Sud Thaïlande,
2- Golfe de Phang Nga
Au sud et nord du golfe, des îles foulées, damées aux pieds du monde entier
Bang Rong Pier,
l'embarcadère
Le point de départ des excursions en speed boat vers le Golfe de Phang Nga est Bang Rong Pier (le quai de la rivière Bang Rong).
On est sur la partie aménagée de l’estuaire de cette courte rivière un peu sinueuse qui se referme en entonnoir vers l’amont sous l'épaisse mangrove aux rives inextricables.
Après avoir laissé la voie principale à un carrefour où se dresse une mosquée blanche et verte, depuis la route qui nous y mène s'aperçoivent quelques barques échouées, des longtail boats, qui semblent des épaves mais n’en sont pas ; seulement des barques en attente de la marée, comme dissimulées au milieu des palétuviers. A la différence de celles que prennent les touristes, colorées et embellies, ces barques de pêcheurs sont en bois non peint.
On atteint ensuite avec notre petit van, dont la marque Toyota est très répandue, une sorte de grand parking fourre-tout où les véhicules pour touristes et ceux des thaïlandais s’agglomèrent, s’enchevêtrent en joyeux foutoir, manoeuvrent au centimètre près, se faufilent pour entrer et sortir sur le bitume déjà chaud du matin.
Elle prépare aussi quelques plats locaux pour les équipages des thaïlandais qui conduiront les speed boats et les chauffeurs repartant, souvent assis sur un banc dans l’incroyable position du lotus, jambes repliées avec les pieds relevés sur les cuisses opposées.
Tôt, l'un des matins de départ, le ciel effiloche des nuages rouges sur le ciel d’un bleu intense dans le soleil levant.
Sur les trois excursions que nous ferons depuis ce petit port, il était inévitable qu’une fois au moins, nous tombions sur la marée basse. Au pied des robustes pilotis, une vase luisante et grise laisse miroiter le soleil dans les flaques qu’elle retient, fade et triste comme la lagune à Venise en reflux, si ce n’était l’éclat tranché d’un bleu soutenu de la rivière voisine.
C’est le terrain de jeu de crabes rapides et d’êtres amphibies qui se meuvent en se trémoussant à l’aide de leurs fortes nageoires derrière les ouïes, comme un militaire en manoeuvre rampant sur les coudes ; pourtant ce ne sont pas des poissons-chats, mais des sortes de minuscules monstres comme des êtres en mutation. Peut-être nous il y a quelques centaines de millions d’années ; nos adorables ancêtres.
De fait (photo de Wikipedia), ce sont des poissons amphibies (respiration par les branchies dans l'eau et par la peau hors de l'eau comme les grenouilles) qui appartiennent à la famille des gobies. Cette sous-famille se nomme "oxudercinae".
Nageoires pectorales en guise de pattes avant, ils sont particulièrement adaptés à la mangrove et à ses marées, creusent la vase pour éviter de s'assécher. et savent même sauter pour fuir leurs prédateurs.
Hé oui! pour un peu les prédateurs leur donneraint même des ailes!!...
NB- Ce qui s'écrit en caractères occidentaux "ph...", comme "Phang" se prononce "p...", pour notre exemple "Pang".
Ainsi Phang Nga se prononce Pan Ga, et Koh Phi Phi s'énonce Ko Pi Pi.
Au bout du parking en cul-de-sac, sur de hauts pilotis de ciment et de bois, une plateforme faite de planches plus ou moins ajustées est équipée de grandes tables de bois et de chaises, abritées par un toit léger qui protège du soleil. Elle domine de 4 mètres la surface de la rivière à marée basse.
Cet accueil est le lieu de rassemblement des très nombreuses excursions pour les départs en bateau vers les archipels du golfe de Phang Nga.
Même dès le petit matin, l'affluence est importante. Mais le pire semble être à des heures plus tardives de la journée en saison pleine, ce qui nous sera heureusement épargné.
A côté d'un distributeur de carburant désaffecté, la plateforme permet en tout cas aux touristes d’attendre que tous soient réunis, guides compris.
On y prend un thé, un café, prestement préparés pour moins d’un euro (30 bahts) par une grand-mère alerte au sourire discret, qui écope avec une large écuelle métallique l’eau brûlante d’une bouilloire rustique versée ensuite dans les tasses.
