Sud Thaïlande
1- Entre Khura Buri et l'archipel de Laem Son, "les Îles Vierges"
Pour la visite de cette première région, notre point de départ est, selon l’information de notre opérateur, le port de pêche de Khura Buri.
Dans ce recoin un peu isolé, des carcasses de bateaux rouillent ou laissent blanchir leurs nervures, longues et étirées comme des squelettes de cétacés. A côté, deux rafiots en cale sèche sont en cours de restauration.
Comme l'éclairage de certains stades la nuit, l'extrémité de plusieurs perches inclinables porte un plateau de spots ou de grosses ampoules électriques. Ailleurs, d'autres s'agrippent en guirlandes le long de leur axe.
Une flotille des bateaux de pêche est à quai.
Peints de vives couleurs, ils prennent ici des dimensions surprenantes, avec en poupe une sorte de gaillard d'arrière haut de deux ou trois niveaux superposés dont le plancher épouse la courbe de la coque principale, et qui leur donne une vague allure des caravelles de Colomb.
Car la pêche se fait ici de nuit, avec ces lamparots à la puissance centuplée.
D'avion, la nuit de notre départ retour depuis l'aéroport de Phuket, chacun faisait sur la mer noire une intense tache de lumière immobile.
Koh Hin Pla,
une petite île à part
Des filaos se rassemblent en une petite forêt dont le sol n’est que de sable fin et de tapis d’aiguilles de pins.
Sur le sable côtier, des troncs blancs d’arbres morts, de cireuses souches apportent leur singularité dans le paysage lisse sur fond d’horizon tiré d’un trait net. Modernes et spontanées œuvres d’art.
A l'opposé des filaos, un petit promontoire est dominé d'un tertre rocheux sauvage que l’on peut gravir à travers des arbres à hautes racines. De là se contemple une partie de l’île.
Après l’estuaire ensablé où s’enchevêtrent des bras de rivière tentaculaires et sinueux comme ceux d’un kraken, depuis ce port, on atteint vers le nord, après avoir croisé quelques autres îlots qui forment l’archipel de Laem Son, une petite île presque totalement déserte. C'est Koh Hin Pla (qui sur une carte locale au départ de Khura Buri semble aussi se nommer Koh Gum Tok???).
L'îlot (photo satellite de Google Earth ci-dessus) présente une baie semi-circulaire qui s’adosse au sud à une longue et douce crête de sable blanc formant une plage à faible pente où accoste et s’ancre notre bateau.
A la différence de ce qu’on rencontre sur les plages des hôtels, les branches des arbres ne sont pas affublées des stupides amas de petits bouts de coraux ou de colliers en breloque de coquillages.
Sous un ciel voilé, parfaits moments de calme où l’on marque de nos pas le sable, si fin qu’il semble... de vase, et qu'il cède presque tendrement sous le pied.
Pourtant cette visite, dite des « îles Vierges » se révèle presque un petit miracle de quiétude, de sensation d’exclusivité et de relative authenticité.
Puis à regret, après l'avoir arpenté et avoir nagé dans une eau de délice, on s'éloigne de notre modeste paradis vers le sud-est.
Nous croisons un autre pittoresque îlot qui sert de cadre à une mise en scène, peut-être pour une photo de mode, ou l'illustration d'une revue pipol. Une jeune asiatique (thaï ou chinoise?) affublée d’une queue tente très maladroitement d'incarner une sirène.
Ailleurs un petit groupe de visiteurs chinois s’installe, glacières et victuailles, sur des tables de fortune amenées en bateau, et se prépare à déjeuner lourdement ici.
Sud Thaïlande,
vers les pêcheurs flottants
de la mangrove
Vers le sud, sur la lisière nord-est de la plus grande île de Koh Ra, après un fragile et élégant débarcadère perché sur ses échasses, voici un hameau de pêcheurs avec quelques grandes huttes sur pilotis.
Cloisons et parois extérieures sont faites de planches légères et de longues et fines branches élaguées en claire-voie.
Juste ce qu'il faut pour préserver l'intimité visuelle ; car presque rien ne retient les sons et les bruits, même tranquilles, ni les discrètes conversations, dans une fumée de préparation de repas.
Le « tout à l’égout » verse directement les déchets de toutes sortes dans la vase au-dessous.
La marée nettoiera et emportera probablement tout des modestes déchets de ce microcosme, sauf ce qui restera accroché aux racines des palétuviers. On compte sûrement ici sur les crabes et les poissons plus ou moins carnivores pour nettoyer les déchets.
Là, sur des tables rustiques plantées dans le sable à l’ombre de hauts filaos et d'autres arbres aux lourdes feuilles résineuses, nous dégustons les produits locaux concoctés à la manière du pays : riz cuit à l’étouffée dans la cavité d’une section creuse de bambou, omelette à l’huile de palme locale, -prétendue plus digeste que celle pour laquelle on abat des immensités des forêts tropicales et équatoriales-, mais en tout cas savoureuse, poisson grillé en brochette, autres fritures épicées, et pour finir les inévitables et succulentes tranches d’ananas de la variété Victoria ; on le trouve entier, bien frais et à point sur les marchés pour à peine 10 bahts (0,25€) !!
