top of page

Tadoussac, haut lieu de conquête

Haut de page

Tadoussac! Le nom claque comme un étendard dans le vent.

Pourtant, ce nom-là que les Montagnais ont donné à ce confluent du Saguenay avec le grand fleuve a un sens beaucoup plus féminin et maternel ; ils le nomment "totoushak" pluriel de "totoush" qui signifie mamelle (dans "Voyage au pays de Tadoussac" de J Edmond Roy, 1889). Les mamelles sont les deux caps élevés qui encadrent l'embouchure.

Autre référence : "Histoire et description générale de la Nouvelle France, avec le Journal historique fait par ordre du Roi dans l'Amérique septentrionale" par le P. de Charlevoix, jésuite, de 1733. Charlevoix est reconnu comme le premier véritable historien du Nouveau Monde et du Québec en particulier.

Avant étaient les Amérindiens

Avant étaient les amérindiens

Car un monde bien sûr existe avant l'arrivée des Français et des Anglais.

Là, à Tadoussac l'été sont les Montagnais, ces amérindiens ainsi nommés par les français parce qu'ils habitent les monts du nord du fleuve, mais qui se nomment eux-mêmes les Innus (et pas les Inuits des régions arctiques).

Dans les immenses forêts du Nord-Est du Québec qui couvrent les courtes montagnes du bouclier canadien vivent en effet plusieurs nations nomades.

 

Elles subsistent grâce à la chasse, la pêche et la cueillette à la belle saison, se déplacent par petites tribus dispersées qui suivent leurs proies, et régulièrement migrent dès le printemps vers le bord des lacs et du grand fleuve.

Elles qui dépècent les animaux tués pour s'en vêtir l'hiver apprennent, dès l'arrivée des marins français chasseurs de baleine au 15ème siècle, le parti qu'ils peuvent tirer du troc des peaux accumulées après leurs chasses. On les dit aussi d'humeur joyeuse et ironique, peu attachés à la richesse.

 

 

Ce sont notamment la grande nation des Algonquins faite de plusieurs tribus comme les Abénakis, les Cris, les Malécites, les Micmacs, les Algonquins eux-mêmes, les Innus (les Montagnais)... Les Montagnais se répartissaient sur toute la rive nord du fleuve, mais leur grande base n'est autre que Tadoussac, grand lieu de concentration pendant l'été.

Un exemple de contenu d'un troc est rapporté lors de l'arrivée de 2 navires à Tadoussac en juin 1626, en période de monopole, (le commerce est bien établi depuis longtemps). La relation en est faite dans le "Traité de navigations" de Bergeron de 1629. L'illustration ci-dessous ne correspond pas à l'événement mais représente Champlain négociant avec les indiens. Chaque cargaison peut atteindre 15 000 à 20 000 peaux. Les indiens impatients attendent sur les hauteurs de Tadoussac pour apercevoir la venue des bateaux dès la fonte des neiges. Quand les vaisseaux ont jeté l'ancre à Tadoussac, des barques partent vers Trois-Rivières et Québec pour collecter d'autres peaux et les ramener ici "au comptoir principal".

"... les sauvages apportaient des peaux d'orignal, de loup cervier, de renard, de loutre, de martre, blaireau, rat musqué, mais principalement de castor qui était le plus recherché." 

trocs amérindiens, Québec

Les bateaux amenaient : "capots, couvertures, bonnets de nuit, chapeaux, chemises, draps, haches, fers de flèche, haleines (sic : alènes), espées, des tranches pour rompre la glace en hiver, des couteaux, chaudières, pruneaux, raisins, du blé d'inde, des pois, du biscuit ou de la galette et du pétun (tabac)".

Dans les grandes plaines du sud et de l'ouest, sont d'autres considérables nations amérindiennes que la fertilité du sol a fixées en tribus sédentaires, agriculteurs, éleveurs ; elles sont organisées en villages de cabanes de bois protégées derrière des palissades de rondins, gouvernées de manière assez structurée, puissantes en nombre. On les dit "larrons" et sensibles à la richesse et à l'accumulation des patrimoines. Ce sont les Iroquois, répartis entre Hurons dans la région à l'ouest de Québec et les Mohawks plus au sud-ouest autour du fleuve.

Les Anglais feront des Iroquois notamment leurs alliés, pendant que les Français s'associeront les Montagnais, les Algonquins.

les nations amérindiennes du Québec
Tadoussac, plateforme de traite...

Tadoussac, plateforme de traite,

relais d'exploration

Dans l'histoire de la conquête du Nouveau Monde, trois étapes principales marquent chronologiquement celle du Canada, et du Québec en particulier, qui se situe naturellement sur le passage des explorateurs depuis l'est dont ils viennent.