En retrait vers le fond, trois cabines de toilettes adjacentes, à la manière de celles que l’on verra souvent en dehors des villages et des hôtels.
Faites de tôle sans toit (si ce n’est celui de la plateforme), une cuvette surélevée dont le socle est enserré dans un monticule de ciment permet latéralement de poser les pieds : un compromis entre WC standard et chiottes à la turque.
Pas d’autre écoulement des eaux bien usées que dans l’eau du petit port par l’arrière. Ou bien y aurait-il des grandes citernes bien dissimulées, ce qui nous aurait échappé ? Pas de tinette non plus : mais comme pour le thé ou le café, une sorte de rudimentaire casserole à écoper, flottant dans un grand bac d’eau que l’on remplit en ouvrant un robinet.
Pour évacuer les excrétions, il suffit de verser quelques contenus de l’eau prise avec cette casserole et de les verser dans la cuvette. Honte à celui qui oublie.
Dans le contexte, rien que de très normal et même de respectable.
Parfois ailleurs, du papier permet les nettoyages habituels, mais doit être jeté, non dans la cuvette mais dans une grande poubelle voisine ; une sorte d’amas humide réjouissant, mais curieusement (encore) inodore.
Juste en amont, l’extrémité de la terrasse du parking est aménagée en quai maçonné avec une pente de bitume, auquel accostent en plusieurs rangs les longtail boats des thaïlandais et leurs bruyants et agiles moteurs.
A certaines heures les va et vient animent sans tension le petit port, familles entières avec cartons, légumes, fruits, chiens et enfants, celles qui vivent sur des îles de l’archipel que nous allons commencer à découvrir.
On comprend bien le sens du mot anglais "long tail boat", quand on voit la longueur de l'axe au bout duquel se trouve l'hélice.
Le moteur est en général un 6 cylindres en ligne récupéré d'un véhicule, et monté en pivot exactement à la place du gouvernail. Le pilote, qui tient en main l'extrémité du système n'a plus qu'à la hausser pour plonger l'hélice dans l'eau, et à la déplacer latéralement pour orienter le bateau.
Nos destinations en golfe de Phang Nga
Après que les voyeurs moutons voyageurs aient été rassemblés, voici l’heure du départ.
La file des touristes descend une pente de planches robustes faites de bric et de broc, et par-dessus la boue atteint une courte jetée de bois. De là, on embarque dans le speedboat après s’être déchaussé ; les chaussures sont conservées par chacun sous le banc où l’on s’assoit dans le bateau, parfois dans un grand sac fourre-tout duquel chacun tentera ensuite de retrouver… chaussure à son pied.
L’équipage facilite pour les moins agiles, les moins jeunes, les décatis (suivez mon regard) le franchissement du bord pour accéder au cœur du bateau, dont la nacelle est couverte d’un toit de toile. D’autres à l’avant, au-dessus de l’étrave s’enivrent de soleil et du vent fouettant.
Les trois moteurs V6 Yamaha, ou Suzuki, donnent leur pleine mesure et dressent la proue qui claque parfois sur l’eau et dégage une puissante moustache d’écume. A l’arrière une triple vague en sillage incandescent, tonique et fascinante. L’étourdissant et régulier vacarme des moteurs finit, au bout de quelques minutes par bercer jusqu'à la somnolence ; l'esprit avachi, trop tôt réveillé, s'abandonne à l'ivresse iodée.
A la sortie du petit estuaire, l’horizon s’élargit après avoir longé un peu de la côte de mangrove.
L’archipel complexe, aléatoire, pourtant impassible, forme là des plans de mer calme, ou bien s’ouvre plus largement sur la mer d’Andaman ailleurs.
La houle s’accentue alors, le speed boat porte mieux encore son nom, et vient casser en chocs répétés les vagues qui se succèdent. Aïe les reins ! La position debout amortit mieux les chocs en jouant de la souplesse des articulations des jambes et des pieds.
Le discours préventif du guide alerte au départ ceux qui souffrent des reins ou d’autres qui craignent le mal de mer. Mais tout se passe bien.
