Québec, l'île d'Orléans
L’île allongée entre les deux rives est un fuseau au relief ventru de presque 33 km de long ; comme un dos de baleine dont la dorsale offre de beaux panoramas de part et d’autre.
Le seul accès se fait par le grand pont suspendu et ses deux rampes. De là, on aperçoit le bras nord du Saint-Laurent, moins important que le bras sud, et pourtant large de 2100 mètres ici. Selon l’heure de traversée, l’effet de la marée est bien visible ; nous sommes pourtant à 1300 km de l'océan.
Les pentes nord-ouest sont une sorte de verger soigneusement cultivé, où l’on rencontre de fameux pommiers, des fraisiers dont la récolte bat son plein lors de notre passage, mais aussi non sans surprise des vignes dont on peut goûter les vins.
Cet engouement pour les vignobles du cru parmi la variété des productions locales conduit depuis 35 ans l’association des vignerons de la Province à chouchouter avec une extrême attention les hauts et larges rangs de vigne, mais aussi à rechercher de nouveaux cépages (seyval blanc, vandal-cliche, marquette ou frontenac) qui sonnent bien les noms du pays… et d’autres issus de recherche des Etats US les plus proches comme le Minnesota ou le Wisconsin, mais surtout qui résistent aux rigueurs hivernales tout en maintenant un niveau de qualité correct.
Les recherches combinent aussi les méthodes de floraison et "d’éclaircissement" des grappes, les coupages à trouver entre cépages, etc… Jusqu’à faire un vin blanc doux de vendanges tardives, dont on peut imaginer sous quelles températures elles sont faites ici. Sans transcendance, le résultat n’est pourtant pas banal et mérite l’encouragement pour l’enthousiasme avec lequel les jeunes vignerons se battent. Nous n’avons pas pris le temps de goûter aux vins rouges.
A la pointe ouest de l’île, Sainte-Pétronille est un très pittoresque village prisé des québécois pendant le week-end. Pardon!… « la fin de semaine ».
De beaux « cottages » anglais face au fleuve et à la pointe de Québec au loin témoignent de l’agrément du site à partir du milieu du 19ème siècle.
Là venait en traversier la riche bourgeoisie surtout anglophone, depuis la grande ville.
Sur les rochers moussus du cap, dégagé à marée basse, et qui pour un peu prendrait une allure bretonne, des groupes clairsemés recherchent des mollusques et hument l’air frais qui balaie le fleuve, avec là-bas Québec comme toile de fond.
De toutes parts, là plus encore que dans le reste de notre circuit, on constatera les efforts locaux pour produire des aliments, des plats, des pâtisseries de toutes sortes qui tentent d'être originaux et savoureux.
C’est le cas d’une chocolaterie presqu’au bout du cap, dont la fréquentation est dense en cette fin de semaine ; sa clientèle apprécie particulièrement des glaces molles que dégustent avec délectation les enfants et les seniors gourmands, après avoir attendu patiemment dans une longue file.
Même les supermarchés sont dotés d’arrière-cuisines pour préparer des tourtes diversement fourrées, différentes pâtisseries déclinées savamment au sirop d’érable…, outre tous les produits standards canadiens et US qui remplissent les étagères.
Un effort d’originalité qui semble aussi intense que chez nous dans les "Salons Saveurs". Belles et goûteuses innovations, quand je me souviens des tristes et assez écoeurants goûts américains d'il y a 50 ans.
Signalons aussi des efforts très spectaculaires pour l’architecture intérieure de quelques supermarchés : l’infrastructure d’énormes charpentes de bois clair en plafonds décalés de la grande enseigne IGA (Independant Grocers Alliance ; groupement des épiciers indépendants qui couvre le Canada et qui est aussi présent aux USA) de Boischâtel est à elle seule un spectacle.
En retrait et un peu en hauteur au-dessus du cap, l’église de Sainte-Pétronille, enveloppée d’un lambeau de forêt se tient dans un calme parfait. En arrière sur la pente son superbe presbytère très bien restauré domine lui-même latéralement un cimetière à l’anglaise.
Semblable à tous ceux d’ici, les pierres tombales se dressent au milieu du gazon balayé par les premières feuilles d’érable, poétique sérénité qui n’est gentiment troublée que par un ou deux vifs écureuils.
Sur la rive sud-ouest de l’île, c’est le même charme des villages avec d’anciennes maisons construites juste après l’arrivée des français ; les producteurs locaux vendent le long des routes les fruits de saison, notamment les fraises à prix aussi acidulé que leur goût, toutes sortes de belles pommes et des bleuets bien frais.