Elles sont chacune marquées par une personnalité particulière du royaume de France dont l'histoire a retenu le nom :   

Jacques Cartier

- Jacques Cartier le malouin (1491-1557) explore la région, dans le sillage des pêcheurs basques et bretons venus dès la fin du 15ème siècle jusqu'à l'estuaire du St-Laurent. 

1534-1535

 

Il découvre et nomme le fleuve St-Laurent en 1534, commissionné par François 1er pour « descouvrir certaines ysles et pays où l’on dit qu’il se doibt trouver grant quantité d’or et autres riches choses », et donc  aussi pour trouver la voie des Indes.

Sans avoir découvert d'or, mais seulement des pierres qui s'avéreront n'avoir pas de valeur, l'ampleur du pays qu'il décrit séduit cependant la Cour, où il ramène deux enfants du chef Montagnais Donnaconna qu'il a rencontré.

Il repart en 1535. Là il remonte le fleuve jusqu'à l'île de Hochelaga (Montréal) après avoir reconnu la rivière mythique du Saguenay, le site de Tadoussac où ses trois navires mouillent le 1er septembre 1535, et lié alliances avec les Iroquois, qui se défieront de lui ensuite. Placé un peu après sous l'autorité du huguenot Roberval (curieuses alliances entre François 1er roi catholique, plaçant son amitié pour des réformés avant toute autre considération), il "rue dans les brancards", lui désobéit et finit par se retirer, noyant dit-on ses déceptions dans le chouchen.

Samuel de Champlain

- Samuel de Champlain (1574-1635) le fondateur ; il organise la colonie, après son premier voyage où il  aborde Tadoussac pour la première fois en 1603.

Navigateur et cartographe (voir ci-dessous sa carte du port de Tadoussac), il a exploré la mer des Antilles jusqu'à l'isthme de Panama, dont il dit explicitement l'intérêt qu'il y aurait à y percer un canal : "Si quatre lieues de terre étaient coupées […] on raccourcirait le chemin de plus de 1500 lieues." Sacré précurseur de F. de Lesseps, même s'il mésestimait les distances!!

1600

 

Mais un peu avant, un huguenot recherche et obtient en 1599 par décision (lettre patente) du roi Henri IV le privilège exclusif du commerce des fourrures le long du fleuve jusqu'à Tadoussac.

 

C'est Pierre Chauvin de Tonnetuit qui construit là en 1600, à l'endroit même où est aujourd'hui "le Grand Hôtel" le premier établissement de traite, reconstitué à l'identique plus près de la rive.

En contrepartie du monopole, il doit fonder une colonie et établir la religion catholique, lui le réformé (bien sûr l'Edit de Nantes est passé par là en 1598 mais tout de même...). Il n'en fera rien.

carte de Tadoussac par Champlain

Ce premier monopole ne manque pas de susciter la réaction des marins basques, bretons.. et des marchands français qui jusque-là négociaient librement avec les Montagnais. Opposition qui alla jusqu'au canonnage des vaisseaux royaux par les libres marins et au moins à une contrebande bien établie et difficile à combattre.

1603

Chauvin décède l'année même de la venue de Champlain en 1603.

Ce dernier, encore peu connu, agit sous mandat du successeur de Chauvin, Aymar de Chastes, et vient ici avec une expédition conduite par un marchand, explorateur, mais surtout marin expérimenté qui déjà navigue en barque chaque été depuis peut-être 20 ans jusqu'à Trois Rivières le long du St-Laurent, François Gravé, (ou Pont-Gravé).

Puis Champlain et Gravé explorent le St-Laurent vers l'amont jusqu'au Sault St-Louis sur lequel ils buttent, et retournent découvrir en juillet toute l'embouchure vers l'aval, rencontrent les Micmacs, cherchent des informations sur un passage vers l'ouest.

Ils reviennent à leur base de Tadoussac le 3 août. Là, nouvelle tabagie avec le chef Begourat cette fois, un autre sagamo recommandé par Anadabijou. Avec ses guerriers, il prépare une nouvelle guerre contre les Iroquois.

De 1604 à 1607, Champlain et Gravé s'en vont ensuite tenter d'établir avec grandes difficultés de petites colonies et explorent en détail la côte atlantique.

1608

Enfin, c'est en 1608 que, depuis Tadoussac, Champlain entreprend d'établir "l'Abitation de Quebecq", formé d'une petite forteresse, d'un comptoir de traite et d'une maison.

Là commence vraiment l'histoire de la Nouvelle France.