Quand le parcours est long, notamment vers le sud et Koh Phi Phi ou Maya Bay, le petit équipage et le guide distribuent des boissons et des friandises de diversion, gardées au frais dans une sorte de bain de glaçons conservés dans une sorte d'énorme glacière au centre du bateau.
Les restes seront jetés dans une grande poubelle à couvercle à côté.
L’immédiate impression, c’est l’originalité fantasque, presque fantastique par moments, de ces rochers massifs, tourelles, pitons, piliers, pains de sucre karstiques (en gros, d'origine calcaire, et érodés par l'eau et le gaz carbonique) dressés sur l’horizon, en plans successifs bleutés qui s’estompent.
Là réside l'une des explications de ces falaises élevées parfois quasiment à l'aplomb :
- sur un îlot karstique, les eaux que l’on dit ici plutôt acides pénètrent le calcaire et finissent par créer des failles, des clivages verticaux, des crevasses.
- en même temps la mer sape, affouille les parois en périphérie.
Ces deux phénomènes, conjugués sur des milliers d’années finissent par détacher des pans entiers de roche qui basculent et s’abattent en mer, libérant de nouvelles parois aussi verticales et striées.
Tout en majesté, on les croise à toute allure. La plupart présentent des falaises quasi-verticales, dont les parois verdoient dans leur diversité tropicale.
Certains sont si abrupts que même la moindre végétation peine à s’y accrocher, laissant alors apparaître de longues stries noires parallèles, parfois de couleur ocre. Mais des stries verticales...
Qui ne peuvent être d'anciennes strates horizontales qui auraient basculé cul par-dessus tête.
Alors quoi?
Simplement, les traces du lent écoulement des eaux à travers le calcaire.
Dans son immémorial travail de sape, la mer, ses vagues, les marées, les tempêtes excavent, creusent, taraudent le pied des parois. Le surplomb prend des dimensions souvent spectaculaires.
Quoiqu'il en soit, ceci ne peut suffire à expliquer pourquoi ces formations karstiques se trouvent distribuées aussi bien en mer que dans la jungle ou les hauteurs plus au nord.
En simplifiant à l'extrême, à l'échelle géologique, une fois que la plaque continentale indienne est venu percuter violemment l'immense plaque eurasienne au nord il y a 50 millions d'années, notre région périphérique à l'est a été ensuite soumise à des mouvements, des épisodes successifs de montée et de retrait de la mer, des périodes de sédimentation notamment coralliennes, et en même temps et surtout des séquences d'érosion différentielle (érosion qui préserve les roches dures et use les plus tendres). De là sont nées ces remarquables formations karstiques.
Celles de la baie de Ha Long au sud du Vietnam auraient la même origine.
Les innombrables îlots prennent aujourd'hui des configurations d'une grande diversité, recelant de superbes criques, ailleurs des voûtes de stalactites sur la mer, des isthme étirés de sable clair sur une mer limpide qui se teinte d'une couleur turquoise intense mais prend toutes les nuances imaginables, offrant des panoramas d'une grande beauté, que l'homme occupe parfois de manière originale.
Mais le caractère massif des visites touristiques finit par nuire lourdement à l'environnement et à la biodiversité locale, malgré quelques efforts pour en limiter l'effet de la part du pays.
Plutôt que de décrire chacune de nos visites du golfe par le détail, voici des exemples représentatifs des sites rencontrés, qui finalement couvrent la totalité de nos visites,... en commençant par le pire.
Bamboo island, l'îlot à fuir
Quelle curieuse idée de TO d'imaginer qu'on puisse trouver un attrait à cet îlot? Sauf celle de s'appliquer à remplir un espace de temps dans la journée.
Bien sûr, la grande plage de sable fin à pente douce est là, si vaste qu'elle semble modérément fréquentée quand on a en référence celle de La Ciotat en juillet!!! L'eau chaude assez limpide, bien sûr turquoise, est fréquentée par quelques beaux poissons,... et des baigneurs et des snorkellers.
Car tous les bateaux rapides de la planète et leurs modestes frères à longue queue semblent là en effet, coque à coque, et le monde entier aussi. Jusqu'à des asiatiques blafards, craignant le soleil comme la peste (les chinois sont réputés pour ne pas vouloir se bronzer), et qui portent des protections des joues et du nez, emplâtres blanches (poudre de riz?) semblables aux masques noirs des médecins du Moyen Âge secourant les pestiférés.