Dans cette fin septembre, les magasins de vente-dégustation prennent une forte tonalité orangé-potiron dans la prochaine perspective de Halloween, encore très intensément fêté ici, à l’inverse du Vieux Continent où l’engouement finit par s’affaisser après quelques glorieuses et mercantiles années.
La vie des habitants semble paisible au bord de la rive où l’arrière-saison engagée conduit les riverains à commencer à retirer les embarcations de l’eau, à côté de l’ample place de l’église de Saint-Jean en l’île d’Orléans. Là, une moderne paroissienne d’âge mûr prend plaisir à expliquer comment le sacristain en a fait restaurer avec brio l’intérieur néo-baroque.
Une qualité de vie qui s’exprime aussi dans l’élégante et discrète coquetterie des maisons rencontrées.
En tout cas, en ce dimanche de fin septembre, la pointe de l'île ici à Ste-Pétronille est fréquentée par toute la diversité québécoise, y compris de paisibles petites gangs de motards, bikers sur Harley Davidson, ou ultra-modernes tricycles qui poursuivent leur chemin vers le nord de l'île en pétarades étouffées.
Après avoir buté plus au nord sur un détournement de route du fait de travaux en cours, et traversé des chemins de piste au milieu des champs en pente, nous retournons avec regret vers le pont.
Felix Leclerc avait habité l'île et ne pouvait en son temps manquer d'observer cette belle perspective depuis la crête qui bascule vers l'ouvrage, mais d'où l'on n'aperçoit pas la chute, ou ses charmants petits cottages blancs qui font derrière leur éventail de verdure un clin d'oeil de courtisane aux passants, ou bien encore de belles et remarquables extravagances comme une maison de bois toute fleurie, toit rouge et lambrequins délicats, galerie aux piliers délicatement chantournés.
Mais il y a 50 ans, de son "petit chemin" bien bucolique, on passait déjà à cet hymne passionné et âpre, "mon pays, ce n'est pas un pays, c'est l'hiver!" de Gilles Vignault et aux fantaisies rock de l'échevelé sympathique, Robert Charlebois, puis à bien d'autres ensuite.
Puis il faut bien s'arracher à ce charme de fin de saison, reprendre la route 138 vers Tadoussac.
Une route toute simple il y a 50 ans, qui maintenant, sur cette large langue plate de la rive Nord du St-Laurent, limitée sur des dizaines de kilomètres par la falaise du plateau, est une semi-autoroute à double voie traversant les villages.
On y fait l'apprentissage de la signalisation, avec ces feux (lumières) clignotants, placés environ 200 mètres avant ceux d'un carrefour, et qui sont là pour annoncer le prochain passage au rouge de ces derniers.
Québec,
dévotions à Ste-Anne-de-Beaupré
Un peu moins de 20 km au nord de Boischâtel, longeant la voie ferrée, la route délimite de vastes espaces commerciaux et leurs parkings, de ceux qu'on rencontre partout dans le pays. Puis une ville apparaît à gauche dont les deux immenses clochers jumeaux argentés s'aperçoivent de loin. A gauche,... car à droite en allant vers le nord, s'étirent les terres marécageuses soumises à la marée du St-Laurent.
Au point qu'on se demande si les habitations et les villages longeant ici la 138 ne subissent pas les inondations du grand fleuve, en particulier lors des débâcles du printemps. Effectivement, de grands "débordements" sont consignés en 1869, 1886, mais d'autres petits se font encore malgré les régulations amont ; ainsi en mai 2015.
Il suffit de voir sur cette gravure de 1894 le monde qui patine sur les battures du fleuve au pied de Québec où dit-on la glace peut atteindre plusieurs mètres d'épaisseur, pour imaginer ce que peut être la débâcle.
Au carrefour central, un bâtiment curieux et massif style Art Déco, mais affublé d'un bulbe oriental s'intercale entre le très vaste parvis du grand édifice religieux et la route ; c'est le "Cyclorama de Jérusalem", qui n'a rien à voir avec un pédalo ou un vélo à rames (où a-t-on vu la mer atteindre Jérusalem?...).
En fait, il représente une vision totalement panoramique de Jérusalem au moment de la crucifixion du Christ, sur une surface cylindrique de 110 m de diamètre et 14 m de haut.
Installé ici en 1895, il a été conçu par un artiste allemand, Bruno Piglhein et exécutée à Munich de 1878 à 1882 par le peintre parisien alors réputé Paul Philippoteaux avec cinq collaborateurs.