Alerte! On ne dérange pas le repas du touriste affamé, jaloux de sa brochette comme un fauve dans sa savane...
Sur le chemin du retour, nous voici à nouveau à la merci du pilote de notre bateau, perdus dans un autre méandre que se fraye la mer dans la mangrove, et qui se rétrécit à mesure que nous le remontons.
Son petit estuaire est juste au nord de celui de notre point de départ.
Voici un village de pêcheurs, village flottant sur des conteneurs. Il s'agit plutôt d'une succession d'habitations sur radeau.
Retour à la réalité moderne : nous ne verrons pas les habitants, partis faire leurs courses ailleurs, lors de notre passage (en bateau sûrement, mais au supermarché du coin??).
Puis une petite balade digestive dans les eaux chaudes du voisinage, pieds dans le sable et calme parfait, le long d'une orée de palétuviers ; une étoile de mer s'offre avec volupté au soleil et prend une étonnante teinte bleue, dans quelques centimètres d'une eau limpide.
Mais peut-être, là où l'on croit voir un rituel solaire est-ce l'agonie d'un échinoderme, macérant dans trop peu d'eau chaude? Adieu romantisme...
En tout cas, tout le nécessaire à la vie sur l’eau est ici présent : pièces de repos avec hamacs, cuisine équipée rudimentaire mais complète, réserves d’eau en gros conteneurs de plastique, jardins aux herbes, pots de fleurs… Les toits sont de tôle et de feuilles de palmier.
Les espaces sont délimités par des cloisons de feuilles de palmiers tressées, en motifs réguliers, donnant une impression de grâce fragile. Bien sûr aussi sont accostés ici et là les bateaux sans lesquels rien n’est possible.
De l’une de ces cabanes flottantes dont les murs obliques semblent près de s’affaisser, -mais il s'agit d'un subterfuge de construction- un petit enfant tout sourire nous salue par-dessus une barque vivement colorée.
Dans ces eaux de confluence entre courants marins chauds et frais, la faune marine est abondante, et constitue le fond de subsistance et de commerce pour ces populations aguerries de générations de pêcheurs ancestraux.
Outre les bateaux de pêches, nos hôtes absents détiennent un oiseau de proie auquel ils ont appris la pêche pour leur compte, et qui reste attaché à un agrès de bois sur lequel il se perche.
Mais ici ils élèvent et produisent surtout des crabes de belle taille pour la vente, dans un impressionnant alignement de trémies flottantes (vue ci-contre). Certains sont en pleine mue (et non en "mutation" comme l'annonce notre trop jeune guide francophone de France) qui laisse place à une nouvelle carapace encore molle, que l'on peut déformer au doigt. Impavide, le crabe ne réagit même pas, ou bien le ressent-il comme une caresse?
On peut y voir d’inquiétantes murènes côtoyer des poissons ballons, notamment le « diodon » qui s’évertue à se mettre en boule : il se gonfle d’eau de manière spectaculaire quand on le chatouille, puis se dégonfle quand il est laissé à lui-même.
Qui a jamais entendu le cri terrible du diodon? Et à combien de cycles de gonflements finira-t-il par succomber pour que s'extasient les visiteurs?
Ce sont aussi des élevages de belles langoustes, des mérous, au côté d’autres variétés plus banales de poissons tropicaux comme le "zanclus cornutus".
L’un des poissons tropicaux ici présents, avec des superbes nageoires vénéneuses est probablement de la famille dite des « rascasses volantes », originellement de cette partie asiatique de l’Océan Indien ; on l’appelle maintenant en Europe « poisson lion », ou « l’ogre des mers » depuis que, exporté inconsciemment puis échappé d’un aquarium de Floride, il a atteint la Méditerranée et dévore les autres poissons, et même dit-on des crustacés.
Nous ne saurons pas si ces très rustiques aquariums sont là exclusivement pour séduire la curiosité du visiteur, ou bien s’ils font aussi partie de la chaîne de production de pêche de ces artisans de la mer.
Ailleurs, dans la même sorte de grandes trémies de bois dont l’ouverture est au niveau du pont, ils gardent emprisonnés dans un filet qu’ils remontent à leur guise toutes sortes de poissons, rassemblés en fonction de leurs affinités ou de leur cohabitation tranquille, ou bien exclusifs de telle variété comme ces barracudas qui se précipitent instantanément avec un frénétique appétit sur tout ce qui n’est pas un frère de race.
Ne jamais y laisser pendre négligemment une main…
autre murène
murène
poissons-lions
zanclus cornutus
diodon
La fiabilité du système local de détection de mouvement est aléatoire : un chien débonnaire et paresseux, qui a sa propre niche sur pilotis sous les palétuviers de la rive boueuse, est sensé alerter les habitants en cas d’intrusion.
Il n’aboiera qu’à notre départ, repu et somnolent à notre arrivée…