Les toilettes, à demi dissimulées dans un bosquet se repèrent à distance par leur odeur saisissante.
A la... décharge du pays, il s'agit du seul site où, malgré le caractère en général rudimentaire des toilettes sur bien d'autres îlots, on ait eu à subir cet inconvénient.
Des panneaux alignés rappellent les sanctions - bien dérisoires- de 1000 bahts (à peine 25€) auxquelles on s'expose pour telle ou telle contravention au règlement local, au demeurant très respectable : interdiction de prélever des coquillages, de jeter l'ancre sur les coraux, de nourrir les poissons ou les singes bien top discrets, de laisser des détritus, d'amener de la mousse de polystyrène...
C'est, au nord de l'archipel des Koh Phi Phi, Koh Mai Phai, qu'on appelle aussi pour les touristes "Bamboo Island".
On suppose que d'autres parties de l'îlot (550m sur 660m) sont beaucoup plus attractives, plus authentiques, et qu'on y trouve les fameux bambous et peut-être quelques singes boudeurs...
Golfe de Phang Nga
trois beaux sites, bien envahis
Koh Phi Phi Ley
Malgré tout, ces superbes harmonies entre la mer, les rives de sable, l'intense flore tropicale, les hasards les plus inattendus du relief karstique ne manquent pas de créer des paysages de rêve, ou en tout cas d'une originalité remarquable.
C'est le cas du site appelé "Maya Bay" (voir photo Google Earth ci-dessous) pour les touristes, sur l'île Koh Phi Phi Ley.
Le franchissement de l'entrée d'un grand cirque de rochers élevés (plus de 100 mètres de hauteur par endroit), au fond duquel une vaste plage se déploie sous un arrière-plan d'une riche végétation tropicale s'élèvant en gradins est un vrai émerveillement. Sa beauté n'a pas échappé à certains réalisateurs de film, puisque là fut tourné "La Plage" avec Di Caprio, V. Le Doyen et G. Canet.
Le fond de la baie remonte lentement, de sorte que les bateaux à touristes, selon la marée, ne peuvent s'ancrer en chapelet qu'à quelque 40 mètres de la rive. Et voici que pour atteindre celle-ci, les moutons amusés, depuis le pied de la courte échelle du bateau, déambulent dans 50 cm d'eau sur un fond de sable lisse, évitant ici et là quelques roches.
Bien sûr le monde entier est là, malgré l'heure anticipée du matin, et après presque une heure de parcours rapide pour y venir depuis notre embarcadère.
Puis le passage s'évase et descend entre les hauts rochers, pour aboutir enfin, après avoir traversé l'isthme à une plateforme de bois aménagée pour contempler le panorama sur l'autre côté, au travers d'une sorte de fenêtre rocheuse. Percée à sa base une autre vaste ouverture naturelle donne sur l'eau.
L'accès à la plateforme se fait par un ponton en bois étagé, au bout duquel on patiente en noria avant d'atteindre le plateau d'observation. Modeste à notre arrivée, la longueur de la file d'attente avait doublé en en sortant!!
Le panorama de l'autre côté donne sur une mer à récifs d'une étonnante limpidité, entre d'énormes rochers sapés à leur base dont l'un évoque un colossal bouton de quizz.
On apprendra après notre retour qu'en avril 2018, les autorités thaïlandaises ferment pendant plusieurs mois (du 1er juin au 30 septembre 2018) ce site pour permettre la recomposition de la biodiversité, gravement dégradée du fait des 4000 touristes quotidiens qui le parcourent.
Et n'en permettront ensuite l'accès qu'à un quota quotidien maximum de 2000 visiteurs.
L'état des chemins de sable est effectivement parfaitement damé, et les deux groupes de bâtiments pour les toilettes souffrent manifestement de l'excès de fréquentation, sans pour autant dégager les pénétrants parfums de Bamboo Island.
Quittant cette baie protégée, cette fois dans la partie nord de cette île Koh Phi Phi Ley, sur la côte est de la petite péninsule qui s'étire, voici un cristallin spot de snorkelling, presque au pied d'une très vaste anfractuosité de la falaise où les fameux nids d'hirondelles sont cueillis par les "gitans de la mer", les Moken.