Arrivé le 24 mai 1603 à Tadoussac, trois jours plus tard, le 27, Champlain traverse l'embouchure du Saguenay et va sur la Pointe-aux-Alouettes rencontrer le chef ("sagamo") Montagnais Anadabijou (joli nom de chef) accompagné d'une centaine de ses guerriers, pour une fête à leur manière, une "tabagie" où l'on fume le pétun. Ils célèbrent une grande victoire sur leurs ennemis d'alors les Iroquois.

Coïncidence remarquable ou entrevue bien organisée, cette fête scelle en tout cas durablement l'alliance entre Français et Montagnais. 

Dans "Samuel de Champlain, Deuxième Voyage, de Honfleur à Montréal", de  Le Jeune en 1931, "Tadoussac, à l'époque, est le terminus de la navigation transatlantique, le port d'attache et de ralliement des vaisseaux d'Europe : car en amont du fleuve la navigation semble périlleuse. Ayant mouillé l'ancre, Dupont-Gravé se vit réduit, en vertu de son privilège royal, à engager la lutte contre le capitaine basque Darache, qui l'a devancé au trafic avec les indigènes. Mais Champlain, survenant le 3 juin, ménage un prompt accommodement. Aussitôt il apprête deux barques pour transporter à Québec une partie du matériel d'installation. Dans l'intervalle de ce voyage, il remonte de nouveau le Saguenay et recueille des Sauvages de vagues informations relatives aux régions intérieures : lac Saint-Jean et ses tributaires, rivières et lacs septentrionaux, baie du Nord."

l'habitation de Québec construite par Champlain en 1608
chapelle de Tadoussac qui date de 1747
Montcalm

- Montcalm (1712-1759), à son corps défendant, puisqu'il y laisse la vie, ouvre la voie à l'abandon de la présence française, et clôt l'épisode.

A propose de l'évolution de la ville de Tadoussac

 

issu de http://www.tadoussac.com/fr/tadoussac/historique

 

Jusque vers 1632, Tadoussac reste le port d’attache le plus important de Nouvelle-France, point de convergence et de ralliement pour des centaines de navires européens...

 

Pendant plus d'un siècle, le poste de traite sera considéré comme le plus grand comptoir à travers tout le territoire royal.

Tadoussac est aussi pendant les mêmes périodes le premier centre d’activités missionnaires dans le Royaume du Saguenay et le point de départ de nombreux religieux investis du mandat d’évangéliser les Amérindiens des régions du Saguenay et du Lac Saint-Jean.

La vieille chapelle (ci-dessus) construite par les jésuites en 1747 demeure aujourd’hui un témoin éloquent du passage de ces missionnaires à Tadoussac.

Pourtant, probablement du fait du caractère saisonnier de son activité de pelleterie et des bivouacs nomades des Montagnais, le village ne prend pas d'extension.

Il faut attendre le milieu du 19ème siècle pour que Tadoussac prenne l’allure qu’on lui connaît aujourd’hui. Grâce en grande partie à William Price, l'industriel forestier du Saguenay, de Chicoutimi et du lac St-Jean.

Au total dans la première période de découverte et d'exploration, à part peut-être Henri IV (qui pourtant là s'oppose à Sully et trouble un peu le contexte en n'hésitant pas à désigner des explorateurs ou lieutenants-généraux huguenots pour leurs compétences), ces aventuriers conquérants colonisateurs marchands navigateurs n'ont pas su convaincre leurs souverains successifs de l'intérêt de leurs découvertes. D'autres grands événements en Europe en détournent ces derniers.

Ces explorateurs n'ont pas trouvé les arguments pour les persuader d'investir massivement en hommes et en capitaux, comme sauront le faire de leur côté les Anglais, qui en retireront un  avantage décisif. Ou bien parfois n'ont eu de cesse que de s'enrichir avidement, loin de nobles desseins d'Etat. 

 

Pour les peuples de marins venus d'outre-Atlantique depuis l'est avant même probablement que Colomb ne découvre le Nouveau Monde, Tadoussac, est le premier endroit après le franchissement du grand estuaire où il leur semble bon de s'installer avant d'aller plus avant vers l'ouest.

Car le confluent et la baie en font un port pratique, accessible par les bateaux de long cours ; mais aussi parce que là vient l'été cette importante concentration d'amérindiens et leurs précieuses peaux, troquées et revendues à prix d'or là-bas, de l'autre côté de l'océan. Même si ce commerce lucratif, libre et sans règle au début, devient ensuite par épisodes le privilège exclusif d'un représentant du roi. Pour plus tard s'avérer trop étroit.

Ils croient aussi, bien vainement, que les chemins vers Cathay, l'Asie mythique de Colomb, passent par le St-Laurent vers l'ouest, mais aussi peut-être par le nord-ouest.

bottom of page