mer.
Le plus souvent, elles s'entourent d'un jardin sec de chênes-lièges et de pins parasols, fières et belles au milieu des lauriers roses. L'ombre du toit débordant cache des sgraffites Art Déco.
Nous n’aurons modestement parcouru que deux ou trois kilomètres (sur les 13 km possibles), sous le soleil déjà ardent de ce chemin de rochers par endroits discrètement bétonné, d'autre fois empruntant le sable quand s'escamote la petite terrasse en balcon sur la mer.
_JPG.jpg)

vers l'est
La température de l’eau en cette mi-septembre semble parfaite pour quelques habitués ; tous au moins d'un 3ème âge encore assez mobile.
Ils se reconnaissent à l’intensité accumulée de leur hâle à mélanome, qui n'est pas le cuivre des paysans au grand air ; la plupart nagent, d'autres pêchent patiemment ailleurs ; un chien s’ébroue sur le sable après s'être ébattu en mer.
Arrière-saison et pandémie, chacun y trouve plus d'espace et de tranquillité qu'il n'en a jamais eu.
_JPG.jpg)
Les rues en pente perpendiculaires à la côte offrent des échappées d’horizon, comme autant d’envie d’ailleurs, et de rêve.
_JPG.jpg)
_JPG.jpg)

Sentier du littoral depuis St-Raphaël
A l’autre extrémité de la ville, depuis cette fois le Port Santa Lucia de St-Raphaël à l’est, un autre sentier, beaucoup plus escarpé.
On le nomme "le sentier du littoral".
Cette fois, la roche est d’un ocre intense (la rhyolithe) et forme de petits promontoires, des îlots acérés qui dominent la mer, dessinent de courts chenaux, des strates obliques qui se redressent ailleurs en colonnes.
Sur la première partie du parcours, celle à laquelle nous nous limiterons, les criques de sable crissant sont plus courtes et plus creuses qu'à l'ouest.
Certains s'installent sur les rochers, là où l'érosion a gommé les aspérités, seuls au monde.
L'eau est d’une limpidité parfaite, et déploie des franges turquoises presque phosphorescentes.


L'île du Lion de Terre
Le sentier ne cesse de démasquer après chaque crête ou petit cap, de sublimes et scintillants panoramas. Parfaitement immobile, à peine flou de brume marine, l’horizon ne se ponctue que de très rares voiles.

Face à l'île du "Lion de Terre", car plus au large, il y a son pendant, celle du "Lion de Mer", les experts géologues reconnaissent des formations prismatiques qui révèleraient ici un ancien et direct "point d'émission de lave" (voir la genèse du Massif de l'Estérel).
La bordure moutonnante des pins parasols se penche sur le bleu de la mer et compose avec l'ocre sauvage des rochers de superbes harmonies.
Derrière les denses parasols épineux, de très belles villas se cachent et se nichent, dans l'ombre desquels des mémères promènent caniche ; annonçant le luxe des sites plus à l’est, vers Cannes et au-delà.



Voici l’image emblématique de la « Côte d’Azur » forgée par les publicités d’entre-deux-guerres, qui en fait toujours le succès, et dont l'attrait ne se dément pas.
Le parcours assez bien aménagé au travers des rochers chaotiques, avec parfois des marches maçonnées, de brefs passages sur le sable meuble, de petits pontons de bois contre courte falaise, est beaucoup plus sportif qu’à l’ouest.

L’accès par la colline au-dessus n’est pas direct ; il se fait par une rue sinueuse qui épouse le relief accentué.
Par là viennent les mêmes jeunes vieillards, serviettes de bain sous le bras et parasol sur l’épaule.