Quelques échafaudages en témoignent.
La découverte se poursuit, en arrière de cette belle plage, après avoir franchi une sorte de passage un peu encaissé au travers d'une flore plus clairsemée, entre d'étranges arbres sur échasses, en fait leurs racines (comme des danseuses d'opéra perchées sur leurs pointes).
Ce sont des "pandanus" aussi appelés ailleurs "vacoas", déformation probable de "baquois", leur autre nom générique. En anglais on les nomme "pin à vis" (screw pine). Ce ne sont pas des palmiers mais plutôt de grandes herbes d'une famille qui a marqué nos mémoires scolaires : les monocotylédones. Enfin si leurs racines peuvent évoquer le palétuvier, erreur, ils n'en sont pas du tout.
C'est souvent de leurs longues feuilles tressées qu'on fait les cloisons et les parois extérieures des maisons anciennes locales.
On en a aussi rencontré sur la petite "île vierge" au nord-ouest.
Hé non! la couleur aperçue en retrait, qui pourrait être turquoise, ce n'est pas la mer, mais une barrière de protection colorée.
Par contre le panneau flambant neuf d'évacuation en cas de tsunami est bien une réalité ; qu'on ne souhaite pas expérimenter là. La voie de fuite est probablement vers les nombreuses hauteurs environnantes.
On a même vu en ce lieu une sorte de lamentable lamantin blafard à tuba, tentant d'observer les fonds proches. Divers types de volumineux coraux en forme de grands coussins, ou bien de courts tubes verticaux d'où n'émergeait pas la redoutable tête de murène, tapissent les rochers.
Seule l'immonde qualité de mon appareil photo sous-marin prive de restituer la beauté des poissons et des oursins, bercés par la houle.
Koh Phi Phi Don
Juste au nord de Koh Phi Phi Ley, l'île de Koh Phi Phi Don est la plus grande de cet archipel, bien sûr nommé Koh Phi Phi.
Avec Koh Phi Phi Don, voici une première île habitée. Celles que nous avons décrites jusque-là dans ce chapitre ne l'étaient pas à l'origine, et ne le sont aujourd'hui que pendant la journée, pour les besoins du tourisme.
En proximité, un village sur pilotis tout fait de matériaux locaux, et qui semble avoir retenu la belle architecture traditionnelle, est en construction.
On y remarque, comme sur tous les chantiers de travaux extérieurs, que les ouvriers se protègent de la morsure persistante du soleil en se couvrant totalement le corps d'une double (ou triple?) épaisseur de vêtements légers.
De la même façon, la tête est protégée par un vaste chapeau tressé, couvrant un grand foulard qui fait aussi masque sur la bouche.
Les silhouettes thaï, longilignes et sèches souffrent rarement de surcharge pondérale.
Ce vêtement protecteur qui gomme le genre (ce mot devenu de manière forcée, à la mode) fait ainsi de tous les ouvriers et ouvrières des êtres androgynes.
En tout cas, et sans regret après avoir lu quelques autres reportages, nous ne verrons au sud de l'isthme le village de la baie de Ton Sai (à gauche sur la photo ci-dessous).
Le tombolo de Koh Phi Phi Don vu des hauteurs aurait pourtant bien mérité que l'on s'y attarde (photo par ciel maussade capturée sur internet).
Son isthme, appelé "tombolo" dans le vocabulaire géomorphologique, s'aborde depuis le nord ou le sud. Nous y venons après un long parcours en bateau, puis un bain émollient sur une belle plage de la Baie des Singes au nord-ouest. Bien sûr, de singes point... L'accostage se fait sur une belle baie où quelques petits hôtels modernes et coquets dominent la plage, surplombés d'abruptes collines couvertes d'une dense végétation.
Sur le sable brûlant du chemin pour parvenir au restaurant, des panneaux indiquent avec détails les chemins d'évacuation en cas de tsunami.
Grande halle, contigüe d'un hôtel cossu, la salle de restaurant est une sorte d'usine à repas, qui s'enchaînent entre les groupes débarquant successivement. Les chinois qui nous talonnent sont en nombre ; ils se pressent sans égard pour nous qui finissons à peine de manger. Mais il nous faut dégager, hâtés par les serveurs qui cernent les derniers retardataires, boisson d'une main, pâtisserie collante de l'autre. A peine le temps de voir qu'on n'a rien oublié sur les sièges.