Il est sensé reproduire les lieux et la manière de vivre de l'époque. L'artiste concepteur est allé sur le site prendre des croquis et des photos pour les transcrire ensuite dans le cyclorama. La "réalité augmentée" façon fin 19ème.
Mais pourquoi en parler, puisque nous ne l'avons même pas visité? Simple curiosité suscitée par cet effet de contraste par rapport à l'énorme basilique voisine.
On est en effet frappé par la hauteur de l'édifice catholique et cette impression de majesté quand on l'aborde depuis le très vaste parvis. L'absence de contreforts ou d'arcs-boutants accroît encore l'impression de grandeur ; mais comment est-ce possible?
Depuis le premier sanctuaire dédié par les Bretons à Ste-Anne (alors appelée Petit Cap) dès 1658, le site a connu de nombreux avatars d'églises successives, auxquels les inondations du fleuve et l'incendie ne sont pas étrangers. Si le site a pris cette ampleur, c'est qu'il fallait pouvoir accueillir avec toute la pompe souhaitée les pèlerinages annuels, le 26 juillet, dont le succès a été grandissant et qui n'ont cessé de se développer depuis 350 ans. Ce sont ainsi 45 000 personnes qui sont venues en 2015, le point culminant se situant semble-t-il dans les années 20 qui accueillaient jusqu'à plus de 200 000 personnes.
La construction commence en 1923, mais le gros-oeuvre n'est achevé que 40 ans plus tard en 1962 et la basilique n'est consacrée qu'en 1976. Pourtant selon certains, elle est achevée en 1934, à part peut-être les deux tours clochers qui culminent à 90 m. De fait, l'aménagement intérieur et la décoration se sont étalés sur plus de 20 ans à partir des années 30.
Elle relève des techniques modernes avec habillage de pierre d'une structure de charpentes métalliques, dont on voit un état d'avancement sur ces photos de 1924 et 1926. Elle se réclame du style néo-médiéval.
Tout y est monumental : le parvis donne en perspective sur la façade, dont les hautes portes revêtues de cuivre sont bosselées de bas-reliefs de scènes religieuses.
L'intérieur en impose par ses dimensions qui ne démentent pas l'impression extérieure. Les plafonds de la nef centrale sont décorés d'autres scènes de mosaïque à la façon byzantine, un peu comme sa soeur aînée, la basilique de Montmartre à Paris, construite elle plus d'un quart de siècle auparavant.
Comme pour tous les hauts lieux de pèlerinage, il y fallait un fond de miracles avérés ou notoires. Les très hauts et massifs piliers de part et d'autre de l'entrée centrale sont un hymne jaillissant aux handicapés miraculés qui y auraient abandonné leurs béquilles, dont certaines semblent même n'être "jamais sorties l'hiver".
La crypte souterraine est aussi une réussite architecturale avec ses arches en anses de panier téméraires et élégantes jetées sous la masse supérieure de la basilique.
De la même façon, l'hébergement, la restauration des pèlerins sont assurés par les établissements environnants, en face et autour de la basilique. Y compris "les marchands du temple".
En coin de rue, cette enseigne, "le Bar Laitier", vend des produits lactés rafraîchissants. Plus qu'une enseigne, c'est le nom original attribué un peu partout à cette sorte de bar restaurant. Bienvenue à la fraîcheur des produits locaux qui rejoint l'innovante et simplissime fraîcheur de la langue. Loin des "ice cream" de Paris et d'autres prétentieuses enseignes sonnant trop l'anglo-saxon chez nous.
Vis à vis de celui-ci, un autre établissement vient apporter une intrigante touche presque tropicale avec les couleurs intenses dont ses galeries de bois ont été peintes sur 2 étages.
C'est une galerie d'art créée en 2011 à la place d'une boutique d'objets religieux, qui elle-même a remplacé un hôtel en 1895. Elle préfigure l'activité artistique qui se déploie un peu plus loin dans la région de Charlevoix et à Baie St-Paul en particulier.
Diablotin contrepoint, mais aussi amusant et ironique contrepoids à la zone de pèlerinage voisine, compassée, un brin grandiloquente et très dévote par le passé, elle porte en un salutaire clin d'oeil le nom de "Ni vu ni cornu".
Québec, l'astroblème,
c'est à Charlevoix
La route 138 poursuit son parcours le long du St-Laurent et la voie ferrée, puis finit par s'en écarter en remontant sur un plateau de courtes montagnes usées de faible altitude.
Nous atteignons maintenant la région de Charlevoix, bien connue pour son pittoresque assez unique. Mais sait-on bien qu'elle doit surtout sa topographie particulière à son histoire géologique?