Moins encore qu'à l'ouest, dans la splendeur de notre bel âge, nous n'aurons parcouru là que deux kilomètres du sentier plus éprouvant, sur les presque 9 km possibles vers la péninsule du Dramont et Agay.
Un seul regret, qui ne tient qu'à notre paresse, celui de n'avoir pas fait l'effort de contempler ces paysages au lever et au coucher du soleil...
_JPG.jpg)
Un peu plus tard à Nice...
Bien sûr, plus à l'est encore, la Baie des Anges là-bas se borde en majesté d'un rouleau blanc phosphorescent, et fait sa grande coquette.
Ici vers St-Raphaël, plus sauvage est la rive, qui se mérite et ne se dompte pas.
La Côte d'Azur dans sa splendide diversité.
2- Un autre sec sentier d'arrière-pays vers le Mont Vinaigre
Parvenus par une belle route serpentine sur un palier à quelques kilomètres au nord de la ville, nous voici cette fois au col de Testanier.
D'un parking à peine encombré, une route de bitume peu entretenue doublée d’une piste sur la hauteur voisine monte lentement vers une large crête, un petit col dont le nom est « Malpey ».
-2_JPG.jpg)
-2_JPG.jpg)
-2_JPG.jpg)
La route bascule ensuite sur l’autre versant du col, qui n’est accessible qu’à ceux qui peuvent lever une barrière mobile, ou bien les cyclistes et les motards qui s’en moquent et la contournent.
A côté se dresse une ancienne et fière demeure ocre à perron et double escalier, manifestement non entretenue, portes et fenêtres ouvertes à demi défoncées, végétation envahissante.
Un nom qui devait traduire dans le passé un caractère inhospitalier ou de maigres ressources, « le mauvais pays ». Tout comme on en rencontre ailleurs par exemple au nord de l’île de Lanzarote aux Canaries, avec le « malpais » de lave volcanique (voir page 9).
Les bâtiments voisins, en retrait, une sorte de grande grange avec dépendances dont l’accès est fermé par un portail accueillent quelques voitures (de l'ONF).
L’ensemble était une maison forestière.
Une charmante maisonnette au toit de tuiles provençales, une remise bien close, se tient en face au-dessus du petit carrefour.
-2_JPG.jpg)
De là, soit encore en empruntant une petite route bitumée en crête ascendante, soit en la longeant au-dessus sur les pistes de pierraille blanche à travers un maquis épars et d’essences très diverses, de chênes-lièges, de genêts, de bruyère et même d'arbousiers, on gravit la pente vers le mont local le plus élevé, nommé le «Mont Vinaigre».

Du haut de ses 641 mètres affichés au sommet, (alors que l'IGN indique 618 mètres), les paysages sont splendides mais les repères lointains.
Il est aussi le point culminant de l'ensemble du Massif de l'Estérel.
-2_JPG.jpg)
A un moment, on laisse la route pour emprunter un sentier caillouteux plus étroit et plus pentu vers la droite.
-2_JPG.jpg)

_JPG.jpg)
_JPG.jpg)
Peut-être doit-il son nom au Mistral, le "vent aigre" qui souffle encore fort sur ces hauteurs à la frange orientale de la grande vallée du Rhône ; mais bien d'autres hypothèses ont cours sur son étymologie.
Puis on grimpe un large chemin rocheux, qui bifurque soudain et s’escarpe vivement pour parvenir enfin au sommet, une plateforme rocheuse circulaire grossièrement cimentée, et totalement panoramique, plantée sur un côté de barres rocheuses verticales spectaculaires.
Parvenu presque au sommet, le sentier passe au pied d’une station radio, redescend un peu vers une piste d’atterrissage d’hélicoptère.


Un brigand au grand coeur
Au 18ème siècle, le mont Vinaigre est l’un des repaires de Gaspard de Besse, de son vrai nom Gaspard Bouis (1757-1781), un bandit de grand chemin que révoltaient les injustices du moment, généreux envers les pauvres de la région qui en avaient fait une sorte de Robin des Bois provençal.
Son parcours et sa renommée sont aussi brefs et fulgurants que sa vie : il meurt du supplice de la roue à Aix-en-Provence à 24 ans.
Il détroussait les voyageurs fortunés et les agents du fisc.
Le mont fut aussi le refuge de forçats du bagne de Toulon que Gaspard avait aidé à s’évader.

étranges eucalyptus
A la descente, parvenu près du col de Malpey, nous préférons poursuivre par la piste dans le maquis, plus agréable que la route bitumée.
De fait, il s'agirait d'une variété particulière, "eucalyptus tereticornis", dont l'écorce se détache en lambeaux réguliers et dégage ce tronc, parfait comme une colonne de marbre.
A un moment, un étonnant bosquet d'eucalyptus s'étire et affiche ses troncs très lisses et nus, d'un blanc pur peint de larges bandes bleutées en lente spirale. Toute l'écorce semble avoir été ôtée et s'étale au pied des troncs.
Mais Var Matin de décembre 2019 annonce que 400 eucalyptus du massif, victimes de la sécheresse et d'insectes "ravageurs" devront être coupés.
_JPG.jpg)
On connaît pourtant la rusticité des eucalyptus, leur capacité à drainer les sols humides par les racines profondes et à emmagasiner l'eau même en sol très sec, mais en l'épuisant aussi en même temps.
Cette situation doit peut-être plus aux insectes néfastes qu'à des niveaux records de sécheresse, aussi rude soit-elle.


On en découvre par hasard au Malpey une autre variété très différente, dont le tronc se strie d'une écorce très épaisse et grossière, qui semble se tresser sur elle-même, qui éclate en énormes échardes.
Si épaissement revêtu, son tronc semble l'opposé exact de l'autre variété, au tronc si lisse qu'il en paraît nu, exhibitionniste.

En contrepoint, ses délicates feuilles bleutées lancéolées, rappellent en beaucoup mieux les fruits de la "monnaie du pape".
C'est "l'eucalyptus cinerea".