Assez désagréable impression qui semble être une règle générale, pas forcément imputable au groupe suiveur.
Cependant, à ceux qui sont spontanément conduits à cohabiter avec de tels groupes de touristes de l'Empire du Milieu, manifestement saisis d'un instinct grégaire de survie, on recommande une stratégie d'échappement -forcément- périphérique, de fuite ou d'évitement spatial ou chronologique.
A défaut, il faudra accepter de subir cette version moderne, indolore et insidieuse du "supplice chinois".
Pourtant quelle civilisation est plus cultivée que celle-là?
Mais pas d'erreur, ailleurs, ce sont vraiment des femmes... ici des travailleuses musulmanes sur la côte ouest de l'île de Phuket, dont la même tenue de travail évite pour l'occasion de recourir au voile.
Khao Ta Poo, "l'île de James Bond"
L’autre incontournable visite est celle de l'îlot dit de "James Bond", car là furent tournées des scènes (d'autres l'ont été dans la baie de Ha Long au Vietnam sud) de "L'homme au pistolet d'or" en 1974 où Roger Moore, l'élégant mollasson anglais , ex-Ivanohé, incarnait le fameux espion.
Car l'attraction principale, parfaitement spectaculaire, est cet éperon rocheux à 40 mètres de la paire d'îles Koh Khao Phing Kan.
Notons qu'ici, dans le nom de ces îles sont associés les deux mots koh et khao, pour signifier île-colline. C'est le cas souvent aussi ailleurs quand on désigne cette sorte d'île qui est aussi un peu montagne.
Pourquoi ne pas plutôt y voir un stylo de Titan, qui pour un peu tremperait sa plume dans l'encre... de la mer de Chine?
Et puis, cabotin comme bien d'autres, on peut lui reconnaître des qualités photogéniques incontestables quand la lumière change, avec son capuchon verdoyant aux touffes tropicales parfaitement gominées-figées.
Cette configuration présente une fragilité certaine, qui a cependant résisté vaillamment au tsunami de 2004, fortement dévastateur ici.
Mais deux précautions valent mieux qu'une : la circulation des bateaux est interdite dans sa proximité ; ce qu'ailleurs on ne parvient pas encore à faire pour préserver par exemple l'instable Venise qui oscille sur la boue, se ronge et se décrépit.
Après avoir accosté sur la plus proche des îles, et parcouru un chemin en balcon qui s'élève , nous voici face au "clou", qui n'est pas seulement celui du spectacle.
La fréquentation n'est pas excessive. Sur le petit quai, quelques boutiques à touristes et des toilettes propres, à ciel ouvert mais hors des regards.
A côté, un colossal pan de roche oblique est venu se bloquer contre le rocher, illustration probable de mouvements sismiques anciens. Mais aussi refuge des vessies pressées dans quelques recoins bien odorants.
Le nom même de ce rocher évoque sa forme, puisqu'en langue thaï il signifie "clou", ce que rappelle effectivement son allure : 20 mètres de haut, avec un diamètre d'environ 8 mètres pour la partie supérieure principale, mais qui se rétrécit à 4 mètres sur une profondeur sous-marine d'environ 8 mètres. Toujours le même travail d'affouillement de la mer et des marées.
En arrière, l'érosion a creusé des sortes d'anfractuosités traversantes, des cavernes biscornues et spectaculaires, des sculptures spontanées de stalactites, dont certains viennent puissamment surplomber la petite baie à l'arrière.
Le plus étonnant est la manière dont ce bloc de rocher percé constitue un plateau lui-même profondément rongé par la mer en dessous.
L'accès a été un peu bétonné pour les touristes. Si ça n'était l'inconfort de passage de certains boyaux, on croirait presque une attraction à la Disney. En tout cas, tout semble poli et lisse là où peut passer l'homme.
Par contre, partout ailleurs dans l'environnement rocheux, en surplomb sur la mer ou dans de nombreuses autres sombres anfractuosités, les arêtes acérées des stalactites et stalagmites sont intactes.
Puis il suffit qu'un long tail boat passe, et la magie du panorama opère.
diodon