Le nom de la région provient de celui du jésuite historien français du 18ème siècle François-Xavier de Charlevoix (1682-1761) qui visita aussi le Japon, l'île de St-Domingue, le Paraguay, et publie en 1744 une somme sur l'Histoire de la Nouvelle France qui collecte ses propres informations (il parcourt l'Amérique du Nord de 1720 à 1722 après avoir enseigné à Québec de 1705 à 1709) et celles d'autres explorateurs.
Baie St-Paul
La Malbaie
Pourtant, le caillou était commun..., euh! pas plus de 2 km de diamètre s'il était rocheux, moins s'il était ferreux - les avis divergent -, et passait par là en voisin à une vitesse de 15 à 20 km/sec (50 à 70 000 km/h).
Le choc fut équivalent à celui de plus de 430 millions de fois "Little Boy", la bombe atomique qui fracassa Hiroshima!!!!!
Sur la durée des quelques minutes après l'impact, du fait des températures inimaginablement élevées qui vaporisent la météorite et font entrer en fusion une partie de la croûte terrestre, il se produit une sorte de rebond central (devenu le Mont des Eboulements, 738m) qui rehausse les couches profondes et fait s'effondrer les parties périphériques (comme on l'observe au ralenti de la chute d'une goutte du robinet sur l'eau).
Et le soufflé cataclysmique retombe...
Laissez reposer, ajoutez une pincée de quelques centaines de millions d'années où passent le rabot lamineur-dameur des érosions, et le robot mixeur du mouvement des Appalaches remontant du sud qui crée notamment l'Île aux Coudres juste face à Baie St-Paul ; pendant ce même temps, battez en neige un peu de la mer qui passe là puis l'eau du St-Laurent qu'elle laisse ensuite, enfin râpez (érodez) la partie sud du cratère qui est submergée.
Et vous avez le Charlevoix d'aujourd'hui.
Citons un effet probable de l'impact : un tremblement de terre de magnitude 7,3 à 7,9 touche Charlevoix le 5 février 1663, ressenti jusqu'au Massachussets ou à Boston. Il provoqua de grands glissements de terrains et le "déluge du Saguenay" de 1996 pourrait en être un effet collatéral. Il est perçu alors par certains comme un signe divin, une punition de ceux qui outrepassaient l'interdiction par Louis XIV de vendre de l'alcool aux indiens.
Mais il reste que ce sont bien ces vallées, ces altitudes inférieures à celles du Bouclier Canadien tout proche, ainsi que les apports multiples de sédiments qui en ont fait une région fertile et plus accueillante pour les humains, favorisant la diversification de la faune et de la flore, dans les quelques minutes géologiques où apparaît l'humanité.
Ainsi, la région est déclarée "réserve de la biosphère" par l'UNESCO en 1989.
Pourtant, même là (ou surtout là?), impossible de trouver le refuge d'un parking gratuit autour de la monumentale église. Nous visitons donc au pas de course, garés sur un côté de rue, surveillant la voiture d'un oeil pendant qu'une Harley Davidson joue les illustrations hyperréalistes près de l'église.
Après avoir franchi la rivière, nous quittons la 138 et prenons la 362 qui gravit la colline. Elle offre de ses hauteurs un beau panorama sur la ville que nous quittons, ainsi que sur les vastes et longs étirements de vases qui marquent la confluence à marée basse, au pied de sombres collines qui pourraient évoquer un romantisme wagnérien.
Seules les photos satellite permettent d'apercevoir ce demi-cratère qui s'adosse au nord-ouest au bouclier canadien au pied duquel ont été creusées deux vallées qui se complètent, et qui s'enfouit au sud-est sous les eaux du St-Laurent. Borné grossièrement le long de son diamètre par Baie St-Paul à l'Ouest et La Malbaie à l'Est, il se rehausse en son centre au Mont des Eboulements, à mi-chemin entre les deux villes.
En réalité, ce très vieux cratère d'il y a environ 400 millions d'années ("environ" prend ici tout son sens puisque l'incertitude sur la date de l'événement est de + ou -2,5 millions d'années!) résulte de l'impact d'une météorite avec la Terre (d'autres disent astéroïde) en ce point. Mais l'érosion, l'apport des sédiments, les mouvements géologiques postérieurs l'ont progressivement gommé ou dissimulé, si bien qu'on parle alors d'"astroblème", qui signifie cratère météoritique fossile. Du ras du sol, il n'est donc pas facilement décelable. Celui de Manicouagan en est un autre exemple plus célèbre encore par son ampleur.
Notons que ce n'est que 360 millions d'années plus tard, vers -66 millions d'années, que disparaissent notamment les dinosaures. Les bruits et les rumeurs disent qu'un cataclysme de même nature, plus vaste et définitif encore en serait une cause.
Nous voici donc après un long plateau d'épinettes dans la descente vers Baie St-Paul et sa vallée d'effondrement au fond de laquelle fuit la rivière du Gouffre vers le fleuve.
Sous un beau soleil, la ville, musée vivant, prospère, joue les coquettes cultivées ; toutes les belles maisons, les places publiques accueillent des oeuvres d'art, hébergent de petits musées ; on célèbre même avec une emphase candide telles artistes locales par des bas-reliefs de cuivre.
Un bel exemple, mais un peu appuyé de la manière de populariser l'art, ici réparti, disséminé, aisément accessible,... et préservé du vandalisme, peut-être du fait de cette distance de respect de l'oeuvre, à laquelle on sait pouvoir accéder sans cérémonial, devenue familière mais pourtant intimidante. Les thèmes et leur représentation se font ici cocasses, ailleurs hermétiques, ou au contraire très figuratifs.
C'est ici aussi, à Baie St-Paul que le fameux Cirque du Soleil fait ses débuts dans les années 80.
Quelque part sur le Mont des Eboulements, au bord de la route, un élevage original attire le regard ("Alpagas Charlevoix"). Devant une oeuvre gauchement élégante faite de treillis de fils métalliques, - une tête féminine portant capeline -, voici la ferme des alpagas. Elle n'est pas unique dans la Belle Province.
Tête haute, ces camélidés, coiffés d'un toupet-touffe à la manière des coupes d'après-guerre qui tombe sur les yeux, les pattes fourrées haut de laine épaisse, la démarche délicate et guindée de starlette façon Arielle Domsbale jeune, gracieux, plus préoccupés de paître que curieux des visiteurs, mâchouillant parfois une brindille comme un poète aux champs, délivrent chaque année leur précieuse laine. Qui leur a été ôtée il y a peu puisqu'elles sont maintenant à poils courts, sauf les chaussettes.
Bien sûr, il s'agit là des femelles. Le mâle à tête noire, puissant et dédaigneux, repu et satisfait s'isole du harem.
Une boutique présente tous les produits issus de cette laine.
Et pour les blanches femelles, comme le dit un alexandrin d'un lointain cousin de Beaudelaire depuis longtemps oublié, "il y a dans leurs yeux soulignés de khôl noir comme une nostalgie de leurs hauteurs andines".
Car si froid et neige sont bien là l'hiver, les altitudes sont ailleurs.
Le ruban de bitume sinue lentement sur le plateau, rebondit parfois, dominant le fleuve qui disparaît sous un édredon de brume. Puis il parvient à une crête sur la pente de laquelle se déploient les parfaites pelouses d'un grand terrain de golf. Par devers la pente tout au-dessus du fleuve, mais invisible d'ici, le Manoir Richelieu, fameux ensemble hôtelier de prestige, auquel appartient ce golf "Fairmont Le Manoir Richelieu". A ne pas confondre avec l'autre grand golf voisin plus près de la ville, le golf "Murray Bay".
Nous sommes en effet sur les hauteurs de La Malbaie.
Dès l'avènement des bateaux à vapeur, les croisières sur le St-Laurent prennent un grand essor à partir de 1830.
C'est la grande période des croisières des "bateaux blancs" qui ne disparaîtra qu'en 1965. Ces grands bateaux qui accueillent au tournant du 20ème siècle jusqu'à 750 passagers sont en effet tout peints de blanc, leur équipage tout de blanc vêtu et stylé, pour de riches clientèles canadiennes et américaines.
A La Malbaie et dans les petits ports en aval (Cap à l'Aigle) et en amont (Pointe au Pic) se créent alors des pontons en mesure d'accueillir ces bateaux dont beaucoup sont à aubes.
Ainsi, celui de Cap à l'Aigle, sur cette photo prise en 1895.
Faute de temps, nous ne verrons ni le Manoir Richelieu ni le Casino qui le jouxte.
Le parcours de la route longeant la rive ne présente lui-même aucun autre intérêt que les mornes et immenses vases de la rivière Malbaie.
Nommée ainsi par Champlain en 1608 quand il découvre l'endroit et les difficultés pour accoster, manoeuvrer, naviguer...
Pour lui, ce sera la "malle baye", un nom qui lui restera ensuite.
L'embouchure de la Malbaie